L’évolution des campagnes au XIX siècle


EXPANSION DE LA CANNE A SUCRE... ET DISPARITION DES PAYSAGES DE CAMPAGNE



1. DES SOURCES D’INFORMATION PLUS NOMBREUSES ET PLUS VARIÉES


En 1848, Etienne d'Hastrel de Rivedoux publie un album qui rassemble les lithogravures qu'il a faites 10 ans plus tôt lors de son séjour dans l'île en tant que militaire. Elles offrent parmi les plus belles représentations de l'île au XIXe siècle. Dans la foulée, un certain Louis-Antoine Roussin, bien connu de tous les Réunionnais tant ses lithographies ont été maintes et maintes fois reproduites, va parcourir  et dessiner abondamment les paysages de l'île au milieu du siècle, de la fin des années 1850 au début des années 1870, avant de quitter l'île en 1888. On bénéficie ainsi aujourd'hui d'un témoignage illustré remarquablement abondant.

Mais Roussin ne va pas se contenter de publier ses dessins seuls. Il demande à certains de ses contemporains de rédiger des textes qui viennent appuyer les illustrations. Héry, Jeantet, le Docteur Jacob de Cordemoy, Cazamian, seront quelques uns de ces écrivains. C'est ainsi que naissent les "Albums de la Réunion" qui rassemblent l'ensemble de ces textes et images, précieuse source d'information sur l'évolution de l'île et, pour ce qui nous intéresse ici, sur l'évolution des rapports de l'homme à ses paysages.

A cette époque, les récits changent de "cible". Il ne s'agit plus de s'adresser à un gouverneur ou un ministre resté en métropole pour lui décrire la colonie, son état et ses potentialités, il ne s'agit plus de raconter ses aventures dans les mers du sud. Les écrivains ne passent plus sur l'île ; ils y habitent. Et, en peignant les paysages de l'île, ils s'adressent à leurs compatriotes qui y habitent également. Les textes de description de l'île deviennent plus des récits destinés à faire rêver ceux qui y vivent sans s'y promener.
Héry, avec son style plein d'un lyrisme exagéré, excellera dans ce domaine, et son texte est véritablement truffé de points d'exclamations. Lorsqu'il dépeint ses expéditions dans l'intérieur de l'île, son récit vise à faire frissonner le lecteur d'angoisse et de plaisir mêlés.
Voici par exemple ce qu'inspire le Cap Noir à l'auteur :

"Oh! le hideux endroit! rien n'en égale l'horreur. Le voyageur en le doublant reste pétrifié. Qu'on se figure un rictus  de douze cent pieds de profondeur sous vos pas, de trois mille de hauteur sur vos têtes. Véritable gueule de vampire prête à se refermer sur vous ; horrible enfer de charbon de terre, noir comme l'antre de Cacus, au fond duquel des scories tranchantes en forme de mâchoires carnassières semblent béer pour quelque proie... C'est hideux, épouvantable à contempler" etc...

L'endroit est hideux et horrible, mais le voyageur le contemple et le décrit longuement, et avec une certaine délectation...

2. LA FOI DANS LES TECHNIQUES


La difficulté des déplacements dans l'île.

Le gouvernement Hubert-Delisle en place au milieu du XIXe siècle donne une impulsion aux arts et aux lettres, mais surtout développe le réseau des infrastructures.

Encore au début du siècle, Frappaz avait noté que "le voyageur qui veut faire le tour de l'île rencontre à chaque pas des obstacles dont plusieurs ne se franchissent pas sans périls et (qu') il serait bientôt rebuté sans l'extrême désir de contempler les sauvages beautés de la nature ainsi que les heureux résultats de l'industrie".

Pour Frappaz, le chemin de Saint-Denis à la Possession reste la hantise des voyageurs, "route effrayante", coupée de "précipices affreux".

Quant aux dunes de l'Etang-salé, elles présentent "dans un tout petit espace toutes les effrayantes particularités des déserts de l'Afrique" et "menacent d'engloutir les voyageurs imprudens sous des flots encore plus redoutables que ceux de l'Océan." Et c'est un marin qui parle!

A la difficulté désormais bien connue du chemin de La Possession à Saint-Denis, s'en ajoute une nouvelle avec Billiard qui sera très fréquemment décrite au cours du XIXe siècle : celle de la Montée Panon. Il s'agit de la côte qu'il est nécessaire de grimper pour aller chercher en amont du chemin littoral le franchissement de la Grande Ravine qui entaille profondément la pente de la côte Ouest.

