2.9. Synthèse sur les enjeux

Le contraste grandissant entre Hauts naturels sanctuarisés et Bas artificiels urbanisés : fracture paysagère et environnementale, menace sur les paysages agricoles.


Remontée d’urbanisation sur les pentes de La Plaine Saint-Paul
Remontée d’urbanisation sur les pentes de La Plaine Saint-Paul
Imbrication de l’agricole et de l’urbain, côte nord-est, vue d’avion
Imbrication de l’agricole et de l’urbain, côte nord-est, vue d’avion


Une forte opposition se dégage aujourd’hui à l'échelle de l'île entre les pentes basses et intermédiaires, largement gagnées par l'urbanisation, et les pentes hautes et reliefs intérieurs, presque inhabités. Aujourd’hui, 85% de la population occupe 1/3 de la superficie de l’île. 80 % de la population habite dans une bande littorale de 5 km de large ; 47% vivent à moins de 100 m d'altitude.

Le schéma grossier de l'île est celui d'une ceinture littorale urbanisée encerclant un coeur vert de nature. « Nous sommes dans une île où le centre est la périphérie et la périphérie le centre », comme l'explique le géographe JM Jauze (Université de La Réunion) à ses étudiants.

Spatialement, le scénario tendanciel qui se dessine pour l’île au regard des dynamiques des dernières décennies est celui d’une ceinture d’urbanisation continue, courant de Sainte-Rose/Saint-Benoît à Saint-Joseph/Saint-Philippe en n’épargnant que le secteur des pentes du volcan actif. Cette ceinture se développe essentiellement sur les pentes basses et les mi-pentes habitables ; l’espace littoral est préservé tant bien que mal par la Loi Littoral, les acquisitions du Conservatoire du Littoral, les coupures d’urbanisation, les espaces naturels sensibles et les réserves créées ; les Hauts restent de fait stables, pris pour une grande majorité dans le Parc National, et dévolus à un tourisme de nature fondé sur l’équilibre délicat entre la fréquentation pour les usages de loisirs et la préservation de la biodiversité.

Ce scénario, dans son radicalisme simple, n'est pas sans poser problème. Il offre une vision planificatrice du territoire qui, poussée à l'extrême, constitue un risque de fracture environnementale et paysagère préjudiciable au développement durable de l'île : les dimensions viable, vivable et équitable du développement de l'île sont en jeu.


Offrir des espaces de nature de proximité, une nécessité pour une population de plus en plus urbaine. Quel rôle peuvent jouer les espaces agricoles dans ce contexte ? (Vers Sainte-Marie)
Offrir des espaces de nature de proximité, une nécessité pour une population de plus en plus urbaine. Quel rôle peuvent jouer les espaces agricoles dans ce contexte ? (Vers Sainte-Marie)
Offrir des espaces de nature de proximité, une nécessité pour une population de plus en plus urbaine. Quel rôle peuvent jouer les espaces agricoles dans ce contexte ?
Offrir des espaces de nature de proximité, une nécessité pour une population de plus en plus urbaine. Quel rôle peuvent jouer les espaces agricoles dans ce contexte ?


  • Le viable : les espaces agricoles productifs se situent en pentes basses et mi-pentes ; souffrant de la pression du développement, ils méritent protection ; de même, des espaces naturels vitaux, notamment le récif corallien et son lagon, sont directement dépendants des protections et des principes d'aménagement durables à porter sur eux-mêmes et sur les pentes ; les espèces animales et végétales ont besoin  de continuités biologiques entre hauts et bas qu'assurent les ravines, également sous la menace d'une urbanisation insuffisamment respectueuse de leurs abords, et les autres espaces non bâtis mis en réseau. Pour le tourisme, la qualité de l'accueil sur le littoral est également dépendante de la capacité que l'on aura à le préserver du tout béton. Enfin stratégiquement, il est dans l'intérêt général de pouvoir offrir des espaces de nature multiples et répartis afin de limiter les problèmes et les risques de surfréquentation.
  • Le vivable : dans un contexte de plus en plus urbanisé et appelé à se densifier, les habitants doivent impérativement pouvoir bénéficier d'espaces « verts » de proximité : pour la détente, les loisirs, le sport, la promenade, les déplacements doux ; or cette nature de proximité manque déjà cruellement aujourd'hui. Avant son ouverture à la circulation, la dense fréquentation de la Route des Tamarins par les promeneurs, cyclistes, rollers et patinettes, a révélé ce besoin d'espaces de proximité. Bien des habitants des pentes ne disposent pas de tels espaces ; ils sont contraints d'utiliser leur voiture et de descendre sur la côte pour pratiquer leur jogging ou tout simplement pour promener leurs enfants.
  • L'équitable : pour l’ensemble des habitants, le littoral doit pouvoir rester un espace de liberté et de respiration d'autant plus précieux et nécessaire que la plupart des Réunionnais ne quittent jamais l'île qui reste objectivement petite, close sur elle-même. Par ailleurs, les habitants des mi-pentes et pentes hautes, ne disposant ni de la proximité de la mer ni du dynamisme touristique des cirques ni des transports en commun efficaces, pourraient pâtir d’un environnement immédiat non maîtrisé et dégradé, aggravant une fracture sociale liée à l’altitude, déjà sensible aujourd’hui.
En termes d'aménagement, le secteur clef de l'île est donc celui des pentes basses et des mi-pentes, où l'urbanisation est en concurrence directe avec l'espace agricole cultivé, occupé aujourd'hui majoritairement par la canne.
Ces pentes méritent des dispositions de protections au moins aussi fortes que dans les hauts, articulées avec le développement dans un schéma d'ensemble ; c'est l'objet du SAR. Le Parc National met en place une charte contractuelle pour l'aire d'adhésion qui entoure coeur. Les politiques foncières et réglementaires, nerf de la guerre pour des protections efficaces et sur le long terme, sont menées pour certains espaces de nature (acquisitions par le Conservatoire du Littoral, acquisitions au titre des Espaces naturels sensibles par le Conseil Général, réserves naturelles, sites classés). Ces politiques portent peu voire pas du tout sur les espaces agricoles, pourtant les plus exposés. Ces derniers restent donc considérés comme des variables d’ajustements, tributaires des révisions des documents d’urbanisme incessantes.