Les «petits» grands paysages de l’île :

fragilité des paysages et des sites



Dans ce jeu d’échelles entre le grand paysage le plus majestueux et le site le plus précieux, il est essentiel de noter l’aspect en trompe l’œil de La Réunion ; ce qui est vrai de La Réunion en général est vrai aussi pour certains paysages : ils paraissent vastes alors qu’ils restent objectivement petits. Ils semblent comme de grandes étendues alors qu’ils ne constituent que de fragiles sites. Aussi apparaissent-ils tout particulièrement sensibles aux erreurs d’échelles, qui feraient arriver des équipements cassant l’impression généreuse qu’ils offrent. Citons par exemple :

La savane du Cap La Houssaye vue depuis la RN 1 : une impression de grand espace
La savane du Cap La Houssaye vue depuis la RN 1 : une impression de grand espace

  • la savane du Cap La Houssaye : elle n'a de valeur que par son étendue pure, vierge de constructions, qui la fait paraître grande dans son manteau lumineux de graminées. Or la pression est très forte sur ce site : outre la Route des Tamarins s'ajoutent la MCUR (projet abandonné), les ZAC Renaissance III et de l'Eperon, la déviation de l'Eperon, les tentations d'irrigation et de mise en culture, …

L’étendue de la plaine des Cafres : un faux grand paysage, fragile
L’étendue de la plaine des Cafres : un faux grand paysage, fragile

  • la plaine des Cafres : dans une toute autre ambiance, elle aussi est finalement petite, modestement étendue de Bourg-Murat au rempart de Bellevue. Or elle offre des paysages de plateaux pâturés uniques, balayés par les nuages, bordés par la forêt tropicale d’altitude, sertis dans des landes piquées d’ajonc, agrémentés par endroits de chaos rocheux, de fougères arborescentes, ou de petits sophoras trapus ; elle aussi est soumise sur ses marges à la pression d’une urbanisation médiocre (Bourg Murat, …) et en son cœur à des implantations d’équipements agricoles, techniques ou touristiques ;

La Plaine des Sables, subjectivement grande et objectivement petite : un trompe l’œil
La Plaine des Sables, subjectivement grande et objectivement petite : un trompe l’œil

  • la Plaine des Sables : là encore il s'agit d'un faux grand paysage, subjectivement grand et objectivement petit, au caractère unique dans l'île : la plaine des Sables, avec son étendue nue, minérale, sombre aux reflets rougeoyants, sableuse et rocheuse à la fois, évoque un morceau de lune, ou de mars, et renvoie à une échelle cosmique alors qu'elle ne couvre dans la réalité que quelques hectares : 2 km de large pour 3 de long.

Paysage bonzaï dans l’Enclos Fouqué
Paysage bonzaï dans l’Enclos Fouqué
Faux grand paysage rocheux, plaine des Sables
Faux grand paysage rocheux, plaine des Sables


  • les paysages du volcan plus généralement, évoquent souvent des grands paysages, aux étendues de landes mystérieusement drapées dans les nuages, sans que les superficies soient importantes. La rudesse climatique nanifie les plantes qui, à une échelle très détaillée, peuvent même évoquer de grands paysages, tout comme les rochers peuvent évoquer des montagnes.
Les sites de La Réunion en général sont comme des bijoux précieux et fragiles ; ils prennent d'autant plus de valeur qu'ils sont présentés soigneusement, dans des écrins protecteurs.
Or, pour beaucoup de sites Réunionnais, c'est là que le bât blesse : les cadrages photographiques serrés de cartes postales laissent croire à des étendues remarquablement préservées ; la réalité du contexte de chaque site, hors champ, apparaît bien souvent beaucoup plus prosaïque et malheureusement mal maîtrisée. C'est le défi de la politique d'aménagement qualitatif du territoire de l'île : passer de la protection du site extraordinaire à la préservation du paysage ordinaire ; élargir le cadrage pour embrasser le paysage quotidien ; passer du cadre photo au cadre de vie.