Les processus récents de transformation des paysages

Puissance des transformations des soixante dernières années

Cette partie met en évidence les dynamiques d’évolution récentes (60 dernières années) par images successives (cartographies, photographies aériennes, reconduction de photographies anciennes, interprétation de données de l’observatoire photographique des paysages de la DIREN). Les dynamiques d’évolution perceptibles (les stigmates) sont identifiées par le travail de terrain, et les dynamiques d’évolution probables (grands projets et dynamiques à venir), par les rencontres et les avis du comité de pilotage.

Les dynamiques d’évolution : la puissance des transformations des 60 dernières années


La départementalisation engagée en 1946 marque un tournant spectaculaire dans le développement de La Réunion. L'amélioration des conditions de vie (alimentation, hygiène) portent remarquablement leurs fruits, faisant chuter la mortalité et allonger la durée de vie. Le taux de natalité restant fort, la population explose, passant de 200 000 habitants avant guerre à 740 000 habitants en 2002, et à 800 000 en 2007, malgré l'émigration vers la métropole (200 000 Réunionnais). D'après les démographes, cette transition démographique devrait perdurer jusqu'en 2030, date à laquelle la population pourrait se stabiliser autour d'1 million d'habitants.
La très forte augmentation de la population a été un facteur déclenchant de puissantes transformations des paysages par le fait anthropique, qui s'ajoute au dynamisme naturel des paysages de l'île (activité volcanique et force de l'érosion). Elle s'est produite au moment même où la voiture individuelle a fait irruption dans la vie quotidienne. L'addition des deux a conduit à une urbanisation particulièrement puissante et diffuse, qui marque désormais l'ensemble des pentes basses et mi-pentes du tour de l'île, exceptées celles du Piton de la Fournaise au sud-est.
Mais le phénomène d'urbanisation n'est pas le seul fait marquant des paysages.

Pentes de la Possession au dessus du pont de la RN 1, en 1995
Pentes de la Possession au dessus du pont de la RN 1, en 1995
Etalement urbain sur les pentes de la Possession au dessus du pont de la RN 1, en 2010
Etalement urbain sur les pentes de la Possession au dessus du pont de la RN 1, en 2010


Pentes de la Possession depuis La Rivière des Galets, en 1992
Pentes de la Possession depuis La Rivière des Galets, en 1992
Etalement urbain sur les pentes de la Possession depuis La Rivière des Galets en 2010
Etalement urbain sur les pentes de la Possession depuis La Rivière des Galets en 2010

Le réseau des infrastructures a du s'adapter tant bien que mal ; L'aménagement et la gestion de l'eau ont conduit à des modifications là encore sensibles des paysages Réunionnais. Dans le même temps, les paysages agricoles se sont largement diversifiés. Enfin le tourisme s'est développé, endogène et exogène, et les paysages de nature, qu'ils soient littoraux ou montagneux, ont été colonisés pour les activités de loisirs.

1.1 Les paysages bâtis : le phénomène urbain et l'essaimage de l'urbanisation


Le développement urbain : exemple à Saint-André en 1957 Le développement urbain : exemple à Saint-André en 1980 Le développement urbain : exemple à Saint-André en 2006
En 1957, l'urbanisation est à la fois linéaire autour de la route nationale (que longe le Ti Train) et diffuse sur les pentes et dans la plaine de Champ Borne, toujours à la faveur des voies. Saint-André reste une bourgade encore essentiellement linéaire, inféodée à la route principale.
En 1980, la déviation de Saint-André s'accompagne d'un épaississement et d'un début de structuration de la ville.
En 2006, le paysage urbain s'est densifié, la ville est constituée. Malheureusement, les allongements se sont poursuivis dans la plaine, au nord (Cambuston) et au sud. A l'est la plaine apparaît fragilisée par le phagocytage des espaces agricoles progressivement enclavés dans l'urbanisation. Les pentes apparaissent mieux maîtrisées, sans mitage, offrant de beaux paysages agricoles de canne.

Le développement urbain : exemple à Saint-Paul/Le Port/La Possession en 1957 Le développement urbain : exemple à Saint-Paul/Le Port/La Possession en 1980 Le développement urbain : exemple à Saint-Paul/Le Port/La Possession en 2006
En 1957, Le Port est organisé en petit damier à partir du port créé 70 ans plus tôt. Saint-Paul est encore très peu développé.
En 1980, la ville du Port a grandi à l'intérieur de son boulevard de ceinture. Saint-Paul s'est allongée sur sa flèche de sable.
En 2006, l'urbanisation du Port gagne désormais les abords de la RN 1, notamment sous forme d'équipements et d'activités en partie liés à la création du port est. Outre cette structuration des villes, l'urbanisation s'est largement diffusée sur les pentes : celles de La possession, celle de Bois de Nèfles Saint-Paul au Guillaume (au-dessus de l'étang) et celle de Plateau-Caillou/Fleurimont, (au-dessus du Cap la Houssaye).

Saint-Benoît, vue d’avion
Saint-Benoît, vue d’avion
Après la guerre et ses privations, plusieurs cyclones dévastateurs, dont celui de 1948, ont achevé de donner au paysage de l'habitat réunionnais le visage de la misère. La majeure partie des habitants vit dans des paillotes insalubres, sans eau courante ni électricité.
Dans ce contexte d'extrême dénuement, un arrêté ministériel du 4 octobre 1949 crée la Société immobilière du département de la Réunion (SIDR): une société d'économie mixte dont les principaux actionnaires sont l'Etat et le Département, et qui est chargée de développer l'habitat social en favorisant l'accession à la propriété. Elle sera suivie d'autres sociétés à partir des années 1960.

C'est d'abord un phénomène urbain – et non de périurbanisation - qui marque le paysage de l'île à compter de cette époque. Les villes se structurent, les espaces agglomérés sont les premiers à ressentir les effets de cette croissance urbaine. « Entre 1946 et 1967, la population urbaine enregistrera une croissance annuelle de 4,7%, ce qui ne se rencontrera plus jamais de nos jours » (JM Jauze).
Ce phénomène urbain n'est pas lié qu'à la croissance naturelle, il est aussi alimenté par l'exode rural à partir de 1950. Avec leurs équipements de réseaux d'eau et d'électricité, de services de santé, de commerces, les villes attirent irrésistiblement les populations rurales des hauts des communes, des cirques de Salazie et de Cilaos, de la Plaine-des-Palmistes.
Tandis que le paysage urbain se modifie profondément en se « durcissant » (voir ci-dessous « Les risques et les problèmes »), les bidonvilles se forment également, alimentés par les ruraux en exode ; « et la gêne de vivre dans les taudis du « Butor », de la « Rivière », ou du « Camp Ozoux », était largement compensée à leurs yeux par le fait qu'ils pouvaient aller au cinéma le dimanche avec un beau complet et des souliers jaunes, et que c'était moins pénible que d'être « haleur de pioche » (J. Defos du Rau).
Au total, six nouveaux centres s'ajoutent aux trois principaux d'avant-guerre : Saint-Louis, Saint-Joseph et Le Tampon dans le sud, Saint-Paul à l'ouest, Saint-Benoît et Saint-André au nord-est.

