Les enjeux majeurs de paysage



Légende


Cette partie porte un regard critique sur les dynamiques d'évolution, à la lumière notamment des valeurs paysagères identifiées en fin de première partie. Elle permet de mettre en évidence les enjeux en matière de cadre de vie : selon les cas les opportunités, les risques et les problèmes.

Les enjeux : risques, problèmes et opportunités en termes de paysage

2.1. La fragilisation des paysages agricoles


2.1.1- Une fragilisation par le mitage et l’excessive consommation des terres : raréfaction et dégradation de paysages agricoles attractifs et structurants, risque de mutation incontrôlée du paysage


Le développement urbain : exemple à Saint-Denis en 1957     Le développement urbain : exemple à Saint-Denis en 1984     Le développement urbain : exemple à Saint-Denis en 2006

En 1957, Saint-Denis se cantonne sur sa pointe, entre la rivière Saint-Denis et les trois ravines du Butor, de Patate à Durand et du Chaudron. Elle remonte de façon dispersée sur ses pentes. En 1984, l'urbanisation a spectaculairement gagné vers l'est avec l'endiguement des ravines. En 2006, l'urbanisation a poursuivi son développement vers l'est, dépassant désormais les emprises de l'aéroport, et s'est densifiée sur les pentes. Les espaces agricoles sont désormais rejetés hors de la ville, les premiers se rencontrant à la hauteur de l'aéroport. Sur les pentes hautes, l'urbanisation côtoie les espaces boisés du Brûlé sans transition.

Phagocytage des plaines agricoles : exemple à Saint-Louis
Phagocytage des plaines agricoles : exemple à Saint-Louis

En 1957, Saint-Louis est à l'articulation de trois grandes plaines agricoles soigneusement quadrillées : celle du Gol, celle du Bois de Nèfles et celle de Pierrefonds. En 2006, les trois plaines apparaissent fragilisées : la plaine du Gol a été coupée par la RN 1 nouvelle, tandis que les quartiers du Gol et de Bel Air ont gagné sur ses franges ; la plaine du Bois de Nèfles a été sacrifiée au développement diffus de l'urbanisation de la Rivière, ne laissant qu'une maigre coupure avec Saint-Louis ; la plaine de Pierrefonds a été réduite par la création de l'aérodrome et le début d'implantation d'activités.

Le développement urbain : exemple à Saint-Leu en 1957   Le développement urbain : exemple à Saint-Leu en 1980  Le développement urbain : exemple à Saint-Leu en 2006

En 1957, les pentes de Saint-Leu sont urbanisées de façon étagée, avec le littoral (Saint-Leu centre), la route RD 13 à 400 m d'altitude, et la route Hubert-Delisle à 850 m d'altitude. Cette urbanisation en ligne souligne la partition des espaces en se calant aux transitions : secs et pâturés de 0 à 400 m d'altitude, cultivés de 400 m à 800 m d'altitude, boisés au-dessus de m d'altitude. En 1980, cette organisation étagée des pentes apparaît encore lisible. En 2006, l'organisation étagée est affaiblie par le mitage, qui se diffuse dans les pentes à partir des lignes d'origine : diffusion dans les pentes raides abandonnées par le pâturage et en friche, du littoral à la RD 13, et amorce de diffusion dans les espaces agricoles entre la RD 13 et la route Hubert-Delisle.

Urbanisation en timbre-poste : pentes de Sainte-Marie / Sainte-Suzanne
Urbanisation en timbre-poste : pentes de Sainte-Marie / Sainte-Suzanne

En 1950, les bourgs de Sainte-Marie et Sainte-Suzanne sont faiblement constitués. Entre les deux, les grands domaines gèrent l'espace agricole (Grand Hazier par exemple). En 1984, une urbanisation en timbres-poste voit le jour, sous forme d'opérations dispersées dans l'espace agricole : Ravine des Chèvres les Bas, Ravine des Chèvres les Hauts, les Jacques Bel Air, Bagatelle, Ravine des Chèvres. En 2008, les timbres postes ont « achevé » leur constitution et se sont agrandis : Ravine des Chèvres les Bas, les Cafés, Ravine des Chèvres, Bagatelle.