"De la Montée à Panon jusqu'au bourg de Saint-Leu, pas le moindre ombrage. De chaque côté du chemin une plaine hérissée de rochers d'une affreuse aridité ; au fond de l'encaissement de la Grande Ravine, dont les remparts à pic sont de lave noirâtre, on ne voit sur le roc desséché que la trace encore récente du torrent ; c'est la tristesse et le bouleversement du chaos ; entendez-vous la mer qui se brise en mugissant à l'entrée de la ravine?"


La création d'infrastructures.

"L'extrême désir" de découverte dont parlait Frappaz va être facilité par la création de routes et de ponts, et la progression de ces infrastructures, auxquelles s'ajoutent les canalisations et les ports, va être un des sujets d'intérêt majeur qui transparaît des récits de l'Album de Roussin.

Monforand, à propos du Cap Champagne que la nouvelle route du littoral entaille, écrit par exemple :

"Depuis des milliers d'années, le géant avait soutenu l'assaut des vagues et vaincu leur menace ; aujourd'hui, il est vaincu à son tour par le génie de l'homme et lui livre un passage à travers ses blocs désunis."



Il n'est pas moins enthousiaste sur les travaux de canalisation de la ravine Saint-Gilles :

"Il semblerait qu'en présence de ces énormes masses, l'homme dut se sentir écrasé ; eh bien! c'est un sentiment tout contraire que nous avons éprouvé en ce moment.
Pour colossales soient ces murailles de pierre, pour formidables que paraissent ces roches et ces laves éructées par des volcans aujourd'hui éteints, l'homme en a triomphé : il les a marquées de son sceau, et, une fois vaincue la surprise des sens, c'est presque de l'orgueil que nous avons ressenti devant cette sauvage grandeur : les forces de la nature n'étaient plus pour nous qu'un point de comparaison, et le génie de l'homme nous apparaissait rayonnant : plus la nature est grande, plus est élevé le piédestal que le travail, par sa victoire, se construit à lui-même."

Cazamian n'est pas moins lyrique lorsqu'il évoque la construction du pont-aqueduc sur le "ravissant paysage" de la rivière des Pluies :

"Ainsi, grâce à l'intelligente activité de quelques créoles (...), sur les splendeurs naturelles d'un magnifique site se sont greffées des beautés artificielles non moins pittoresques et qui font plus que de plaire, qui rendent service. L'homme a  métamorphosé, complété l’œuvre de Dieu. Dieu doit être content de son œuvre sublime entre toutes, de l’homme, qu’il a appelé à comprendre et à continuer sa propre création.
Vive la nature et vive l'art, quand ils se donnent fraternellement la main!"

3. DIVERSITÉ ET CONTRASTES DES PAYSAGES DU DÉBUT DU SIÈCLE


La relation de voyage d'Auguste Billiard dans son "Voyage aux colonies orientales" publié en 1822 (Coll° Mascarin, Ars Terres Créoles, 1990) est intéressante. Il s'agit d'un haut fonctionnaire qui soumet au ministre le Comte de Montalivet ses réflexions sur l'état et les besoins de la seule colonie restée à la France dans l'Océan Indien.

Le texte de Billiard est très intéressant par la découverte des contrastes dans les paysages de l'île. Pour la première fois leur diversité contribue à ses yeux à leur donner de la valeur.
De même que Frappaz avait noté le contraste entre les pentes et les montagnes sur la côte Nord-Est, qu'il avait jugé "intéressant", de même Billiard va apprécier fréquemment les contrastes mais cette fois sur l'ensemble des paysages de l'île.

En fait, par les multiples facettes contrastées qu'il  découvre, Billiard est surpris : le voilà agréablement dépaysé, à chaque fois qu'il découvre de nouveaux lieux.

C'est ainsi que Saint-Paul, par son "gracieux paysage" va ressembler à un jardin anglais :

 "Je vous laisse contempler ce massif d'arbres touffus, de palmiers, de cases et d'élégants pavillons, au-dessus duquel vous planez vers la gauche. Cela ne ressemble-t-il pas à un vaste jardin anglais dans lequel on aurait multiplié les fabriques?".