Les immenses efforts entrepris de création de logements sociaux, de résorption d'habitat insalubre, d'encouragement fiscal, ont été relatés dans l'ouvrage « 60 ans d'histoire urbaine » paru en 2010 (SIDR, Bernard Leveneur).
Sur des terrains souvent fournis par les municipalités, les lotissements poussent à travers l'île, offrant des « logements individuels à simple rez-de-chaussée, jumelés ou réunis en bande ». En 1958, la SIDR en possède 701. Ils commencent fortement à marquer les paysages aux abords des villes. De nouveaux quartiers naissent, avec leurs équipements publics.
Dans les années 1960, la disparition des grands bidonvilles en périphérie des centres urbains réunionnais devient une priorité. Ceux de Petite-Ile à Saint-Denis et de la rue Fémy à Saint-Louis ont déjà disparu. D'autres sont visés : les bidonvilles Rivière-Viadère, en bordure du nouveau quartier des Camélias, et Vauban, à Saint-Denis ; à Saint-Pierre, deux bidonvilles proches du front de mer, dont celui baptisé « l'ancien asile », situé à l'ouest de la prison ; au Port, le bidonville « terrain Curatelle »...
Dans les années 1960-1970, la puissance du développement démographique et économique conduit à la création de nombreux grands ensembles (au Chaudron, aux Camélias, à la Source, à Ravine-Blanche, au Port...), en écho à la politique nationale. L'urgence sociale conduit souvent à des aménagements durs, et les premières crises violentes, comme les événements du Chaudron en 1973, contraindront à rechercher un « mode d'habiter » plus humain.
De 1972 à 1976, la SIDR et la SHLMR réunies produisent 2 000 logements par an.
A la fin des années 1970, un nouveau concept apparaît : le LTS (logement très social), remplacé en 1986 par le LES (logement évolutif social). Il s'agit de permettre l'accession des ménages, même démunis, et ainsi de réglementer les lieux d'habitation et les normes de construction minimales. Un financement est accordé sous certaines conditions :
- des normes minimales d'habitabilité (les normes du code de la construction, auxquelles s'ajoutent les normes un peu plus strictes qui permettent l'octroi de l'allocation logement),
- la surface considérée est évolutive (plus importante que la surface habitable, elle permet au ménage d'agrandir au fur et à mesure de ses besoins),
- les ménages doivent rendre l'habitation plus confortable par leur propre travail.
Dans les années 1980 démarre la politique volontariste de résorption de l'habitat insalubre (RHI).
Aujourd'hui une soixantaine de RHI ont été réalisées (permettant la réalisation effective de 7 700 logements hors logements réhabilités) et autant sont en cours de réalisation. Plusieurs générations de RHI ont vu le jour (chiffres étude AGORAH).
Les premières RHI (année 1980) ont porté sur les bidonvilles spontanés des communes de Saint-Denis, Saint-Pierre et du Port, sous forme de grosses opérations de démolition/reconstruction : Saint-Ange Doxile, Patate à Durand, Moufia, Ravine Blanche… Ces opérations ont nettement contribué à l'amélioration des conditions de vie.

Puis, dans les années 1990, le dispositif s'est étendu à une grande partie des communes avec dans un premier temps des opérations importantes sur des quartiers périphériques : Terre-Sainte, Portail…

A partir du milieu des années 1990, les opérations engagées sont de taille plus réduite (petits périmètres d'intervention, notamment dans le Sud de l'île) même si des opérations d'envergure sont encore en cours de résorption actuellement (Basse Terre, Rivière des Galets).
Sur le plan social, pour les familles concernées c'est un changement radical de mode de vie, une réelle rupture avec leur ancien mode d'habiter.

Aujourd'hui, 90% des cases insalubres recensées sont d'anciennes cases. Certaines présentent une réelle qualité architecturale qui contribue à valoriser le paysage Réunionnais, grâce à leur type de construction et à l'usage de matériaux issus des modes de construction traditionnels (lambrequins, bardeaux, toit à quatre pans….). Elles sont particulièrement nombreuses sur la micro-région Sud, où se concentre un tiers des cases de valeur (d'après l'AGORAH). Il y a là en réel enjeu pour que la « résorption » de l'insalubrité se traduise non pas par une démolition mais par une réhabilitation/reconstruction.

Tous les efforts des dernières décennies se traduisent en chiffres. Rien qu'entre 1990 et 2004, le nombre de logements a crû de 55%, pour atteindre 286 000 logements (2006). L'étude de l'AGORAH (Inventaire des Zones d'Habitat Précaire et Insalubre) note une baisse de 28 % de l'insalubrité entre 1999 et 2008. Désormais cette insalubrité est essentiellement diffuse : 75% des logements insalubres sont dans des espaces urbains de faible densité.

Pourtant les efforts sont loin d'être terminés : les besoins en logements exprimés au projet de SAR 2009 sont de 9 000 par an pour les 20 prochaines années : soit + 180 000 logements : cela correspond à 60% du parc existant, et représente trois fois le rythme de construction métropolitain ! La Réunion n'a pas fini de s'urbaniser, et ce processus est au cœur des enjeux de paysage : saura-t-on préserver les espaces agricoles et naturels, notamment dans les mi-pentes et les bas soumis à cette pression ? Saura-t-on créer des villes durables agréables à vivre, socialement équitables, économiquement viables ?


L'urbain généralisé, le mitage

Evolution du paysage habité : exemple à Petite Ile/Saint-Joseph en 1957
Evolution du paysage habité : exemple à Petite Ile/Saint-Joseph en 1957
Evolution du paysage habité : exemple à Petite Ile/Saint-Joseph en 2006
Evolution du paysage habité : exemple à Petite Ile/Saint-Joseph en 2006

En 1950, l’urbanisation est traditionnellement diffuse sur les pentes de Petite Ile et de Saint-Joseph. Les habitants vivent sur les terres qu’ils cultivent. Saint-Joseph n’est qu’un village. Les constructions peu nombreuses se fondent dans le paysage par les matériaux naturels utilisés (paillottes, bois) et par les cultures de proximité plus ou moins arborées qui noient les cases. En 2008, la carte fait apparaître à la fois la densification autour des centralités de Saint-Joseph et de Petite Ile et la poursuite de la diffusion du bâti dans les pentes. Le paysage apparaît nettement plus urbanisé pas seulement par le nombre de constructions sorties de terre, mais aussi et surtout par leur caractère nettement moins discret et fondu dans l’espace agricole et naturel : cases en dur, souvent blanches et raréfaction des espaces agricoles de proximité (à la végétation foisonnante), remplacés par des jardins dégagés (pelouses).

Urbanisation diffuse : exemple à Trois-Bassins (route Hubert-Delisle) en 1950, 1984 et 2008
Urbanisation diffuse : exemple à Trois-Bassins (route Hubert-Delisle) en 1950, 1984 et 2008
En 1950, quelques rares cases s’égrènent sur un court linéaire de la route. En 1984, l’urbanisation s’est diffusée au fil de la route. En 2008, la diffusion s’étend davantage dans les espaces agricoles à la faveur des diverticules de routes créés à partir de la route principale Hubert-Delisle.

Urbanisation diffuse à Grand Ilet.
Urbanisation diffuse à Grand Ilet.
Détails de transformation des paysages à Grand-Ilet
Détails de transformation des paysages à Grand-Ilet

L'urbanisation diffuse n'est pas réservée qu'aux pentes de l'île. Elle a gagné aussi les cirques. En 1950, les cases sont rares et dispersées sur l'espace agricole de Grand Ilet. En 2008, l'urbanisation toujours dispersée occupe l'espace de l'îlet.

L’urbanisation des pentes de l’ouest en 1954
L’urbanisation des pentes de l’ouest en 1954
L’urbanisation des pentes de l’ouest en 1994
L’urbanisation des pentes de l’ouest en 1994


Habitat dispersé évoluant vers le mitage, pentes sud
Habitat dispersé évoluant vers le mitage, pentes sud
Urbanisation diffuse à Stella (commune de Saint-Leu) (photo octobre 2006)
Urbanisation diffuse à Stella (commune de Saint-Leu) (photo octobre 2006)


Colonisation des pentes au-dessus de l’étang de Saint-Paul (Bois de Nèfles Saint-Paul) (photo février 2005)
Colonisation des pentes au-dessus de l’étang de Saint-Paul (Bois de Nèfles Saint-Paul) (photo février 2005)
Urbanisation de Saint-Denis, vue des pentes de la Montagne
Urbanisation de Saint-Denis, vue des pentes de la Montagne

Outre l'amorce et le développement de la structuration urbaine des « grandes » villes, un essaimage du bâti beaucoup plus large s'observe sur les dernières décennies, autour des villes, sur le littoral, dans les pentes basses et intermédiaires. Le bâti diffus progresse au fil de la route, colonisant les espaces agricoles, matérialisé par un semis de cases conquérant : on parle désormais de « mitage » et non plus d'habitat dispersé, traduisant une connotation qui prend un caractère de plus en plus négatif au fur et à mesure que le phénomène prend de l'ampleur (voir dans la partie « Connaître et comprendre » le chapitre « les paysages et l'urbanisation » : le paysage de l'habitat dispersé et le paysage du mitage).
C'est désormais l'ère de l'urbanisé généralisé, qui succède à celle d'urbain localisé. Plusieurs raisons expliquent ce puissant phénomène :
Aujourd'hui les agglomérations urbaines présentent toujours une occupation lâche, avec 6,6 logements/ha et le processus de mitage reste une réalité : habitat spontané incontrôlé, manque d'offre alternative de logements, perpétuation d'un mode « culturel » d'habiter répondant par ailleurs aux attentes supposées de la population (maison et jardin), même si le paysage produit n'a plus rien à voir entre l'habitat dispersé traditionnel et le lotissement contemporain.