Consommation de la plaine agricole du Gol par l’urbanisation commerciale (Saint-Louis)
Consommation de la plaine agricole du Gol par l’urbanisation commerciale (Saint-Louis)
Problème d’étalement urbain et de consommation d’espace agricole vers Petite Ile
Problème d’étalement urbain et de consommation d’espace agricole vers Petite Ile


Problème de mitage de l’espace agricole, plaine des Cafres
Problème de mitage de l’espace agricole, plaine des Cafres
Sur les pentes nord-est, contrairement à l’ouest, le foncier de grands domaines conduit à une urbanisation opération par opération plutôt que maison par maison. Il s’ensuit un mitage moindre, mais les « plaques » d’urbanisation monofonctionnelle (résident
Sur les pentes nord-est, contrairement à l’ouest, le foncier de grands domaines conduit à une urbanisation opération par opération plutôt que maison par maison. Il s’ensuit un mitage moindre, mais les « plaques » d’urbanisation monofonctionnelle (résident


Problème de pâturage « sauvage » par manque de terres (hauts de l’ouest)
Problème de pâturage « sauvage » par manque de terres (hauts de l’ouest)
Le bâti diffus, l'urbanisation hors opérations d'ensemble, en cours depuis plusieurs décennies, ont pu sembler confortables et faciles à gérer pour les communes responsables en matière d'urbanisme : pas d'investissement direct et satisfaction individuelle offerte au nouveau résident-électeur. Mais cet essaimage du bâti conduit à plusieurs problèmes.

Case après case, l'urbanisation diffuse finit par coûter très cher aux pouvoirs publics. Désormais, les premiers postes budgétaires des collectivités sont ceux des voiries et ceux des services à la parcelle, sur les centaines de kilomètres des réseaux urbanisés :
  • il faut adapter les voiries à une circulation croissante et multiforme (voitures, piétons, deux-roues), opérations qui coûtent très cher et qui banalisent et dégradent le cadre de vie social et culturel des habitants (voir ci-dessous) ;
  • il faut assurer les services à la parcelle (transports scolaires, ramassage des ordures ménagères, alimentation en eau potable, réseaux d'eaux pluviales et d'eaux usées, réseaux d'électricité et de téléphone, distribution du courrier, etc).
L'urbanisation diffuse conduit à la consommation excessive d'un espace habitable et cultivable rare. Les terres aménageables couvrent seulement 100 000 ha, sur les 250 000 que compte l'île. Or l'urbanisation, qui occupe 26 000 ha, a consommé 9 000 ha d'espace supplémentaire rien qu'entre 1990 et 1999. 500 ha s'urbanisent chaque année actuellement, avec une densité faible de 5 logements à l'ha (chiffres projet SAR -Schéma d’Aménagement Régional- 2009).
Sur les dernières décennies, la surface cannière a fortement diminué, passant de 37 860 hectares cultivés en 1987 à 30 900 en 1993, et à 25/26 000 ha aujourd'hui ; Elle serait pour l'heure globalement stabilisée grâce notamment à la vaste opération de remise en culture de terres en friche, orchestrée par la Chambre d'Agriculture, la SAFER, la DAF et certaines communes. Mais les marges de manœuvre sont désormais très faibles, comme en témoignent les tensions mises au jour au cours des débats liés au SAR 2010, entre vocation naturelle et vocation agricole de terres : l'intention étant de mettre en vocation agricole des terres aujourd’hui à valeur naturelle, identifiées comme ZNIEFF de type II.
La filière canne dépend de la transformation de la canne en sucre, alcool et énergie (bagasse), assurée par les deux usines sucrières de Bois Rouge et du Gol. Le maintien de ces usines est directement dépendant de la capacité à préserver la quantité de canne nécessaire à leur fonctionnement. C'est pourquoi, malgré la progression du rendement moyen de canne à l'hectare (+ 30% en 20 ans), la consommation des terres cannières par l'urbanisation met en péril toute la filière. Or l'activité canne à sucre est la principale source d'emplois de l'agriculture réunionnaise. Elle reste une culture d'exportation et est considérée comme une production « pilier », incontournable pour la solidité financière des exploitations. Près de 4 700 planteurs cultivent les 26 000 ha de canne, les exploitations de taille moyenne (5 à 20 ha) étant majoritaires dans l'île.
Cette surface représente plus de la moitié de la surface agricole réunionnaise. La fermeture des usines faute d'alimentation suffisante en canne mettrait brutalement en friche toute cette surface. De telles friches géantes constitueraient d'irrésistibles appels à une urbanisation extensive plus galopante encore qu'aujourd'hui. C'est un des scénario à risque du devenir de l'île et de ses paysages, à l'image, toutes proportions gardées, de ce que vivent certaines régions comme le Languedoc-Roussillon avec l'effondrement de la filière viticole.


