1860-1945 : le train et le port
La crise qui se développe à partir des années 1860 va fortement ralentir le développement de l'île. La population de 173000 habitants en 1900, n'est pas plus nombreuse en 1920 et atteint 200 000 habitants à l'aube de la deuxième guerre mondiale.
Pourtant, l'amélioration des infrastructures s'avère indispensable. Il faut notamment un port pour l'île : avec l'ouverture du canal de Suez en 1869 et le développement de la marine à vapeur qui remplace la marine à voile, La Réunion doit accueillir des bateaux modernes exigeant de vastes bassins en eau profonde.
A ce titre, le destin de Saint-Pierre est cruel : la ville a investi dans un port sous l'impulsion d'Hubert-Delisle. Réalisé non sans mal, il est inauguré en 1865, au moment même où les bateaux à vapeur exigent d'autres dimensions. Il faut transformer l'ouvrage à peine mis en service, l'agrandir et surtout l'approfondir ; de nouveaux travaux s'engagent, en pleine crise, qui ne s'achèveront qu'en 1883. Entre temps, un autre projet est né, plus au nord ... qui connaîtra aussi son lot de difficultés. Mais dans le sud, la ville de Saint-Pierre est endettée pour longtemps.
La création du port de la Pointe des Galets est étroitement dépendante de celle du chemin de fer de Saint-Pierre à Saint-Benoît. En concentrant le chargement/déchargement des marchandises sur un seul port, les liaisons terrestres de raccordement deviennent vitales. C'est l'arrêté du 28 octobre 1876 qui déclare d'utilité publique leur création conjointe. On crée la CPR : compagnie du chemin de fer et du port de La Réunion. Le train doit par la même occasion permettre de vaincre l'obstacle contraignant des falaises du littoral de La Montagne, barrière terrestre entre le nord et l'ouest, qui coupe l'île en deux.
Passerelle du CFR sur l’étang de Saint-Paul, utilisée aujourd’hui pour les circulations douces
Le chemin de fer est inauguré dès 1882 ; il s'allonge sur 126 kilomètres, franchit les ravines par 41 ponts métalliques et 14 ponts de maçonnerie. Il en reste quelques-uns aujourd'hui, qui marquent le paysage littoral par leur discrète et simple élégance. La plupart sont abandonnés, mais certains réutilisés pour d'autres usages : le viaduc de la Petite Ravine est emprunté par la RN1, le pont métallique du bras de l'étang Saint-Paul sert aux circulations douces. Quant aux emprises, elles offrent par endroits la possibilité de circulations piétonnes et cyclables.
Le port Ouest aujourd’hui
La création du port de la Pointe des Galets est laborieuse. Les travaux s'étendent de 1879 à 1886, gênés par la mer, les barres rocheuses imprévues, les épidémies dans le camp des ouvriers. Après son inauguration, d'autres problèmes surgissent: la modification des courants côtiers du fait des digues édifiées conduit à des dépôts d'alluvions devant l'entrée du port ; les cyclones de 1900 et 1904 détruisent les digues, ... Il faut attendre les années 1920 pour que le port fonctionne de façon fiable. Quant à la ville du Port, elle se développe rapidement sur la pointes des Galets : plus de 2000 habitants dès 1895, 4 355 en 1926, 9207 en 1946, à la veille de la départementalisation.
L'urbanisation reste faible. Les seules vraies villes sont celles de Saint-Denis, Saint-Pierre et désormais Le Port. Les quatre centres suivants (Saint-Paul, Saint-Louis, Saint-Benoît, Saint-André), bien que gros chacun de plus de deux mille habitants « ne pouvaient être considérés tout au plus que comme des gros bourgs semi-urbains » (JM Jauze). L'ensemble n'héberge que 20% de la population. Les 80 % restants habitent hors villes ou bourgs semi-urbains, dans les villages ou les bourgs ruraux.
Quant au réseau routier, il reste tout aussi modeste, principalement hérité des années 1850. Néanmoins la route de Cilaos (actuelle RN 5), véritable monument par les contorsions qu'il a fallu lui faire faire pour franchir les reliefs titanesques qui la dominent (37,7 km, 420 virages), est taillée héroïquement de 1927 à 1932, et son achèvement complet date de 1945.
Dès 1911, des autos-cars de 9 à 14 places sillonnent l'île pour compléter la desserte ferroviaire. Quant à la voiture individuelle, elle ne représente rien jusqu'à la deuxième guerre : la première voiture a roulé en 1900, mais en 1940, on en compte toujours moins de mille dans l'île. Il n'y a que 50 kilomètres de routes bitumées en 1940.