Toutefois, la conscience des risques et problèmes liés à cette forme d'urbanisme, grandissante au cours des années 1990 et 2000, conduit à un ralentissement du phénomène (étude AGORAH) et à l'émergence d'un désir d'urbanité : la densification, la rénovation urbaine, l'offre récente d'espaces publics urbains, contribuent à cette évolution naissante.

Tissu construit à Plateau Caillou : Le Cap La Houssaye et Plateau Caillou dans les années 1990
Tissu construit à Plateau Caillou : Le Cap La Houssaye et Plateau Caillou dans les années 1990
Etalement du tissu construit à Plateau Caillou : Le Cap La Houssaye et Plateau Caillou en 2010
Etalement du tissu construit à Plateau Caillou : Le Cap La Houssaye et Plateau Caillou en 2010


1.2. Les paysages des infrastructures : l’avènement du règne de la voiture


Pour comprendre les évolutions récentes des paysages liés aux infrastructures de transport et de déplacement, les chiffres parlent d’eux-mêmes : de 1000 voitures circulant dans l’île en 1940, on passe à 74 000 voitures en 1980, à 248 000 en 2000, à 410 000 en 2007!
Le réseau routier primaire est incapable de suivre face à la puissance d'un tel phénomène. Jusqu’aux années 1970, la seule route principale reste celle du tour de l'île, héritée des années 1850, étroitement collée au littoral (RN1 + RN 2). Aussi des travaux d'importance sont-ils engagés à partir des années 1970, enclenchant une fuite en avant des équipements routiers, qui tentent de répondre aux besoins de circulation routière tout en favorisant incidemment l’augmentation de cette circulation.

Le développement des routes

La route du Littoral, avec l’échancrure de la ravine de la Grande Chaloupe
La route du Littoral, avec l’échancrure de la ravine de la Grande Chaloupe
Le bouclage de la route du littoral

Le complément du tour de l'île s'opère entre Saint-Denis et La Possession, car le développement des liaisons terrestres rend chaque jour plus contraignante la coupure physique majeure que représentent les falaises de La Montagne. Mais les difficultés de l'entreprise conduisent à revoir deux fois, et bientôt trois, la copie :
  • la « route en corniche », au pied des falaises, s'ouvre le 1er juin 1963. Elle s'avère immédiatement trop étroite et dangereuse, sous la menace des éboulements en provenance des falaises instables, faites de bancs alternés de basalte massif et de scories, hautes de 150 mètres ;
  • la « route du littoral », nouvelle route nationale, est inaugurée le 5 mars 1976 ; elle est construite à 2X2 voies et plus éloignée de la falaise. Pas suffisamment pourtant. Là encore il s'avère que les chutes de blocs peuvent tuer et la route reste sous la menace d'un éboulement massif. Le premier risque conduit à des mesures de basculement de la circulation sur la voie côté mer dès que la pluie menace la stabilité, mais aussi à des travaux spectaculaires et coûteux de nappage des falaises par des filets métalliques gigantesques, issus des protections contre les sous-marins de la seconde guerre mondiale. Ils habillent aujourd'hui presque tout le linéaire de falaises, comme une cotte de maille de géant. Le second risque, lié aux éboulements massifs, remet en cause l'existence même de la route à cet emplacement : face à de tels soubresauts, la cotte de maille s'avère inopérante. Aussi une nouvelle route du littorale est-elle programmée (voir ci-dessous).

Le littoral urbain de La Possession dans les années 1990
Le littoral urbain de La Possession dans les années 1990
Le littoral urbain de La Possession en 2010
Le littoral urbain de La Possession en 2010


Les transformations des RN 1 et RN 2

Pour tenter d'améliorer la circulation croissante, de grands travaux sont entrepris, en premier lieu sur la vieille route du tour de l'île : outre la création de la section Saint-Denis-La Possession, on la double par endroits, et l'on crée des déviations.
La RN 2 est doublée entre Saint-Denis et Saint-Benoît en 1994.
D'autres sections sont doublées pour faciliter les dépassements (Pointe au Sel, La Possession-Saint-Paul, ...). Des déviations sont réalisées pour Saint-Gilles-les-Bains, L'Etang-Salé-les-Bains, La Saline-les-Bains, Saint-Leu, Saint-Louis, Saint-Pierre, Grand-Bois, Saint-Joseph (en cours en 2010); il n'y a qu'à Saint-Denis que l'on opte pour un boulevard sud à caractère plus urbain et moins routier.

L’élargissement de la rue a conduit à la disparition du végétal de l’espace public et au « durcissement » des clôtures, ré-édifiées en parpaing –La Rivière). Ne reste plus que le végétal en espace privé, à la merci de la densification.
L’élargissement de la rue a conduit à la disparition du végétal de l’espace public et au « durcissement » des clôtures, ré-édifiées en parpaing –La Rivière). Ne reste plus que le végétal en espace privé, à la merci de la densification.
Le recalibrage des routes dégrade le paysage habité : absence de végétal dans l’espace public, minéralisation excessive des sols, durcissement des limites privatives (l’Entre-Deux)
Le recalibrage des routes dégrade le paysage habité : absence de végétal dans l’espace public, minéralisation excessive des sols, durcissement des limites privatives (l’Entre-Deux)

Les transformations des routes « lignes de vie »

Outre les transformations du réseau routier primaire, les voies secondaires changent également largement de visage. « Largement » est le terme ad hoc puisqu’il faut en effet élargir par des opérations de « recalibrage » aussi bien les chemins et petites routes de dessertes agricoles que les routes « lignes de vie », habitées traditionnellement par des cases égrenées au fil des routes qui servent d’espace public partagé aux habitants : élargissement de la chaussée, création de trottoirs.

Le paysage de la RN2 dégradé par les recalibrages (Basse-Vallée/le Barril)
Le paysage de la RN2 dégradé par les recalibrages (Basse-Vallée/le Barril)

Cette évolution, plus insidieuse car s'opérant petit à petit, sans tambours ni trompettes contrairement aux inaugurations des nouvelles grosses voiries, s'avère un puissant processus de transformation des paysages. Elle s'accompagne en effet d'une réduction des jardins créoles et de leur fermeture par des clôtures en dur (financées par les opérations routières), d'une standardisation du paysage circulé habité en voiries anonymes de lotissements, d'une raréfaction de présence humaine piétonne, chassée par l'augmentation du trafic et de la vitesse des véhicules. Ce phénomène a notamment été mis au jour sur la RN2 de Saint-Benoît/Sainte-Rose à Saint-Philippe dès 1990 (livre et exposition « Paysage Côte Est », CAUE), mais il concerne globalement l'ensemble du réseau secondaire traditionnellement habité en routes « lignes de vie ».


L’ouvrage d’art de la ravine Trois-Bassins, Route des Tamarins
L’ouvrage d’art de la ravine Trois-Bassins, Route des Tamarins
La savane du Cap La Houssaye depuis la Route des Tamarins
La savane du Cap La Houssaye depuis la Route des Tamarins

La création de la Route des Tamarins

La saturation de la RN 1 sur l'Ouest, qui fragilise les liaisons du sud avec le nord et qui met en péril l'attractivité touristique de la côte balnéaire de l'île, a conduit à la réalisation de l'ambitieuse Route des Tamarins (plus de 800 millions d'euros), lentement mûrie à partir des années 1980 pour être finalement inaugurée en juin 2009.
Le principe a été de créer sur 33 kilomètres une nouvelle route à 2x2 voies, accrochée sur les pentes de l'Ouest à 200 m d'altitude, permettant de relier le secteur le Port/Saint-Denis au secteur Saint-Pierre, de desservir les mi-pentes et les hauts et de décharger le littoral.
La Route des Tamarins est considérée comme un exploit du fait des contraintes très fortes qu'il a fallu vaincre.

La route des Tamarins vue du ciel à Saint Leu en 2010
La route des Tamarins vue du ciel à Saint Leu en 2010

Des ouvrages d'art exceptionnels et élégants émaillent son parcours ; une perception nouvelle des paysages de l'Ouest s'offre grâce à ce survol sans efforts et à mi-pentes, gommant les « aspérités » que forment les innombrables ravines franchies, même si cette perception est limitée par la rareté des séparations et décalages de chaussées (présents uniquement sur la séquence Cap La Houssaye) et par les dispositifs de protection qui barrent la vue avale en accompagnant la route (GBA : glissières en béton armé). La création de la route conduit à des remodelages urbains d’envergure, notamment à Saint-Paul sur 11 ha : réaménagement de la Chaussée Royale, création de nouveau quartier, création de la Promenade de Bernica vers la célèbre ravine classée.