Des grands paysages agricoles préservés la Plaine du Gol à Saint Louis en 1992
Des grands paysages agricoles préservés la Plaine du Gol à Saint Louis en 1992
Mitage diffus apparaissant sur les pentes agricoles, la Plaine du Gol à Saint Louis en 2010
Mitage diffus apparaissant sur les pentes agricoles, la Plaine du Gol à Saint Louis en 2010


2.1.2- Une fragilisation par l’évolution des pratiques agricoles : simplification et floutage des paysages, morcellement des terres

Problème de simplification du paysage par disparition des structures végétales (murs, chemins, arbres, haies), plaine des Cafres
Problème de simplification du paysage par disparition des structures végétales (murs, chemins, arbres, haies), plaine des Cafres
Le patrimoine des allées de cocotiers, vieillissant et menacé de disparition (Gillot)
Le patrimoine des allées de cocotiers, vieillissant et menacé de disparition (Gillot)


Durcissement et floutage de l’espace agricole par la construction de la maison individuelle de l’agriculteur isolée dans les terres (hauts du Tampon)
Durcissement et floutage de l’espace agricole par la construction de la maison individuelle de l’agriculteur isolée dans les terres (hauts du Tampon)
Durcissement et floutage de l’espace agricole par la construction de la maison individuelle de l’agriculteur isolée dans les terres (hauts du Tampon)
Durcissement et floutage de l’espace agricole par la construction de la maison individuelle de l’agriculteur isolée dans les terres (hauts du Tampon)


Durcissement et floutage de l’espace agricole par la construction de la maison individuelle de l’agriculteur isolée dans les terres (hauts du Tampon)
Durcissement et floutage de l’espace agricole par la construction de la maison individuelle de l’agriculteur isolée dans les terres (hauts du Tampon)
Fragilisation des espaces agricoles et affaiblissement du paysage par construction de maisons d’agriculteurs isolées dans les terres (côte sud)
Fragilisation des espaces agricoles et affaiblissement du paysage par construction de maisons d’agriculteurs isolées dans les terres (côte sud)


Problème de construction « agricole » isolée dans les parcelles cultivées : fragilisation de la vocation agricole des terres, dégradation du paysage agricole (photo avril 2005)
Problème de construction « agricole » isolée dans les parcelles cultivées : fragilisation de la vocation agricole des terres, dégradation du paysage agricole (photo avril 2005)
Absence de lisières agro-urbaines pour organiser le développement du Plate et préserver les espaces agricoles
Absence de lisières agro-urbaines pour organiser le développement du Plate et préserver les espaces agricoles


Des lisières urbaines sont à constituer pour clarifier et stabiliser la répartition entre urbanisation et espaces agricoles. (Ici à Le Plate)
Des lisières urbaines sont à constituer pour clarifier et stabiliser la répartition entre urbanisation et espaces agricoles. (Ici à Le Plate)
Problème de bâtiment agricole trop blanc
Problème de bâtiment agricole trop blanc

Outre l’urbanisation diffuse, l’évolution des pratiques agricoles elles-mêmes fragilise le paysage : le développement des serres, des silos, des bâtiments d’élevage intensif hors sol, des clôtures (pour l’élevage, voire pour des productions spécialisées), s’ajoutent aux constructions des maisons des sièges d’exploitations isolées dans leurs terres et à la disparition de structures paysagères par intensification ; il faudrait encore ajouter le risque d’un développement d’équipements agricoles comme supports de panneaux photovoltaïques : hangars ou serres (projet IRRSOL qui permet l'expérimentation de la production agricole sous ombrières photovoltaïques). L’ensemble de ces éléments contribue à durcir le paysage agricole, à rendre plus rares encore les quelques secteurs cultivés vierges de toute construction. Par ailleurs, ce processus rend floue la différenciation entre espaces urbains ou à vocation urbaine, et espaces ruraux à vocation agricole.  Ce flou devient lui-même générateur de la fragilité des terres agricoles face à la pression d’urbanisation : il est en effet plus facile d’ouvrir à l’urbanisation des terres agricoles morcelées et construites de façon éparse, que des terres purement agricoles. Ainsi, la qualité paysagère de l’espace agricole est facteur de sa protection et de sa pérennité. Inversement, sa dégradation est facteur de sa disparition.