Au chemin du tour des Roches, au bord de l'Etang de Saint-Paul, "ces cascades, ces ravines, ces groupes de verdure rappellent les sites les plus variés, les plus pittoresques de la Suisse".
Sainte-Marie lui rappelle plutôt la France :

"A peu de distance au-delà du village, la route fait un peu le coude pour doubler une espèce de cap formé par l'extrémité d'un coteau ; elle s'élève à quelques toise au-dessus de la plaine. Voilà la France! m'écriai-je involontairement en arrivant pour la première fois au sommet de la petite élévation ; en effet, j'apercevais une plaine et des coteaux présentant, avec une physionomie à peu près pareille, tout ce que la Touraine et la Normandie peuvent offrir de richesses et de beauté."


Les dunes de l'Etang-Salé lui rappellent la Mer Rouge :

"Ce sont des montagnes de sables qui semblent vouloir envahir les cultures des coteaux les plus élevés ; le chemin n'y est marqué que par de vigoureux pieds d'agave auxquels j'ai précédemment donné le nom aloès, et par des pignons d'Inde, qui les uns et les autres prospèrent dans les terrains les plus frappés de stérilité. de la cime de ces montagnes de sable mobile qui sert de lisière à la terre ferme, on domine sur une plaine encore de sable, qui se confond bientôt avec la mer ; c'est jusqu'au rivage une teinte uniforme et grisâtre dont les yeux sont fatigués ; aucune végétation à l'exception des troncs noircis de quelques vieux lataniers. Au bord d'une petite anse un magasin, quatre ou cinq maisons, paraissent comme un lieu inhabité, c'est ce que l'on appelle le port de l'Etang-Salé. Il me semble que je suis transporté sur les rivages de la Mer Rouge ; il ne me manque qu'un bédouin arabe traversant les sables du désert."


Mais ce qui frappe le plus Billiard, c'est non seulement le dépaysement mais la vitesse de transition d'un paysage à l'autre.
Il ajoute aussitôt après avoir évoqué "les rivages de la Mer Rouge" :

"à une lieue plus loin, je me crois au milieu des plaines de la France ; j'arrive au moment de la récolte du blé qui couvre les campagnes de Saint-Louis et du Gol".

Dans la même logique, le village de Saint-Gilles est vu comme une véritable oasis qui contraste avec son paysage alentour de savane et dont la découverte surprend :

"Dans presque toute la longueur de la côte occidentale de l'île, les savanes forment entre les cultures et le rivage une lisière aride, qui a une demi-lieue à cinq quarts de lieues de largeur. Il n'y croît qu'une herbe dure et piquante ; dans quelques endroits pousse un chiendent coriace dont les bestiaux sont forcés de se contenter. Le rivage est un sable brûlant composé de débris volcaniques et de débris de madrépores ; d'espace en espace la plage est interrompue par un cap de rochers, ou hérissés de laves dont les torrents refroidis semblent encore lutter contre les vagues de l'Océan. On ne découvre presque aucun objet dont l’œil puisse se récréer ; quelques benjoins dépouillés de leur écorce végètent isolément dans la savane ; sur la saillie d'un rocher on aperçoit parfois un latanier sans feuillage, semblable à une colonne dont le chapiteau est renversé, ou au bord de la mer, le misérable boucan d'un pêcheur. (...) Après avoir fait une ou deux lieues dans ces décourageantes savanes, si l'on arrive au bord des remparts qui enclosent l'entrée de la petite rivière de Saint-Gilles, combien tout à coup l'oeil est agréablement surpris en découvrant, au fond de l'encaissement qui s'élargit, un tapis de la plus riche verdure, des groupes de cocotiers qui s'élancent avec une vigueur étonnante, une onde limpide qui bouillonne entre les rochers, et se partage entre les rizières dont ce beau tapis de verdure est composé! Quelques petites cases paraissent à peine sous d'épais ombrages."

Les contrastes (on pourrait parler aujourd'hui de "diversité") commencent à faire partie du charme de La Réunion, et c'est par contraste que les paysages stériles peuvent commencer à exister.

Comme le remarque finalement Billiard :

"Traverser avec beaucoup de fatigue un désert aride pour se trouver tout à coup dans un endroit délicieux, a quelque chose qui plaît à mon imagination ; c'est comme une vie dont les plaisirs ont été d'autant plus vifs qu'ils ont été achetés par de plus grandes peines. On retrouve fréquemment à Bourbon ce passage subit de la stérilité la plus affreuse au luxe de la plus belle végétation".