Saint-Paul et la Route des Tamarins : aménagement de la Promenade de Bernica pendant les travaux (octobre 2007)
Saint-Paul et la Route des Tamarins : aménagement de la Promenade de Bernica pendant les travaux (octobre 2007)
Saint-Paul et la Route des Tamarins : aménagement de la Promenade de Bernica après travaux (mars 2011)
Saint-Paul et la Route des Tamarins : aménagement de la Promenade de Bernica après travaux (mars 2011)


La route du quartier de Stella en 1994
La route du quartier de Stella en 1994
Effacement de la vue sur le musée de Stella et la savane après la construction de la route des Tamarins en 2010
Effacement de la vue sur le musée de Stella et la savane après la construction de la route des Tamarins en 2010

Après des années d'interminables bouchons chroniques, l'inauguration de cette route en juin 2009 a été vécue comme une véritable libération par la population.
Les conséquences de la route à plus long terme sont plus incertaines (voir ci-dessous « les risques, les problèmes et les opportunités »). 

Une future nouvelle route du littoral

Une troisième version de route du littoral est à venir. Etudiée depuis très longtemps avec de multiples variantes, elle consisterait à réaliser une voie davantage éloignée de la falaise, par une alternance de digues et de viaducs en mer.

Avec l'abandon du projet Tram Train en 2010 et les résultats du Grenelle de l'Environnement, les études visent désormais à intégrer, dans les emprises des ouvrages, l'espace nécessaire à la réalisation d'un site propre réservé aux transports collectifs, pouvant accueillir, dans un premier temps un système routier et à terme un système de transport en commun guidé. En outre, l'intégration au titre du Grenelle de l'Environnement des enjeux liés aux risques naturels majeurs nécessite une élévation du niveau des digues et viaducs tenant compte des effets estimés du réchauffement climatique.

En 2010, le démarrage des travaux est prévu courant 2013 et l'achèvement en 2020. Le coût estimatif global de l'opération est évalué à 1,6 Milliard d'euros.


Les futurs réaménagements des RN 3 et RN 5

Aujourd’hui les aménagements routiers se poursuivent avec les projets de nouvelle liaison rapide Saint-Pierre/Saint-Benoît (RN 3) et de sécurisation de la RN 5 (route de Cilaos).

La faiblesse des transports en commun et les questionnements

L'abandon du « Ti train »

Pourquoi le train, qui existait depuis 1882, n'a-t-il pas joué son rôle structurant dans cette période cruciale de développement engagé à partir de 1946? Pourquoi ce rendez-vous manqué entre l'urbain et le train?
Le « Ti train », après l'enthousiasme des premiers temps, a été très vite critiqué pour sa lenteur et sa fragilité. Le moindre cyclone produisait des dégâts importants sur les ouvrages, dont les réparations paralysaient la circulation. Même sans incident d'exploitation, les courbes et contre-courbes qu'il avait été nécessaire de tracer, les tunnels et les ouvrages qu'il fallait franchir par une voie unique de 1m de largeur, obligeaient à une lenteur de sénateur. Les travaux nécessaires à sa modernisation étaient entravés par les difficultés du port de la Pointe des Galets, qui nécessitaient des fonds permanents, dans une période de difficultés économiques chroniques qui duraient depuis 1860. Ces entraves au fonctionnement efficace du train se produisirent au moment même où la voiture, signe de nouvelle modernité, faisait irruption dans le paysage. Progressivement, irrésistiblement, on a donné priorité à la route, on ne croyait plus au train. La branche sud de la ligne ferroviaire a été déclassée en 1956. Et son exploitation arrêtée en 1963, l'année où la Route nationale entre Saint-Denis et La Possession s'ouvrait à la circulation de tous les véhicules. Au total le « CFR » (qui a succédé au CPR en 1950), aura fonctionné cahin-caha 80 ans.

Le développement des autocars

Les premiers autocars ont commencé à concurrencer le Ti Train à partir de 1910. Le réseau s’est développé pour desservir la population croissante diffusée dans l’île. Aujourd’hui, le réseau Car Jaune, géré par le Conseil Général, se compose de 17 lignes qui desservent principalement les villes de la périphérie de l’Ile situées sur le littoral ainsi que les hauts de la côte ouest.


Photomontage du projet de Tram train à Saint-Denis
Photomontage du projet de Tram train à Saint-Denis

Le projet Tram Train : la recherche de transports en commun

A défaut de train, la saturation du réseau routier liée à la politique du tout-voiture a conduit à une impasse. Dans les années 2000, la création d'un Tram Train est mise à l'étude, avant même que la Route des Tamarins, héritée des schémas de pensée des années 1980, soit achevée. De Sainte-Marie à Saint-Paul, le projet prévoit de traverser cinq villes sur 40 kilomètres, permettant des liaisons entre les villes et des arrêts aux principaux lieux de vie des centres (26 stations). A plus long terme, il prévoit la prolongation des lignes vers Saint-Benoît et Saint-Joseph.

Mais, après l'ambitieuse opération de la Route des Tamarins, le projet de Tram Train est devenu un enjeu politique majeur face aux coûts qu'il représente (engagement de la Région de 80 millions d'euros par an pendant 40 ans) et aux autres projets à financer, en particulier la nouvelle route du littoral entre Saint-Denis et La Possession. Aussi est-il abandonné en 2010.


Le projet Trans Eco Express

En 2010, après l’abandon du projet Tram Train, et dans l’objectif de réduire la logique du tout-voiture, la Région a choisi de créer un transport en commun en site propre (voies réservées aux bus) sur l’ensemble des 24 communes.

Les ports et aéroports

Le Port Ouest de  La Réunion (photo février 2005)
Le Port Ouest de La Réunion (photo février 2005)

Port Réunion

En 1970, le navire "Pierre Loti", de la Compagnie des Messageries Maritimes, assure sa dernière rotation métropole-Réunion : c'est la fin du transport de passagers par voie de mer, concurrencé par la mise en service des premiers avions à réaction sur la ligne Paris-Réunion.

Malgré tout, le trafic portuaire ne cesse de s'accroître sous l'impulsion du développement économique de l'île. Au carrefour des routes maritimes Asie/Amérique et Europe/Afrique, le seul port en eau profonde constitue l'artère économique de l'île, principal point de passage des marchandises, et représente un point privilégié pour l'éclatement des marchandises dans tout l'Océan Indien. L'isolement de La Réunion la fait dépendre étroitement de ses échanges avec l'extérieur et notamment des importations dans les secteurs énergétiques et alimentaires.


Containers et véhicules : le spectacle du Port Est
Containers et véhicules : le spectacle du Port Est
En 1986, 100 ans après la création du port de La Réunion à la pointe des Galets (voir le chapitre « les paysages, l'urbanisation et les infrastructures » dans « Les fondements naturels et humains des paysages » partie « Connaître et comprendre de l'Atlas), un deuxième port baptisé port Est voit le jour en baie de La Possession, à trois kilomètres seulement du port ouest historique. En 1995, l'ensemble des deux compose « Port Réunion ».

A l'heure actuelle, il fait l'objet d'aménagement avec :

Les multiples vocations de Port Réunion (le commerce, la pêche, la réparation navale, la plaisance, la croisière ou même l'activité militaire), se répartissent progressivement :

Le port de Saint-Gilles-les Bains
Le port de Saint-Gilles-les Bains
La création de ports de pêche et de plaisance

Outre le port principal de l'île, l'activité de plaisance et l'organisation de la pêche ont conduit, au cours des dernières années, à la création de nouveaux ports de petites dimensions répartis sur le pourtour de l'île : port de Sainte-Marie (au bout des pistes de l'aéroport), port de Saint-Gilles-les-Bains, de Saint-Leu, de Sainte-Rose, …


Les enjeux de paysage liés aux ports :
Depuis quelques années, certains navires assurent à nouveau une liaison maritime régulière avec l'île Maurice et des paquebots de croisière font escale à la Réunion, comme par exemple le Queen Elisabeth II en mars 2000. En l'an 2000, une quinzaine de paquebots de croisière feront escale à La Réunion. De nouvelles superstructures sont mises en place pour tenir compte de cette renaissance à La Réunion du transport maritime de passagers, notamment une gare maritime pour accueillir et contrôler les passagers et leurs bagages. De nombreux projets maritimes vont voir le jour au fur et à mesure que la clientèle  potentielle va franchir certains seuils.