2.1.3- L’érosion des terres et la pollution des eaux :


2.2. Le durcissement des paysages bâtis


Des villes de plus en plus denses et minérales (Saint-Denis, vue des pentes de la Montagne)
Des villes de plus en plus denses et minérales (Saint-Denis, vue des pentes de la Montagne)

2.2.1. Le durcissement de l’architecture : de la paille et du bois à la tôle, et de la tôle au béton

Problème de médiocrité architecturale héritée des années 1960 et aggravée par les transformations des bâtiments
Problème de médiocrité architecturale héritée des années 1960 et aggravée par les transformations des bâtiments
Médiocrité architecturale et pauvreté de l’espace public minéralisé et routier (pentes du Tampon)
Médiocrité architecturale et pauvreté de l’espace public minéralisé et routier (pentes du Tampon)


Architecture et urbanisme disparates, plaine des Cafres
Architecture et urbanisme disparates, plaine des Cafres
L’architecture se modifie profondément en se « durcissant ». Encore en 1950, sur les 60 000 maisons que compte l'île, seulement 5 000 sont en maçonnerie ; plus de la moitié sont en bois ; les autres sont des paillotes, construites en torchis et couvertes de palmes. Rapidement les centres agglomérés perdent « cette allure de villages africains qui les caractérisait, pour se parer de leurs nouveaux habits de villes françaises » (JM Jauze) : les paillotes disparaissent, les maisons en bois également, cédant la place à une multitude de petits immeubles : certes désormais résistants aux cyclones et dotés du confort moderne ; mais posant de graves problèmes de paysage et d’environnement : en cubes de béton disgracieux, surchauffés par le soleil et sans jardin.
Un lourd héritage architectural récent dévalorise ainsi les paysages habités et urbanisés de l’île, constituant autant de « points noirs » nécessitant de gros et sérieux efforts de réhabilitations et requalifications. C’est d’autant plus vrai qu’ils s’ajoutent à un espace public souvent non qualifié, victime de logique routière et de réseau aérien envahissant. Il s’agit  certes d’investissements longs et coûteux, mais qui, en certains endroits, permettraient de mettre en adéquation la réalité du paysage avec les flatteuses appellations touristiques de « villages créoles », un peu hâtivement apposées, et qui provoquent de cruelles désillusions pour les touristes attirés par ces labels.

2.2.2. Le durcissement du paysage urbain

Extension puis densification du tissu urbain : l’exemple du quartier Sainte-Clotilde à Saint-Denis
Extension puis densification du tissu urbain : l’exemple du quartier Sainte-Clotilde à Saint-Denis
En 1950, le quartier n'est pas construit, il est entièrement agricole. En 1984, il est construit, avec une présence végétale lisible dans les espaces privatifs. En 2008, il est densifié par bouchage des dents creuses, resserrement du bâti et reconstruction de collectifs ou d'activités à la place de quartiers de cases.

Urbanisation des îlets et disparition du paysage agricole de proximité : exemple à Cilaos
Urbanisation des îlets et disparition du paysage agricole de proximité : exemple à Cilaos
En 1957, l’espace aplani des îlets est partagé entre l’urbanisation et les cultures. En 2006, l’urbanisation prend l’essentiel de l’espace habitable et cultivable. Les cultures se cantonnent dans des espaces résiduels, disposant de peu d’espace pour afficher des spécialités pourtant propres à Cilaos et à forte valeur ajoutée : vigne, lentilles. A Bras Sec en outre, l’abandon d’espace agricole se traduit par une extension de la couverture boisée.

