Globalement, sur l'ensemble de l'île, le paysage urbain apparaît largement valorisé par les relations intimes développées entre le bâti et le végétal. Le phénomène est bien sûr plus marquant dans les parties les plus arrosées de l'île : est et hauts, où la palette végétale est la plus large. Cette relation est d'ordre culturel, développée en particulier à travers l'art des jardins créoles. « Le jardin est l'art supérieur de la civilisation créole », ont écrit M. et A. Leblond à propos des îles soeurs Réunion et Maurice. La passion des Réunionnais pour les plantes, qu'elles soient décoratives, alimentaires ou médicinales, les a toujours conduit à s'environner d'un univers végétal soigneusement composé :
Bien souvent, à condition qu'on leur en offre la possibilité, les habitants font généreusement déborder leur jardin sur l'espace public.
La fusion du végétal au bâti est confortée par les dispositions architecturales du bâti traditionnel :
Au final, le paysage urbain traditionnel est largement valorisé par l'espace privé jardiné, pour le bénéfice de tous. Il est aussi un facteur important de lien social, par les échanges de plantes, de boutures, de fruits et de légumes, d'herbes et d'épices qui s'établissent entre habitants. Enfin il joue un rôle économique et social par l'occupation et le travail qu'il exige, et par l'apport de légumes, fruits et épices qu'il assure aux familles.
Cette passion végétale se mesure aujourd'hui aux débordements de plantes constatées sur les balcons des habitants relogés dans des immeubles. En termes d'architecture, la capacité que l'on aura à offrir des espaces cultivables dans les logements individuels et collectifs adaptés à la civilisation végétale Réunionnaise apparaît ainsi comme un défi.
En termes d'urbanisme, cette civilisation végétale est appelée à passer de la sphère privée à la sphère publique, au fur et à mesure que les centres-villes se structurent, se densifient et se substituent aux quartiers traditionnels.
Faute de cette prise en charge, des quartiers excessivement minéralisés sortent de terre, posant des problèmes d'environnement urbain : perte de l'ombrage rafraîchissant et aéré des arbres, durcissement du cadre de vie, imperméabilisation des sols, pollutions.
La ville du Port a depuis longtemps montré une voie, fondant son projet urbain sur une trame d'espaces de circulation généreusement plantés et ombragés. Plusieurs projets urbains contemporains continuent désormais dans cette voie : boulevard sud à Saint-Denis, bord de mer à Saint-Pierre, Chaussée Royale à Saint-Paul, …
Le végétal, pour garantir son mariage fusionnel avec le bâti, peut également servir d'étalon aux hauteurs de bâtiments admises. Ainsi, certaines villes littorales comme Saint-Leu ont limité la hauteur des bâtiments à R+3 pour les accorder avec celle des cocotiers d'âge adulte.
Sur les pentes, les fractionnements des volumes bâtis pour s’adapter à la déclivité sont autant d’occasion pour favoriser l’imbrication du bâti et du végétal. Enfin la valeur économico-sociale du jardin devrait progressivement conduire les décideurs à offrir des jardins familiaux créoles aux familles logées en appartements.