Les ports : des spectacles appréciés à valoriser au travers des vues et des espaces publics. Ici Port Ouest
Les ports : des spectacles appréciés à valoriser au travers des vues et des espaces publics. Ici Port Ouest
Pêcheurs dans le Port Ouest
Pêcheurs dans le Port Ouest

La création de Port Est permet progressivement de libérer certaines emprises du port historique, et de réorganiser le centre de la ville du Port autour des bassins du port Ouest, désormais davantage tournés vers la plaisance et la pêche. Cette orientation, définie dès 1971, a inspiré le programme « Ville et port, la ville est port ». Il s’agit de restituer à la cité sa vocation de ville-forum tournée vers la scène maritime, de ramener de l’activité dans le vieux port pour en faire un pôle d’attraction : gare maritime, darse de grande plaisance, escales et accueil de croisières, hôtel, restauration, résidences, plateforme d’innovation et de recherche, grande pêche, etc. La reconversion du vieux port de la Pointe-des-Galets permettra à la ville d’être à nouveau en osmose avec les activités maritimes et portuaires, tout en poursuivant son développement économique, social et culturel.
Parallèlement à l'extension de Port Est, plusieurs zones industrielles se sont créées dans la région inculte qui s'étend vers la Possession.

L’activité portuaire est un spectacle qui tend malheureusement à disparaître du paysage par protection excessive des activités et absence de prise en compte des visiteurs et curieux dans les opérations d’aménagement. La proximité des villes du Port et de La Possession, ainsi que le passage du sentier littoral et de pistes cyclables, devraient inciter à mettre en valeur cette activité, tout en intégrant les conditions de sécurité qui y sont liées.

Le port de Saint-Gilles-les-Bains (vue depuis le théâtre de plein air)
Le port de Saint-Gilles-les-Bains (vue depuis le théâtre de plein air)
Les petits ports créés, éléments essentiels de l'animation du bord de mer, n'ont malheureusement pas toujours su être aménagés avec toute l'ambition qualitative nécessaire : des aménagements essentiellement techniques offrent une image dure et peu attractive. Par ailleurs les relations avec l'animation urbaine n'ont pas toujours été suffisamment pensées, laissant les ports dans un relatif isolement excessivement monofonctionnel. C'est ainsi par exemple que le port de Saint-Gilles n'est pas parvenu à devenir le cœur vivant de la station balnéaire. La sensibilité de ces petits ports aux risques cycloniques, de tsunami (2004, octobre 2010) et d'élévation du niveau marin, nécessiteront des travaux d'adaptation qui pourraient devenir autant d'opportunités à leur valorisation paysagère et urbaine.
Si les chaloupes du XIXe siècle ne semblent pas avoir laissé que des bons souvenirs aux passagers - notamment entre Saint-Denis et La Possession -, le transport de passagers par bateau d'un point de l'île à un autre n’est toujours pas développé à La Réunion. Seules des promenades en mer existent déjà, à partir du port de plaisance de Saint-Gilles notamment.

Aéroport de Pierrefonds et projet de zone logistique
Aéroport de Pierrefonds et projet de zone logistique
Aéroport de Pierrefonds et projet de zone logistique
Aéroport de Pierrefonds et projet de zone logistique

L’aéroport de Pierrefonds

A proximité de Saint-Pierre, l'aéroport de Pierrefonds a été créé en 1998. Il accueille son millionième passager en 2009. Proche de la mer, il favorise le développement de la région sud, d'autant qu'il prend place sur les pentes basses du Tampon/Saint-Pierre, peu pentues, bien desservies par la RN1 et raccordées vers le nord par la nouvelle Route des Tamarins.


Les enjeux de paysage liés aux aéroports :

L’urbanisation autour de l’aéroport Roland-Garros, entre Saint-Denis et Sainte-Marie, vue d’avion
L’urbanisation autour de l’aéroport Roland-Garros, entre Saint-Denis et Sainte-Marie, vue d’avion

Plus que l'aéroport Roland Garros en soi et ses 200 ha, qui restent collés au bord de mer de Sainte-Marie, ce sont les évolutions de ses abords qui ont considérablement marqué le paysage au cours des dernières décennies : ils se sont massivement urbanisés du fait de la proximité à Saint-Denis et de l'attractivité économique que représente l'aéroport. L'ensemble des espaces d'interface entre Saint-Denis et Sainte-Marie est certainement l'un des sites d'enjeux de paysage forts de La Réunion : c'est l'image d'accueil touristique qui se joue, par la porte que représente l'aéroport ; mais c'est aussi celle des entrées de la ville pour les usagers quotidiens, et celle de la relation entre la ville de Saint-Denis et les espaces à vocation agricole du Nord-Est, par la création d'une véritable lisière urbaine d'envergure (voir la partie « Orientations et recommandations » du présent Atlas).


L’échancrure de la rivière des Pluies : premier grand paysage majestueux au sortir de l’aéroport Roland-Garros, qui mérite à ce titre protection et mise en scène
L’échancrure de la rivière des Pluies : premier grand paysage majestueux au sortir de l’aéroport Roland-Garros, qui mérite à ce titre protection et mise en scène
Jusqu’à présent, la magnifique ouverture visuelle sur les pentes et l’échancrure de la rivière des Pluies, premier coup d’œil et premier coup de cœur des visiteurs de l’île au sortir de l’aéroport Roland Garros de Gillot, a été maintenue (sans être réellement valorisée dans les aménagements des premiers plans dévolus aux stationnements). Saura-t-on la pérenniser et la mettre en valeur à l’occasion des aménagements futurs ? Dans tous les cas les beaux espaces agricoles et naturels autour de cette échancrure méritent une préservation aux documents d’urbanisme.

Toujours dans le registre de l’accueil, la qualité du paysage de la route qui relie l’aéroport au centre-ville de Saint-Denis est un enjeu clef pour l’image de La Réunion. Certaines villes comme Singapour ont su depuis longtemps aménager et préserver la qualité de cette relation aéroport/centre-ville. A Saint-Denis, le Boulevard Sud récemment raccordé à l’aéroport favorise une amélioration de la qualité d’accueil. Mais l’enjeu concerne toujours tout particulièrement le front de mer, son architecture et ses espaces publics, peu avenants avant d’atteindre le Barachois.

Autour de l’aéroport de Pierrefonds, les évolutions fortes qui ne manqueront pas de se produire méritent de faire l’objet d’un projet de paysage, afin d’inscrire le développement dans un cadre de paysage d’accueil valorisant pour le sud de l’île.

Les abords de l’aéroport Roland-Garros, en voie d’urbanisation
Les abords de l’aéroport Roland-Garros, en voie d’urbanisation

L’aéroport Roland Garros de Gillot/Saint-Denis

Après l'atterrissage du premier avion sur le champ de Gillot en 1929 (le Farman du Capitaine Goulette), la piste de l'aéroport est revêtue en 1946 et le premier aérogare en dur est construit côté mer en 1951. Depuis, les aménagements n'ont cessé pour s'adapter à la fois à l'évolution des avions et du nombre de passagers : agrandissement de l'aérogare en 1958, puis construction de l'aérogare « fougère » en 1976 côté terre, qui sera agrandi en 1985 et en 1997-2002 ; construction de l'aérogare fret en 2002. La piste quant à elle est agrandie en 1967 pour accueillir les quadriréacteurs (B707), puis en 1970. Une deuxième piste est construite en 1994, autorisant les vols directs sans escale avec la métropole dans les deux sens. Aujourd'hui ces pistes doivent à nouveau être agrandies pour permettre l'atterrissage des A 380.

Avec plus de 50 vols directs par semaine vers la Métropole et plus de 100 vols directs par semaine vers l'étranger, l'aéroport  a accueilli 1 750 000 passagers en 2009 (10ème rang national et au 2ème rang des DOM). Parallèlement, 27 500 tonnes de fret y ont transité en 2009 (6ème rang national et 1er rang des DOM).