Outre l’aspect proprement architectural du bâti, le durcissement s’observe plus largement sur le paysage urbain, par plusieurs phénomènes

Un héritage bâti souvent peu avenant, aggravé par l’indigence des espaces publics entièrement minéralisés et dévolus aux voitures. Cas d’une micro-centralité à requalifier (vers Bois de Nèfles Saint-Paul) (photo avril 2005)
Un héritage bâti souvent peu avenant, aggravé par l’indigence des espaces publics entièrement minéralisés et dévolus aux voitures. Cas d’une micro-centralité à requalifier (vers Bois de Nèfles Saint-Paul) (photo avril 2005)
Durcissement de centre-bourg, par l’agrandissement des bâtiments, la minéralisation des sols et la disparition du végétal (les Avirons)
Durcissement de centre-bourg, par l’agrandissement des bâtiments, la minéralisation des sols et la disparition du végétal (les Avirons)


Le durcissement du paysage habité : grossissement des volumes bâtis sans qualité architecturale, hauts murs de clôtures ou de soutènement bruts (ici du parpaing)
Le durcissement du paysage habité : grossissement des volumes bâtis sans qualité architecturale, hauts murs de clôtures ou de soutènement bruts (ici du parpaing)
Sur cette parcelle, les extensions successives de la case ont fini par faire disparaître le jardin. Durcissement du paysage habité.
Sur cette parcelle, les extensions successives de la case ont fini par faire disparaître le jardin. Durcissement du paysage habité.


Problème de proportion entre la maison et la parcelle. La densification sans espaces publics plantés en accompagnement génère un paysage habité dur, quelle que soit la qualité architecturale par ailleurs (route de l’Entre-Deux)
Problème de proportion entre la maison et la parcelle. La densification sans espaces publics plantés en accompagnement génère un paysage habité dur, quelle que soit la qualité architecturale par ailleurs (route de l’Entre-Deux)

1- la densification des tissus construits : disparition des quartiers de cases noyées dans leurs jardins, remplacés par des immeubles plus massifs et sans végétal d’accompagnement ;

L’élargissement de la rue a conduit à la disparition du végétal de l’espace public et au « durcissement » des clôtures, ré-édifiées en parpaing –La Rivière). Ne reste plus que le végétal en espace privé, à la merci de la densification.
L’élargissement de la rue a conduit à la disparition du végétal de l’espace public et au « durcissement » des clôtures, ré-édifiées en parpaing –La Rivière). Ne reste plus que le végétal en espace privé, à la merci de la densification.
Problème d’espace public minéralisé et entièrement dévolu aux voitures (place de l’église de Trois-Bassins photo avril 2005)
Problème d’espace public minéralisé et entièrement dévolu aux voitures (place de l’église de Trois-Bassins photo avril 2005)


2- l'élargissement des voies pour le passage du trafic routier grandissant, au détriment des espaces publics plantés voire des espaces privés des jardins attenants ;

Surminéralisation d’espaces publics, provoquant des problèmes d’inconfort, de chaleur, de gestion de l’eau de ruissellement (ici Piton Saint-Leu) (photo avril 2005)
Surminéralisation d’espaces publics, provoquant des problèmes d’inconfort, de chaleur, de gestion de l’eau de ruissellement (ici Piton Saint-Leu) (photo avril 2005)
Durcissement du paysage habité : problème à Saint-Gilles-les-Bains
Durcissement du paysage habité : problème à Saint-Gilles-les-Bains


Durcissement du paysage habité, sans qualité. Ici à Boucan Canot
Durcissement du paysage habité, sans qualité. Ici à Boucan Canot
Espace excessivement minéralisé (parking à Saint-Louis, quartier Bel Air)
Espace excessivement minéralisé (parking à Saint-Louis, quartier Bel Air)


Parking sans végétal, minéralisation excessive, absence de qualité paysagère
Parking sans végétal, minéralisation excessive, absence de qualité paysagère
Des espaces publics récents sans âme, plaine des Cafres
Des espaces publics récents sans âme, plaine des Cafres


Problème d’aménagement surminéralisé, absence de végétal, imperméabilisation des sols (littoral de Terre-Sainte)
Problème d’aménagement surminéralisé, absence de végétal, imperméabilisation des sols (littoral de Terre-Sainte)
Aménagement récent excessivement minéral
Aménagement récent excessivement minéral


3- la minéralisation des espaces publics, noyés sous de vastes tapis d’enrobé, pour satisfaire les besoins des déplacements et stationnements voitures, mais aussi parfois pour réduire les coûts d’entretien des « espaces verts » ! Ce phénomène contribue puissamment à la mauvaise image des villes et bourgs de La Réunion et à l’inconfort des espaces publics, surchauffés, imperméabilisés, entièrement dévolus aux voitures, sans espace, ni ombrage, ni fraîcheur pour les piétons ;

