Le bâti diffus, l'urbanisation hors opérations d'ensemble, en cours depuis plusieurs décennies, ont pu sembler confortables et faciles à gérer pour les communes responsables en matière d'urbanisme : pas d'investissement direct et satisfaction individuelle offerte au nouveau résident-électeur. Mais cet essaimage du bâti conduit à plusieurs problèmes.
Case après case, l'urbanisation diffuse finit par coûter très cher aux pouvoirs publics. Désormais, les premiers postes budgétaires des collectivités sont ceux des voiries et ceux des services à la parcelle, sur les centaines de kilomètres des réseaux urbanisés :
- il faut adapter les voiries à une circulation croissante et multiforme (voitures, piétons, deux-roues), opérations qui coûtent très cher et qui banalisent et dégradent le cadre de vie social et culturel des habitants (voir ci-dessous) ;
- il faut assurer les services à la parcelle (transports scolaires, ramassage des ordures ménagères, alimentation en eau potable, réseaux d'eaux pluviales et d'eaux usées, réseaux d'électricité et de téléphone, distribution du courrier, etc).
L'urbanisation diffuse conduit à la consommation excessive d'un espace habitable et cultivable rare. Les terres aménageables couvrent seulement 100 000 ha, sur les 250 000 que compte l'île. Or l'urbanisation, qui occupe 26 000 ha, a consommé 9 000 ha d'espace supplémentaire rien qu'entre 1990 et 1999. 500 ha s'urbanisent chaque année actuellement, avec une densité faible de 5 logements à l'ha (chiffres projet SAR -Schéma d’Aménagement Régional- 2009).
Sur les dernières décennies, la surface cannière a fortement diminué, passant de 37 860 hectares cultivés en 1987 à 30 900 en 1993, et à 25/26 000 ha aujourd'hui ; Elle serait pour l'heure globalement stabilisée grâce notamment à la vaste opération de remise en culture de terres en friche, orchestrée par la Chambre d'Agriculture, la SAFER, la DAF et certaines communes. Mais les marges de manœuvre sont désormais très faibles, comme en témoignent les tensions mises au jour au cours des débats liés au SAR 2010, entre vocation naturelle et vocation agricole de terres : l'intention étant de mettre en vocation agricole des terres aujourd’hui à valeur naturelle, identifiées comme ZNIEFF de type II.
La filière canne dépend de la transformation de la canne en sucre, alcool et énergie (bagasse), assurée par les deux usines sucrières de Bois Rouge et du Gol. Le maintien de ces usines est directement dépendant de la capacité à préserver la quantité de canne nécessaire à leur fonctionnement. C'est pourquoi, malgré la progression du rendement moyen de canne à l'hectare (+ 30% en 20 ans), la consommation des terres cannières par l'urbanisation met en péril toute la filière. Or l'activité canne à sucre est la principale source d'emplois de l'agriculture réunionnaise. Elle reste une culture d'exportation et est considérée comme une production « pilier », incontournable pour la solidité financière des exploitations. Près de 4 700 planteurs cultivent les 26 000 ha de canne, les exploitations de taille moyenne (5 à 20 ha) étant majoritaires dans l'île.
Cette surface représente plus de la moitié de la surface agricole réunionnaise. La fermeture des usines faute d'alimentation suffisante en canne mettrait brutalement en friche toute cette surface. De telles friches géantes constitueraient d'irrésistibles appels à une urbanisation extensive plus galopante encore qu'aujourd'hui. C'est un des scénario à risque du devenir de l'île et de ses paysages, à l'image, toutes proportions gardées, de ce que vivent certaines régions comme le Languedoc-Roussillon avec l'effondrement de la filière viticole.