1.3. Les paysages agricoles : La diversification des paysages agricoles - L’agriculture créatrice de nouveaux paysages

Indépendamment de la place grandissante et problématique de l'urbanisation dans les pentes agricoles de l'île, une diversification des cultures accompagne les efforts de maintien de la filière canne, vers les cultures maraîchères, fruitières et vers l'élevage depuis les années 1960.
Cette diversification compose aujourd'hui des paysages récents ou nouveaux, à une altitude supérieure à celle de la canne. Elle enrichit l'étagement des paysages qui contribue à leur organisation tout autour de l'île (voir la partie « Aperçu d'ensemble : les grands ensembles paysagers » dans le présent atlas).


La création des pâturages des Hauts

Développement du pâturage sur la plaine des Cafres en 1950, 1984 et 2008
Développement du pâturage sur la plaine des Cafres en 1950, 1984 et 2008

En 1950, la plaine des Cafres apparaît surtout couverte de landes. En 1984, les pâtures gagnent du terrain, tandis que s'étend Bourg-Murat. En 2008, les pâturages ont gagné l'espace de la plaine, et commencent aussi à être marqués par des implantations bâties liées aux extensions de Bourg-Murat, aux exploitations agricoles, aux carrières et aux équipements de loisirs.

Elevage vers Notre-Dame-de-la-Paix, nouveau paysage agricole
Elevage vers Notre-Dame-de-la-Paix, nouveau paysage agricole
Pâturages dans les hauts de l’ouest : des paysages agricoles récents
Pâturages dans les hauts de l’ouest : des paysages agricoles récents


Pâturages de la Plaine des Cafres
Pâturages de la Plaine des Cafres
Pâturage à sophoras sur les pentes de Notre Dame de la Paix
Pâturage à sophoras sur les pentes de Notre Dame de la Paix

Sur l’Ouest, au-dessus des 800 m d’altitude à laquelle navigue la route Hubert-Delisle, l’élevage s’est considérablement développé au cours des dernières années, occupant les friches laissées par l’abandon du géranium ; les acacias-mimosas qui servaient à la cuite du géranium forment aujourd’hui un bocage en suivant les limites des enclos et les bords des ravines. On retrouve l’élevage sur la plaine des Cafres, descendant même sur les pentes hautes du Tampon et de Notre Dame de la Paix. Dans le cirque de Salazie, Grand Ilet concentre les élevages porcins et avicoles, matérialisés principalement par des bâtiments de tôle. 

Le développement des cultures de fruits et légumes

Urbanisation diffuse agricole sur les pentes du Tampon en 1950, 1984 et 2008
Urbanisation diffuse agricole sur les pentes du Tampon en 1950, 1984 et 2008
En 1950, l’espace apparaît peu cultivé et peu habité. En 1984, les cultures se développent et avec elles quelques habitations ou équipements agricoles. En 2008, l’espace est presque entièrement voué aux cultures diversifiées, mais il apparaît également marqué  par la présence du bâti d’habitation ou d’activités agricoles, qui s’éparpille au milieu des champs.


Diversification des cultures à la faveur de l’irrigation du littoral Ouest : ici une plantation d’ananas.
Diversification des cultures à la faveur de l’irrigation du littoral Ouest : ici une plantation d’ananas.
Bananiers, ananas et chouchoux, une diversification des cultures dans le nord-est
Bananiers, ananas et chouchoux, une diversification des cultures dans le nord-est


Cultures mixtes sur les pentes du Petit Tampon
Cultures mixtes sur les pentes du Petit Tampon
Dans le sud, des paysages agricoles diversifiés de fruits et légumes, parfois encore de géranium et de vétyver, se dessinent sur les pentes à partir de 700/800m d'altitude, entre l'étage de la canne et celui de l'élevage : ils sont marqués par un damier moutonnant de cultures diverses sur petites parcelles, qui contribue à créer des ambiances de jardins agricoles, ouverts sur les grands paysages du littoral et des hauts.
A l’heure actuelle, le secteur fruits et légumes, encore en développement, représente en valeur plus du tiers de la production agricole totale et répond à plus de 70 % des besoins locaux en frais. L’offre reste fortement atomisée alors que la demande est de plus en plus concentrée. La filière se structure lentement : 5 organisations de producteurs reconnues et pré-reconnues, un marché de producteurs qui draine le moins du quart des productions, et une association d’organisations de producteurs qui se met progressivement en place. Les productions commercialisées par la filière organisée représenteraient ainsi un peu moins de 15 % de la production locale estimée entre 80 et 100 000 t selon les années. Elles ont triplé en 20 ans (30 900 t en 1981 et 105 000 t en 1997). Les principales productions sont les tomates, pomme de terre, choux, laitues, carotte, oignon, pour les légumes, ananas, letchi, mangues, agrumes, bananes, pour les fruits. Les importations de produits frais représentent 30 000 t, (dont ail, oignon, pomme de terre, carotte, fruits des zones tempérés), selon les années, les exportations représentent 1 500 à 2 000 t (ananas, mangues, letchis).

Le développement de l’horticulture ornementale

Pépinière dans le beau cadre du Grand Pourpier (Cambaie, Saint-Paul)
Pépinière dans le beau cadre du Grand Pourpier (Cambaie, Saint-Paul)
L'horticulture ornementale est une filière peu organisée. Les principales productions sont les arbres d'ornements, plantes en pots, potées fleuries, plantes vertes et à massif, bouquets de fleurettes, fleurs coupées tropicales et tempérées. Il n'y a pas d'exportation et le taux de couverture est estimé à 70 %. Cette filière représente cependant plus d'une centaine d'hectares et 270 professionnels fédérés en un syndicat.

La fragilité des filières végétales traditionnelles

Vanille en forêt à Saint-Philippe
Vanille en forêt à Saint-Philippe
Maison du curcuma, Plaine des Grègues
Maison du curcuma, Plaine des Grègues

Les filières végétales traditionnelles (vanille, géranium, vétyver) ont été victimes d’une régression structurelle forte qui continue depuis plusieurs années. Ce sont des filières fortement organisées autour d’une coopérative. Les programmes sectoriels mis en œuvre avaient permis de stabiliser ces productions, mais les difficultés de ces dernières années (cyclone, éruption volcanique) les ont fortement contraintes. Moins de 2 tonnes d’essence de géranium et quelques dizaines de kilos d’huile de vétyver sont produites. Une orientation nouvelle apparaît avec les Baies Roses (environ 15 tonnes sèches). En ce qui concerne la vanille, la production dépassait les 20 tonnes avant l’éruption volcanique de 2006 ; aujourd’hui elle serait de 15 à 20 tonnes. Des démarches sont en cours pour l’obtention d’une IGP.

L’intensification des productions

Serres sur les pentes hautes du Tampon
Serres sur les pentes hautes du Tampon
Mise en culture des pentes sèches de l’ouest à la faveur de l’irrigation (pentes de l’Ermitage)
Mise en culture des pentes sèches de l’ouest à la faveur de l’irrigation (pentes de l’Ermitage)

Sur les dernières années, l’intensification de la production agricole a conduit à l’émergence de nouveaux paysages (prairies piquées par des balles rondes d’ensilage, par exemple) mais aussi par de nombreux éléments construits de grandes dimensions : serres, silos, bâtiments d’élevage hors sol. A l’avenir pourraient s’ajouter en outre des constructions porteuses de panneaux photovoltaïques (serres, hangars, etc).

1.4. Les paysages de l’eau : Les aménagements hydrauliques, le transfert des eaux et la transformation des paysages de l’ouest


Les aménagements hydrauliques, le transfert des eaux et la transformation des paysages de l’ouest
Les aménagements hydrauliques des dernières décennies ont été très importants. Ils ont largement contribué à la transformation des paysages, urbains aussi bien qu’agricoles.

L’endiguement des ravines : transformation des paysages urbains

L’endiguement des ravines : l’exemple de la ravine Patate à Durand
L’endiguement des ravines : l’exemple de la ravine Patate à Durand

En 1957, le puissant chevelu des ravines de Patates à Durand, du Butor et du Chaudron, créent de fait une large coupure d’urbanisation entre Saint-Denis et les plaines agricoles du nord-est. En 1980, l’endiguement spectaculaire des ravines laisse Saint-Denis prospérer vers l’est et Sainte-Marie.