Banalisation du paysage habité des bourgs, par les aménagements à caractère routier
Banalisation du paysage habité des bourgs, par les aménagements à caractère routier
Problème d’une rue récente de lotissement : sans qualité paysagère, image dure et sols imperméabilisés (Piton Saint-Leu)
Problème d’une rue récente de lotissement : sans qualité paysagère, image dure et sols imperméabilisés (Piton Saint-Leu)


4-  la transformation des routes en rues, avec création de trottoirs en dur créés là aussi en remplacement de surfaces végétales (plantations d’espaces publics, fossés enherbés, clôtures végétales, jardins) ;

Problème d’encombrement de l’espace par le mobilier urbain (Saint-Gilles-les-Bains)
Problème d’encombrement de l’espace par le mobilier urbain (Saint-Gilles-les-Bains)
Problème d’encombrement de l’espace public par le mobilier urbain (Saint-Gilles-les-Bains, photo octobre 2006)
Problème d’encombrement de l’espace public par le mobilier urbain (Saint-Gilles-les-Bains, photo octobre 2006)


Profusion de signalisation, Saint-André
Profusion de signalisation, Saint-André

5- l’encombrement de l’espace public, non seulement par les voitures, mais aussi par le mobilier et la signalisation

Durcissement du paysage par les murs de clôtures, ici en parpaing brut (vers Mont Vert les Hauts)
Durcissement du paysage par les murs de clôtures, ici en parpaing brut (vers Mont Vert les Hauts)
Problème de durcissement du paysage habité : les clôtures en dur (Ici à l’Ermitage)
Problème de durcissement du paysage habité : les clôtures en dur (Ici à l’Ermitage)


Problème de durcissement du paysage habité : les clôtures en dur (Ici Trois-Bassins)
Problème de durcissement du paysage habité : les clôtures en dur (Ici Trois-Bassins)
Un paysage de chemin malheureusement dévalorisé par les murs de clôture en béton brut (Les Avirons)
Un paysage de chemin malheureusement dévalorisé par les murs de clôture en béton brut (Les Avirons)


Durcissement du paysage habité par les clôtures et l’absence de végétal (chemin Baguettes)
Durcissement du paysage habité par les clôtures et l’absence de végétal (chemin Baguettes)

6- la disparition des clôtures végétales et des transitions douces entre espace public et espace privé, auxquelles se substituent des murs opaques en dur, de béton ou de parpaings ; un phénomène favorisé par l’élargissement des voies, qui les rend plus routières, plus rapides et plus agressives, et dont les riverains se protègent ;

Durcissement du paysage par les murs de soutènement, ici en béton brut banché
Durcissement du paysage par les murs de soutènement, ici en béton brut banché
L’absence d’intégration de la pente dans l’architecture (conçue pour terrain plat) génère des remblais et des soutènements chers et préjudiciables au paysage (côte sud).
L’absence d’intégration de la pente dans l’architecture (conçue pour terrain plat) génère des remblais et des soutènements chers et préjudiciables au paysage (côte sud).


Problème de soutènement surdimensionné pour cette maison individuelle, dont le plan architectural n’a pas intégré la pente (hauts de l’ouest)
Problème de soutènement surdimensionné pour cette maison individuelle, dont le plan architectural n’a pas intégré la pente (hauts de l’ouest)
Problème de mur de soutènement individuel surdimensionné et en parpaing brut : durcissement et dégradation du paysage habité et circulé.
Problème de mur de soutènement individuel surdimensionné et en parpaing brut : durcissement et dégradation du paysage habité et circulé.


Un rapport à la pente critiquable, Saint-Denis
Un rapport à la pente critiquable, Saint-Denis
Architecture travaillée, mais rapport à la pente et à l’espace public raté
Architecture travaillée, mais rapport à la pente et à l’espace public raté


Durcissement du paysage habité et routier, par la surenchère de murs de soutènement sans qualité paysagère (hauts des Avirons)
Durcissement du paysage habité et routier, par la surenchère de murs de soutènement sans qualité paysagère (hauts des Avirons)

7- l’émergence de murs de soutènement disproportionnés : ils sont dus à des conceptions de bâtiments qui n’intègrent pas la réalité de la pente dans le projet architectural. Conçu pour terrain plat, le bâtiment nécessite alors des terrassements qui, avec les fortes pentes de l’île et l’exiguïté des terrains, obligent à créer des murs de soutènements disproportionnés et chers. Ces murs, en particulier lorsqu’ils sont laissés en béton ou parpaing brut, apparaissent fortement dans le paysage habité et contribuent à le « durcir » de façon désagréable.