4. EXPANSION DE LA CANNE A SUCRE


La valeur de la diversité et des contrastes de l'île va être remise en cause dans les campagnes par le développement et bientôt la monoculture de la canne.

Encore au début du XIXe siècle, Frappaz voit dans la côte nord-est, comme Bory-de-Saint-Vincent, "un spectacle ravissant". Remarquons que dans le tableau qu'il dépeint (lui aussi depuis le bateau qui l'amène sur l'île), la canne à sucre est cette fois apparue. Bientôt, on le verra, elle s'imposera en supprimant toute la diversité des cultures qui faisait de cette côte nord-est tant admirée un vrai jardin.

Sa description est intéressante également car la toile de fond que constitue la montagne est cette fois perçue et, par le contraste qu'elle offre avec les pentes cultivées, elle participe désormais de la beauté du tableau. Nous ne sommes plus dans les oppositions du siècle dernier où la beauté des campagnes en plein essor faisait mieux sentir ce qu'il y avait d'affreux dans l'aspect de la montagne.

"En arrivant à Bourbon, on attaque toujours la partie du vent ; et s'approchant alors de la côte qui est très saine, on jouit, avant d'atteindre Saint-Denis, d'un spectacle ravissant. Les plus riches cultures se déploient successivement aux regards charmés. Ici se présentent comme de vastes bois taillés de belles plantations de ces arbustes, originaires d'Arabie, dont la graine est, pour ainsi dire, devenue aujourd'hui un objet de première nécessité. Là les muscadiers étalent avec orgueil ces beaux fruits si agréables à l’œil et dont l'amande offrirait une branche de commerce très lucrative sans le fisc, qui, semblable à un vampire (!), dessèche toutes les sources de l'industrie. Plus loin des bouquets de superbes girofliers répandent incessamment dans les airs un parfum délicieux que le vent de terre porte aux navigateurs enchantés. Près de ces arbres précieux se remarque les cacaoyer, et dans les intervalles, on aperçoit de vastes champs où se balancent, comme une mer houleuse, ces roseaux dont le suc est tant recherché dans tout l'univers. Enfin on voit çà et là de jolies habitations ombragées par de magnifiques manguiers et tamariniers et qu'embellissent des touffes de citronniers. Cet admirable tableau est encore rendu plus intéressant par le contraste de ces riches cultures avec le haut des montagnes dont l'aspect est on ne peut plus agreste. Ces sommets, couverts d'une épaisse verdure, sont profondément sillonnés dans tous les sens, et leur disposition bizarre offre des sites éminemment romantiques."


Au début du XIXe siècle, Frappaz nous apprend encore que les quartiers de Saint-Louis et de Saint-Pierre, couverts de céréales, "offrent l'aspect des campagnes de la France, et l'on n'y voit que des chaumières bâties çà et là au milieu de vastes champs de blé, de riz et de maïs".


Comme ses prédécesseurs, Billiard s'émerveille de la fertilité de la côte Nord-Est, mais cette fois  la canne à sucre commence à prendre plus d'importance, sans qu'elle ait toutefois évincé encore les autres cultures :

" Il n'y a point de culture qui ait un air plus riche que celle de la canne à sucre ; plusieurs fois, du haut d'une colline ou d'un piton, je me suis arrêté à contempler les belles campagnes de la partie du vent, surtout au moment où les vapeurs du matin, se confondant à la fumée des sucreries, s'élèvent au-dessus de la plaine comme une émanation de son abondance et de sa fertilité. Ce n'est point ici comme au rivage de la partie sous le vent : les terres sont cultivées jusqu'au bord de la mer ; les habitations sont entourées de haies vives en Jamrosa, en sapan épineux, et en citronnier combava ; les grands chemins s'ouvrent sous un berceau de verdure ; de jolies cases se montrent non loin les unes des autres au travers des bouquets d'arbres qui les environnent ; on croirait être au printemps des plus beaux pays de la France (...) Les caféteries s'entremêlent aux sucreries ; les girofliers sont plantés en avenues ou distribués en quinconces sur le penchant des coteaux."