Avec la croissance de l’urbanisation, la place prise par les ravines est convoitée, d’autant que leur lit majeur est à sec et ne reçoit de l’eau qu’en cas de pluies cycloniques. Aussi endigue-t-on les ravines de façon radicale, réduisant les cônes d’épanchement des eaux à de simples filets tenus dans des lits artificiels en U bétonnés.
Le phénomène est vrai partout, particulièrement lisible à Saint-Denis qui endigue ses trois rivières du Butor, de Patate à Durand et du Chaudron, ainsi que leurs affluents. La place libérée est en général conquise par les équipements et zones d’activités.
Plus récemment la rivière des Galets a vu son champ d’expansion rétréci par la création de digues en épis, qui piègent les sédiments et laissent la savane conquérir ces espaces désormais hors d’eau.


L’irrigation : transformation des paysages agricoles

A partir des années 1960-1970, l’irrigation devient majeure dans la politique agricole. Elle s’opère désormais par des canalisations enterrées. Ce sont donc moins les ouvrages qui marquent le paysage que les effets même de l’irrigation, capable de transformer des pans entiers de territoires, grâce à de grands périmètres à vocation régionale : Bras de la Plaine 5 500 ha, Champ-Borne 1 800 ha, Bras de Cilaos 3 400 ha.
Rappelons que les rendements des exploitations sucrières passent de 50 t/ha/an sur terre non irriguée à 120 t/ha/an sur terre irriguée.


Irrigation de l’ouest : exemple à Saint-Gilles/l’Ermitage
Irrigation de l’ouest : exemple à Saint-Gilles/l’Ermitage
Travaux d’irrigation vers Grande Ravine en 2005
Travaux d’irrigation vers Grande Ravine en 2005



Le secteur de Grand Fond et de Boucan Canot, irrigué
Le secteur de Grand Fond et de Boucan Canot, irrigué
Premières taches vertes sur les pentes de l’Ermitage, juin 2000
Premières taches vertes sur les pentes de l’Ermitage, juin 2000


Savane et canne sur les pentes de l’ouest, juin 2000
Savane et canne sur les pentes de l’ouest, juin 2000
Champs de canne récemment irrigués sur les pentes de l’Ermitage, soulignés par les andains de pierres de basalte
Champs de canne récemment irrigués sur les pentes de l’Ermitage, soulignés par les andains de pierres de basalte


Tapis vert déroulé dans la savane orangée des pentes de l’Ermitage, juin 2000
Tapis vert déroulé dans la savane orangée des pentes de l’Ermitage, juin 2000
Tapis vert déroulé dans la savane orangée de Piton Saint-Leu, juin 2000
Tapis vert déroulé dans la savane orangée de Piton Saint-Leu, juin 2000


Les pentes de l’Ermitage irriguées et cultivées en canne : un paysage récent (photo février 2005)
Les pentes de l’Ermitage irriguées et cultivées en canne : un paysage récent (photo février 2005)

A l'heure actuelle c'est l'Ouest qui, depuis quelques années, vit une profonde transformation de ses paysages avec l'irrigation des terres des mi-pentes et des bas.


La savane du quartier du Portail à Piton Saint Leu en 1994, avant le basculement des eaux.
La savane du quartier du Portail à Piton Saint Leu en 1994, avant le basculement des eaux.
L’apparition de champs de canne à sucre sous le quartier du Portail à Piton Saint Leu après le basculement des eaux en 2010
L’apparition de champs de canne à sucre sous le quartier du Portail à Piton Saint Leu après le basculement des eaux en 2010


Les étendues sèches de savane plus ou moins arbustive cèdent peu à peu la place aux vertes étendues de canne à sucre. Le Conseil Général, avec des financements européens, met en œuvre l'ambitieux projet ILO (irrigation du littoral ouest) de transfert des eaux pour irriguer l'Ouest ; son coût est estimé à 855 millions d'euros (en 2009). Le principe consiste à capter de l'eau dans la rivière du Mât et dans la rivière des Galets et à les acheminer par canalisations enterrées sur l'Ouest. Plus précisément, les prises d'eau sur la rivière Fleurs Jaunes et sur le bras de Sainte-Suzanne, affluents de la rivière des Galets, sont reliées par un tunnel jusqu'au réservoir Mon Repos (cote 275), à partir duquel l'eau est distribuée sur l'Ouest en 8 antennes. ILO s'ajoute à une irrigation déjà assurée autour de Saint-Leu par des captages dans le cirque de Cilaos.

Les études, amorcées par le Conseil Général en 1983, ont conduit aux premiers travaux de creusement du tunnel de Mafate en 1989. A terme, les eaux devraient alimenter plus de 3 000 exploitations agricoles et irriguer un périmètre de 7 150 ha de terres cultivables dont :

ILO devrait permettre une augmentation de la production de canne à sucre de 300 000 t par an, soit 50 000 t de sucre. La production actuelle, de l'ordre de 200 000 t de sucre par an, est en effet inférieure au quota sucrier de La Réunion, fixé à 296 000 t. Le confortement de la filière canne - sucre - bagasse - électricité participera à la préservation de 15 000 emplois et des deux usines sucrières en activité.

Par ailleurs, le projet permettra une diversification rentable en maraîchage et arboriculture (20%) et en fourrage (5%).

Le transfert des eaux permettra en outre d'apporter un complément de ressource en eau pour cinq communes (Le Port, La Possession, Saint Paul, Trois Bassins et Saint Leu) comptant au total 180 000 habitants (25,5% de la population réunionnaise, données recensement 1999). Enfin il doit contribuer à la recharge de la nappe de la Rivière des Galets (9%)

L'arrivée de l'eau suppose une stricte protection des espaces à vocation agricole, dans un contexte de forte pression d'urbanisation. Aussi en 1992 le Conseil Général a demandé au Préfet d'établir un PIG (projet d'intérêt général) qui couvre les zones agricoles (NC) des documents d'urbanisme, soit 9 200 ha. Dans la zone PIG, les projets ne doivent pas entraver la possibilité d'établir le projet d'irrigation. A l'intérieur de ce zonage, les zones irriguées, définies par DUP (Déclaration d'Utilité Publique), sont inconstructibles ; elles représentent 7 150 ha et doivent être garanties jusqu'à 10 ans après la mise en service : soit 2023.

Malheureusement l'énorme projet ILO n'a pas été conçu comme un véritable projet de paysage et de territoire, articulant les espaces agricoles ou à vocation agricole créés par l'opération, avec les espaces urbains ou à vocation urbaine existants ou nécessaires. Seule une réglementation traduite en zonage a été élaborée, peu constructive, conduisant à des situations bloquées conflictuelles de positions entre zonages agricoles et zonages urbains. L'agro-urbanisme reste à inventer (voir les orientations ci-dessous).

Enfin, le paysage de l'eau a évolué récemment avec la multiplication des piscines privatives et, dans les Hauts, la création de retenues collinaires destinées à l'irrigation des terres.


1.5. Les paysages de nature : Essor du tourisme et de la fréquentation


Le développement du tourisme

Evolution de la fréquentation touristique à La Réunion (nombre de visiteurs/année)
Evolution de la fréquentation touristique à La Réunion (nombre de visiteurs/année)
Le tourisme de masse est un phénomène récent à La Réunion. En 1963, l'île ne compte que 4 hôtels de tourisme et reçoit 3000 visiteurs. En 1967, le premier Boeing 707 se pose sur l'aéroport de Gillot ; mais l'île reste peu attractive, à cause notamment du monopole d'Air France (et Air Madagascar) sur la destination. Il faut attendre la dérèglementation du trafic aérien (dans les années 1983-86) pour que le tourisme commence à se développer de façon spontanée, et c'est finalement au cours des années 1990 qu'il se développe véritablement, jusqu'à devenir une des ressources économiques importantes de l'île.

En 2000, le chiffre d'affaires du tourisme dépasse celui de l'industrie sucrière locale. Les initiatives se multiplient : des meublés de vacances ouvrent dans l'ouest de l'île ; en 2001, plusieurs communes élaborent le concept des Villages créoles, afin de valoriser la diversité du patrimoine réunionnais. Quinze villages vont ainsi mettre en avant leur spécificité. Pour Bourg-Murat, c'est vivre aux portes du volcan; pour l'Entre-Deux, ce sont les maisons et cases créoles. Une charte de qualité « Réunion Qualité Tourisme » a été élaborée en 1995 et récompense les meilleurs prestataires de l'hébergement et de la restauration. En 2002, 70 établissements ont rejoint le palmarès des « chartés ». L'accent est mis sur la communication, l'idée étant que pour développer le tourisme, il faut faire connaître La Réunion et en donner une image positive. En matière de paysage, l'écart reste par endroits assez grand entre l'appellation « village créole », séduisante, et la réalité des espaces d'accueil et de vie, nettement banalisés.