Problème d’absence de couleur et de végétal dans cette opération (Plateau Caillou), qui prend de ce fait un aspect massif dans le paysage  (photo avril 2005)
Problème d’absence de couleur et de végétal dans cette opération (Plateau Caillou), qui prend de ce fait un aspect massif dans le paysage (photo avril 2005)
Problème d’une architecture trop blanche, perte de la culture de la couleur (Bourg-Murat, les Topazes)
Problème d’une architecture trop blanche, perte de la culture de la couleur (Bourg-Murat, les Topazes)


Problème de cases trop blanches (ici à Trois-Bassins)
Problème de cases trop blanches (ici à Trois-Bassins)
Problème de toitures trop uniformément blanches (hauts de l’ouest)
Problème de toitures trop uniformément blanches (hauts de l’ouest)


9- la raréfaction d’espaces agricoles de proximité, notamment dans les villages et les îlets : consommés par l’urbanisation ou abandonnés à la friche ;

Problème d’opération récente refermée sur elle-même (gated community), entre la Saline et Trois-Bassins
Problème d’opération récente refermée sur elle-même (gated community), entre la Saline et Trois-Bassins

10- la création de quartiers fermés sur eux-mêmes (gated communities), protégés par grilles et codes d'accès : phénomène encore marginal mais qui contribue à la négation de l'espace public comme lien social et au durcissement du paysage urbain.

Outre le grave problème de paysage, l'imperméabilisation grandissante des sols qui résulte de ces processus pose des problèmes de gestion de l'eau et de pollution (voir le chapitre « La dévalorisation des paysages de l'eau »). Enfin le durcissement du cadre construit aggrave le problème de la chaleur captée par le bâti, renforçant l'usage de la climatisation et contribuant au réchauffement climatique et à l'aggravation de la dépendance énergétique.


Peu d’espace pour le végétal au regard de la masse des bâtiments, heureusement atténuée par le travail des couleurs et matériaux (côte sud)
Peu d’espace pour le végétal au regard de la masse des bâtiments, heureusement atténuée par le travail des couleurs et matériaux (côte sud)
Problème d’opération trop massive et sans qualité architecturale (les Avirons)
Problème d’opération trop massive et sans qualité architecturale (les Avirons)


Opération récente trop massive et minérale : répététivité des formes et couleurs, absence de végétal
Opération récente trop massive et minérale : répététivité des formes et couleurs, absence de végétal
L’absence de végétal dans cette opération récente rend le paysage habité dur et peu avenant –l’Etang-Salé
L’absence de végétal dans cette opération récente rend le paysage habité dur et peu avenant –l’Etang-Salé


L’absence de végétal dans cette opération récente rend le paysage habité dur et peu avenant –Les Avirons
L’absence de végétal dans cette opération récente rend le paysage habité dur et peu avenant –Les Avirons
Projet de densification urbaine sans végétal : le risque de durcissement du paysage habité Réunionnais (projet SHLMR à Saint-Joseph)
Projet de densification urbaine sans végétal : le risque de durcissement du paysage habité Réunionnais (projet SHLMR à Saint-Joseph)

Ainsi, la « densification », leitmotiv répété depuis quelques années pour un développement durable de l’île, moins consommateur d’espace, pose-t-elle un sérieux défi en matière de paysage : la capacité à construire un cadre de vie qui soit à la fois plus urbain, plus dense et en même temps plus vert, plus ombragé et plus perméable. La réponse à cet enjeu tient dans le développement de politiques d’espaces publics fortes et volontaristes. La densité sans urbanisme végétal conduirait à une catastrophe paysagère.