La côte Nord-Est n'est d'ailleurs plus appréciée que pour sa seule fertilité mais aussi pour la mise en scène des paysages que l'on découvre depuis le chemin :

" Il ne peut exister dans le monde de pays comparable à la partie du vent de Bourbon... Depuis la rivière du Mât jusqu'à la rivière des Marsouins, on continue de voyager dans un jardin ; les chemins sont bordés de haies de rosiers et d'orangers qui sont presque toujours en fleurs. L'air est rempli du parfum des girofliers".

5. LA “DISPARITION” DES PAYSAGES AGRAIRES


Le milieu du XIXe siècle marque l'âge d'or de la canne à sucre sur l'île. Avec les témoignages de Frappaz et de Billiard, nous l'avons vu s'ajouter aux nombreuses cultures déjà présentes sur la côte Nord-Est : blé, maïs, giroflier, riz, café, etc ; nous l'avons vu également côtoyer le blé dans la plaine du Gol.
De 1830 à 1860, la canne ne cesse de gagner du terrain, au point de supprimer progressivement la diversité des cultures qui faisaient des pentes des "jardins", et de supprimer également, en faisant disparaître les céréales favorisées un siècle plus tôt par Labourdonnais, la référence aux paysages de France qui avaient frappé tous les voyageurs de la deuxième moitié du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle, et dont et dont la seule trace qui reste aujourd'hui tient dans le nom du bourg de "Quartier Français".

La monoculture de la canne, et surtout l'attrait de la montagne deviennent tels qu'ils éclipsent les paysages des pentes cultivées, ceux qui, jusqu'alors, faisaient l'objet d'une séduction presque systématique pour les voyageurs. On est loin des premiers temps où la nourriture et l'eau potable étaient les seuls éléments appréciés dans le "pays", loin également de l'agréable "jardin" de la campagne, qui rappelait par endroits la France!

Le tour d'île de Claude Jacob de Cordemoy, en 1863, est caractéristique de ce glissement du centre d'intérêt.


Le paysage cultivé ?

Il le juge "vulgaire"  et "triste" vers la Rivière des Pluies, "désespérément ennuyeux"  vers Sainte-Marie, "monotone" vers Saint-André, "ennuyeux" et "monotone" à nouveau entre la Rivière du Mât et la Rivière des Roches. Et la route offre encore un "spectacle monotone" vers Saint-Louis, car, "comme toujours, les champs de canne empêchent de rien apercevoir au-delà".

Les lithographies de Roussin n'échapperont pas au désintérêt que l'on éprouve pour les pentes cultivées. Curieusement, on a ainsi du mal, parmi la multitude de ses dessins, à en trouver un pour lequel le sujet principal est effectivement un paysage de campagne. On trouve de multiples vues de montagnes : les gorges de Salazie, le Piton des Neiges vu du Plateau Wickers ou vu de la Rivière des Pluies, la Mare à Poule d'eau, le plateau d'Hell-Bourg, les pentes du Grand-Brûlé, la rivière des Galets, la Plaine des Cafres, l'étang de Saint-Benoît, le cirque de Cilaos, la léproserie dans la montagne Saint-Denis, la Plaine des Palmistes, etc.

On trouve également beaucoup de dessins de ponts et de routes: le pont de la Rivière des Pluies, le pont-aqueduc de cette même rivière, le nouveau pont en fer sur la rivière du Mât, ...

Le bord de la mer est parfois dessiné, en particulier là encore pour témoigner de l'avancement de la route du littoral sur la côte Ouest ; et l'on bénéficie ainsi de belles vues prises du Cap la Houssaye, ou prise de la pointe du Boucan Canot.

Mais les pentes cultivées restent en soi très rares :
Une des plus intéressantes est celle du quartier Saint-Joseph, où l'on aperçoit en premier plan une sucrerie avec sa cheminée qui fume et, dans le lointain, les pentes cultivées ponctuées des grandes boursouflures des pitons qui ponctuent la côte.
Une autre vue intéressante est celle qui est prise de bateau (Marine du quartier Sainte-Suzanne) qui montre les pentes cultivées de Sainte-Suzanne, émaillées de plantations d'alignement, de ravines et de propriétés, avec en toile de fond les pentes boisées dominées par la silhouette caractéristique du massif du Piton des Neiges.
Et c'est à peu près tout. Sur les autres dessins, l'attention est portée au premier plan (très souvent une route, parfois avec ses habitations ou avec des personnages) et à l'arrière-plan (très souvent des silhouettes bien reconnaissables de sommets de l'île), le second plan intermédiaire des pentes cultivées étant à peu près masqué.