Il a fallu l'invention du tourisme balnéaire pour que les paysages littoraux prennent toute leur attractivité. Né au XIXe siècle, il s'agit au départ d'un tourisme réservé à quelques favorisés qui viennent en villégiature à Saint-Gilles, jusqu'alors modeste village de pêcheurs sur la grande concession Desbassyns, et coupé de Saint-Paul par les falaises littorales du Cap Champagne et du Cap La Houssaye. C'est la route qui change la physionomie de Saint-Gilles, commencée par l'ingénieur Bonnin en 1863, à la fois depuis Saint-Paul et depuis Saint-Leu. Elle est suivie par le train, dont un premier tronçon est inauguré en 1882.
Aujourd'hui, le tourisme et les loisirs liés à la mer ont élargi leur spectre d'intérêt : baignade, mais aussi marche et vélo sur la côte, plongée et snorkeling, pêche à la ligne et pêche au gros, bateaux à fond de verre, surf, planche à voile et kite surf, sans oublier le rituel pique-nique. Le littoral attire non seulement les touristes mais l'ensemble de la population de l'île. Cet attrait se concentre principalement sur les plages baignables, rares dans l'île. L'attractivité est devenue telle que la côte, notamment la côte ouest balnéaire, est victime de surfréquentation. Cela se traduit par des problèmes multiples de circulation et de stationnement des véhicules, de dégradation et de banalisation des espaces d'accueil, d'érosion des plages, de dégradation des fonds marins et lagonaires, de pollution. Le Conservatoire du Littoral et la Loi Littoral sont des outils mis en place à peu près à temps pour éviter une urbanisation massive des côtes.
Le Conservatoire est propriétaire d'une dizaine de sites qui couvrent environ 800 ha : Chaudron, Grande Chaloupe, Rocher des Colimaçons, Pointe au Sel, Etang du Gol, Terre Rouge, Grande Anse, Anse des Cascades et Bois-Blanc. Quant à la Loi Littoral, elle a efficacement freiné le développement urbain littoral des vingt dernières années, qui s'est reporté plus à l'intérieur des terres sur les pentes.
Néanmoins les paysages littoraux s'abstraient difficilement de la présence du bâti, les pentes des planèzes étant propices à de vastes covisibilités.
Aussi les espaces littoraux proprement sauvages sont-ils rares et précieux sur une côte très densément habitée. Parmi les plages coralliennes, les plus fréquentées, seule celle de Grande Anse échappe à l'omniprésence du bâti ; le long du lagon de l'Ermitage-les-Bains, les filaos peuvent faire illusion et constituent de précieux espaces tampons entre le rivage et l'urbanisation balnéaire ; la plage noire de l'Etang-Salé-les-Bains, de belle ampleur, bénéficie de vrais espaces sauvages grâce à la forêt à laquelle elle s'adosse ; parmi les côtes rocheuses, seule celle de l'est échappe à la présence continue du bâti dans le paysage ; au nord-est, les champs de canne parviennent encore à descendre jusqu'au rivage, constituant des coupures d'urbanisation indispensables ; enfin la savane du Cap La Houssaye, bien que coupée par la Route des Tamarins et mangée partiellement par des projets d'aménagement, offre de vastes espaces de respiration sur un littoral en partie déchargé du trafic de transit lié à la RN1.Outre l'urbanisation, les paysages littoraux souffrent en certains points de privatisation, et presque partout de l'intense circulation des véhicules concentrés sur les routes littorales historiques que sont les RN 1 et RN2. Sur l'Ouest, les élus sauront-ils profiter de la Route des Tamarins pour rendre la côte aux circulations douces, piétonnes et cyclables ? Des propositions ont été faites en ce sens dans le cadre de la charte paysagère du tco (2008).
L'érosion des plages coralliennes
Les récifs coralliens, localisés à l'ouest de l'île, couvrent au total à peine 8 % du périmètre de l'île : 25 km répartis du Cap La Houssaye à Souris Chaude, à Saint-Leu, à Saint-Pierre, à Grande Anse et à Grand Bois. La destruction naturelle de ces paléo-récifs coralliens donne les plages de sable blanc. Ce sont de petits espaces naturels fragiles qui, en concentrant aujourd'hui l'essentiel des pratiques touristiques et de loisirs du littoral, subissent une forte pression anthropique. Cette pression se traduit par une érosion de la plage, liée à plusieurs phénomènes : surfréquentation, construction de murs de protection au bord des plages, urbanisation balnéaire, pollution chimique du lagon, vieillissement des plantations de fixation des sables…
Les paysages agricoles de canne, de vergers ou de maraîchage ne sont pas les seuls à pâtir du développement mal maîtrisé de l'île. Sur le littoral ouest, les paysages secs de savane tendent à disparaître, sous le triple phénomène de l'urbanisation, de l'irrigation et de l'abandon du pâturage. Si la forêt sèche à lataniers et à benjoin a disparu depuis longtemps, les étendues de savane, entretenues par le parcours des cabris ou des bœufs Moka et par le feu, sont en train de disparaître. Elles ont d'ores et déjà laissé place à de vastes étendues de fourrés épineux peu attractifs sur le littoral (entre la Grande Ravine et Saint-Leu). Depuis les dernières décennies, l'urbanisation grignote le reste des étendues de savane, qui, ainsi fragmentées, se transforment en friches résiduelles peu avenantes et guère capables « d'absorber » le bâti nouveau. Le pâturage, contraint par les ruptures de continuités (qu'aggrave la route des Tamarins localement), abandonne les espaces trop difficiles à gérer. L'irrigation en cours conduit à substituer de façon spectaculaire de vertes étendues de canne aux fauves ondulations de savane. Celle-ci devrait se maintenir partiellement sur le Cap La Houssaye, où la route des Tamarins a été dessinée et plantée dans cette perspective, aménagée en « route de savane » : chaussées décalées et séparées pour ouvrir les vues, terrassements morphologiques reprenant les modelés naturels de la savane, création d'ouvrages d'art supplémentaires pour favoriser la perméabilité de la route et le passage des troupeaux, choix de palette végétale adaptée au contexte. Un morceau de savane est également protégé sur la Pointe au Sel.
La quasi-disparition de la savane est une perte pour l'île dans son ensemble. La savane contribue en effet à la diversité et aux contrastes des paysages, valeur première de La Réunion. Elle a été identifiée comme précieuse dès 1992 (Etude des espaces naturels et culturels remarquables du littoral de La Réunion, DDE/Folléa-Gautier) et le Cap La Houssaye protégé de ce fait dans le SAR 1994. Au-delà, elle mérite aujourd'hui une réhabilitation et un réaménagement en « parcs de savane », en faisant une place à la recréation de forêt sèche et savane arborée, d'autant que la population s'y avère sensible, fréquentant de plus en plus densément la savane du Cap La Houssaye depuis l'ouverture du chantier de la Route des Tamarins au milieu des années 2000.