Le bilan de dix années de développement est positif : La Réunion accueille 426 000 touristes en 2002 et se classe au cinquième rang des destinations lointaines choisies par les Métropolitains. Les régions se sont inégalement développées, le tourisme bénéficiant surtout au nord et aux plages de l'Ouest. Ces succès encouragent les municipalités jusqu'ici peu concernées par cette nouvelle manne, par exemple Saint-Louis ou Sainte-Suzanne, à prendre des initiatives pour attirer les touristes, autant extérieurs qu'intérieurs. Une nouvelle compagnie aérienne, Air Bourbon, dont le capital est en partie réunionnais, effectue ses premiers vols entre la métropole et l'île après un début difficile.

Une réflexion est engagée sur les problèmes de l'impact du tourisme sur l'environnement, notamment le tourisme intérieur, lui aussi en augmentation grâce à l'aménagement des espaces récréatifs, des sentiers de randonnées et des aires de pique-nique, entraînant une pollution des sites naturels qui n'avait pas été anticipée. Mais globalement, lorsque la région Réunion publie en 2004 le texte du Schéma de développement touristique de La Réunion, l'heure est à l'optimisme : l'île a accueilli 430 000 touristes extérieurs, générant 6 000 emplois dans le secteur, « 6,5% de l'emploi salarié marchand total ».
 
En mars 2005, le conseil régional, nouvel acteur institutionnel principal du tourisme sur l'île suite au transfert des compétences du département, propose l'objectif ambitieux de dépasser le million de touristes en 2020. Mais la foudroyante épidémie de chikungunya qui débute fin 2005 et connaît un pic en janvier 2006 a un effet dissuasif sur les visiteurs, les recettes touristiques extérieures diminuant de 27%, tandis que l'emploi est durement frappé dans l'hôtellerie. Il faut attendre l’orée des années 2010 pour que le nombre de visiteurs retrouve un niveau proche des meilleures années (432 000 touristes en 2003), avec 422 000 visiteurs ayant séjourné à La Réunion en 2009.
Plus de la moitié des dépenses touristiques effectuées sur l'île sont réalisés par la clientèle locale (480 millions d'euros sur 846 millions en 2005).

D'autres objectifs de développement touristique émergent sur les dernières années, ne visant plus le tourisme de masse, jugé illusoire voire dangereux à terme, mais plutôt un tourisme vert et haut de gamme, qui suppose des paysages protégés et gérés. La création du Parc National en 2007, l'inscription sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en 2010, sont évidemment des mesures phares en ce sens. Mais d'autres témoignent de cette orientation, comme la création de la Réserve naturelle marine, ou les projets d'écolodges.

Le développement des loisirs de nature

L’institution du pique-nique familial
L’institution du pique-nique familial
Randonneurs à Mafate
Randonneurs à Mafate

Depuis plusieurs décennies, des efforts remarquables sont consacrés à la randonnée dans les Hauts par le Conseil Général, l'ONF et la Maison de la Montagne, sur le territoire départemento-domanial : création de chemins de randonnée balisés, de gîtes, de kiosques, etc. En 2002, le Département adopte les itinéraires du PDIPR (plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée) et en confie la gestion à l'ONF. Les chemins balisés de randonnée à pied couvrent 1000 km. S'y ajoutent les chemins balisés équestres (100 km) et les chemines balisés pour le VTT (1500 km) (chiffres Mission Parc National 2003). La Réunion apparaît ainsi particulièrement bien dotée de chemins, d'hébergement (gîtes de montagne, d'étape et de séjour, auberges de jeunesse, chambres d'hôtes, gîtes ruraux, Gîtes de France), de kiosques et d'aires de pique-nique, notamment dans les Hauts.

Canyoning dans le cirque de Cilaos
Canyoning dans le cirque de Cilaos
Randonnée à cheval (plaine des Cafres)
Randonnée à cheval (plaine des Cafres)


Départ de parapente aux Colimaçons
Départ de parapente aux Colimaçons
Rassemblement de vélocross, les Makes
Rassemblement de vélocross, les Makes

Au-delà de la seule randonnée, les loisirs de nature se développent et se diversifient fortement au cours des années 1990. Leur progression est liée au tourisme extérieur, mais aussi aux Réunionnais, de plus en plus urbains et en recherche d'activités de détente :
Plus bruyants, les survols touristiques en hélicoptère (environ 6000 par an, concentrés le matin entre 06h et 11h), mais aussi en ULM et en avions de plaisance, s'ajoutent aux vols utilitaires pour la desserte et le ravitaillement des sites isolés, la lutte contre l'incendie, le SAMU, EDF, etc.

En secteur rural, le développement de labels ou appellations accompagne l'essor de la fréquentation : multiplication des gîtes, qui conduisent même localement à un regain de population en secteur isolé, comme à Mafate, création des appellations « villages créoles », « Bienvenue à la ferme », et demain peut-être, agritourisme.

Exemples d’activités de pleine nature plutôt tournées vers la mer…
Exemples d’activités de pleine nature plutôt tournées vers la mer…

Kitesurf à la Saline-les-Bains
Kitesurf à la Saline-les-Bains
Sur le littoral, le développement des loisirs de nature n'est pas en reste :

1.6. Les paysages de l’énergie


Emergence de nouveaux paysages ?

(Les chiffres indiqués dans ce chapitre sont issus du Bilan énergétique 2009 publié par l’Observatoire Energie Réunion).

L’usine du Gol vue depuis la RN1
L’usine du Gol vue depuis la RN1
Hydrolélectricité au Bras de la Plaine
Hydrolélectricité au Bras de la Plaine

La Réunion a un taux de dépendance énergétique de 87%. Elle importe 1135 ktep, dont 64% sont issus des produits pétroliers et 34% du charbon (le reste : gaz butane). Elle produit 175 ktep, issus de la bagasse (54%), de l’hydraulique (31%) et du solaire thermique (13%) essentiellement.
Le charbon produit la moitié de l’électricité de l’île, le fioul 13%, l’hydraulique un quart et la bagasse 10%.
Les implantations énergétiques sont les centrales du Port Ouest et du Port Est, les centrales thermiques de Bois Rouge et du Gol (liées aux usines sucrières) et les installations hydroélectriques de la Rivière de l’Est, de Takamaka 1 et Takamaka 2, du Bras de la Plaine, de Langevin, du Bras des Lianes.

Dans le quotidien, ce ne sont pas nécessairement ces grandes implantations énergétiques qui marquent de façon négative le paysage, même si des actions de valorisation méritent d’être entreprises. Le problème vient surtout du réseau électrique aérien basse tension (auquel s’ajoute le réseau téléphonique) qui dégrade nombre de linéaires de routes et de rues dans les quartiers de l’île.

La ferme éolienne de Sainte-Suzanne dans le grand paysage des pentes Nord-est
La ferme éolienne de Sainte-Suzanne dans le grand paysage des pentes Nord-est
Le champ photovoltaïque de Sainte-Rose, vu depuis la mer (photo DEAL Réunion).
Le champ photovoltaïque de Sainte-Rose, vu depuis la mer (photo DEAL Réunion).

Depuis quelques années, d'autres installations majeures émergent dans le paysage : la ferme éolienne de Sainte-Suzanne, la ferme éolienne de Sainte-Rose, le champ photovoltaïque de Sainte-Rose, la centrale biogaz de Pierrefonds, … Ils préfigurent le développement croissant des énergies renouvelables, afin de réduire la dépendance aux énergies fossiles et la production de gaz à effet de serre.

Photovoltaïque, Mafate
Photovoltaïque, Mafate
Pour favoriser ce développement, le projet GERRI a pour objectif de faire de la Réunion le premier territoire au monde, d’ici 2030, d’intégration dans une société de toutes les innovations environnementales intéressant les déplacements, la production de l’énergie, son stockage et ses usages, ainsi que l’urbanisme et la construction. Le format de l’île se prête à un déploiement rapide et ambitieux d’expérimentations sur ces différents domaines. « La forte concentration de ces innovations sur un espace limité doit conduire à une évolution de la société, plus rapide qu’ailleurs, en direction de l’excellence énergétique et de l’émulation dans les comportements quotidiens » (source : site internet Gerri).