Une ceinture d'urbanisation ?
L’urbanisation de Saint-Denis à la conquête des pentes, vue d’avion
La Réunion voit son organisation urbaine étroitement dépendante de la puissance de sa géographie naturelle. La carte de l'urbanisation montre à quel point le bâti se concentre sur les pentes basses de l'île, littorales ou proches du littoral. Hormis le dessous du volcan actif entre Sainte-Rose et Saint-Philippe, où le Grand Brûlé et ses environs restent principalement sauvages et naturels d'aspect, ces pentes basses apparaissent partout ailleurs franchement marquées par l'urbanisation. Le bâti s'y étend en un semis généralisé de taches blanches, d'autant plus visibles que les pentes s'affichent partout comme des présentoirs. Depuis le niveau zéro du littoral ouest par exemple, la ligne d'urbanisation qui suit la route Hubert-Delisle, à 800 m d'altitude, est souvent parfaitement visible.
Localement ces taches s'agglomèrent en amas pour former les villes qui s'égrènent sur le littoral, dans les plaines et sur les pentes. La nuit, c'est une constellation de lumières qui révèle l'omniprésence du bâti.
Des coupures d'urbanisation, dont certaines difficilement protégées par la Loi Littoral, parviennent encore à rendre lisible la succession différenciée des communes sur les pentes ; mais il s'agit de coupures physiques : visuellement, le littoral et les pentes basses n'échappent pas à l'urbain généralisé.
Le cirque de Mafate vu du Maïdo
En contraste, les pentes hautes, au-dessus de 800 mètres, ainsi que les cirques autour du Piton de Neiges et le massif du volcan actif, avec la plaine des Cafres entre les deux, apparaissent très peu habitées : ces « hauts » cumulent en effet les résistances naturelles au développement urbain : la force des reliefs, les difficultés d'accès et de dessertes, l'instabilité des sols et l'érosion, les rigueurs climatiques, la rareté des terres cultivables.
Les institutions ont contribué à fixer ce contraste entre hauts « naturels » et bas urbanisés : historiquement, les concessions ont été octroyées « du battant des lames au sommet des montagnes », ce sommet étant considéré comme la ligne de crête perceptible depuis le bord de mer. Concrètement, après d'innombrables conflits liés au flou de cette limite amont, les hauts ont ainsi été définis par une ligne domaniale et sont, depuis la départementalisation de 1946, propriété du Département. Depuis 2007, la création du Parc National, prenant presque l'ensemble des hauts et de l'intérieur de l'île, conforte cette dichotomie forte entre Bas et Hauts.
Urbanisation sur les pentes de La Possession
Une forte opposition se dégage ainsi à l'échelle de l'île entre les pentes basses et intermédiaires, largement gagnées par l'urbanisation, et les pentes hautes et reliefs intérieurs, presque inhabités. Aujourd'hui, 85% de la population occupe 1/3 de la superficie de l'île. 80 % de la population habite dans une bande littorale de 5 km de large ; 47% vivent à moins de 100 m d'altitude.
Remontée d’urbanisation sur les pentes de La Plaine Saint-Paul
Le schéma grossier de l'île est celui d'une ceinture littorale urbanisée encerclant un coeur vert de nature. « Nous sommes dans une île où le centre est la périphérie et la périphérie le centre », comme l'explique le géographe JM Jauze à ses étudiants. Ce schéma, dans son radicalisme simple, n'est pas sans poser problème. Il offre une vision planificatrice du territoire qui, poussée à l'extrême, constitue un risque de fracture environnementale et paysagère préjudiciable au développement durable de l'île.