2.2.3. L’érosion du petit patrimoine construit : perte culturelle, sociale et économique irrémédiable

La case Martin-Valliamée à Saint-André
La case Martin-Valliamée à Saint-André
Case traditionnelle à Petite Ile
Case traditionnelle à Petite Ile


Case traditionnelle : la boucherie de L’Entre-Deux
Case traditionnelle : la boucherie de L’Entre-Deux
Rue bordée de cases traditionnelles, La Saline-les-Hauts
Rue bordée de cases traditionnelles, La Saline-les-Hauts


Boutique traditionnelle de charme à La Rivière, avec ses publicités directement peintes sur les murs
Boutique traditionnelle de charme à La Rivière, avec ses publicités directement peintes sur les murs
Petit garage à la Ravine des Cabris
Petit garage à la Ravine des Cabris


Exemple de patrimoine à réhabiliter dans le cadre d’un projet bord de mer d’ensemble : l’usine de Grand-Bois
Exemple de patrimoine à réhabiliter dans le cadre d’un projet bord de mer d’ensemble : l’usine de Grand-Bois
La Réunion a bénéficié d’une mise en valeur de son « grand » patrimoine culturel au cours des dernières décennies : rachat et restauration de grandes cases en milieu urbain (à Saint-Denis notamment), remise en valeur d’anciens domaines (Villèle, Colimaçons-les-Hauts, Maison Rouge, Martin-Valliamée, …), d’anciennes usines (Stella, les salines de Pointe au Sel, Vue Belle, …). D’autres éléments du patrimoine perdurent par eux-mêmes, par le maintien de pratiques qui assurent leur pérennité : c’est le cas des cimetières fleuris, les plus beaux et les plus émouvants jardins de La Réunion.

Vieillissement et disparition du petit patrimoine bâti de La Réunion (RN3, Le Tampon)
Vieillissement et disparition du petit patrimoine bâti de La Réunion (RN3, Le Tampon)
Petit patrimoine à l’abandon (case vers Langevin)
Petit patrimoine à l’abandon (case vers Langevin)


Fragilité et disparition du petit patrimoine : maison de bardeau de bois en ruine
Fragilité et disparition du petit patrimoine : maison de bardeau de bois en ruine

A une échelle plus fine en revanche, et sans qu'il soit simple de le quantifier, le « petit » patrimoine de pays disparaît inexorablement, ôtant à La Réunion une part de son âme, de sa personnalité, de sa saveur : une petite case par-ci, un jardin par là, une boutique traditionnelle encore par là, etc.

A la demande du SDAP (Service Départemental de l’Architecture et du Patrimoine), Daniel Vaxelaire a réalisé dans les années 1990 tout un inventaire de ce patrimoine, qui a donné lieu à un ouvrage (« Trésors ! Le patrimoine caché de La Réunion », Azalées éditions 1996). La DRAC a de même effectué des inventaires des petites cases. Mais ces efforts n'ont pas été traduits dans les politiques publiques locales : identifications aux documents d'urbanisme, acquisitions et rénovation, soutien à la gestion et à l'entretien, valorisation économique et touristique, …

Les éléments de ce patrimoine fragile sont nombreux : les maisons de villes, de banlieues, le « changement d’air », les champs, les commerces, les lieux de savoir (écoles, collèges, …), de santé (lazaret, …), de prière, les jardins, les cimetières, les canaux, les usines, les minoteries et moulins, les ponts, les marinas et les ports, les batteries et poudrières, les fontaines, les escaliers, les puits, les entrepôts, …

Au-delà de ces « objets construits » qui font patrimoine, on peut considérer que certains ensembles composent un paysage à caractère patrimonial, précieux pour la mémoire, la culture, l'histoire et l'identité insulaire, outre la valeur touristique qu'ils peuvent prendre par ailleurs. Les anciens domaines, associant la maison principale, le jardin, les dépendances et l'espace agricole, en font partie au premier chef. On peut aussi citer certaines portions de routes « lignes de vie », où la « symbiose » harmonieuse et délicate s'opère entre les cases, la route et la nature jardinée qui environne l’ensemble, telle qu’elle a été initialement identifiée dans l’Est avec la RN2 dans l'ouvrage « Paysage Côte Est » (B. Folléa CAUE 1990). C'est le cas du chemin du Tour des Roches, qui mérite depuis longtemps une réhabilitation à caractère patrimonial, et de routes habitées de fonds de ravines (ravine des Lataniers, rivière Langevin …). Les îlets sont également des paysages patrimoniaux fragiles : havres de fraîcheur et d'accueil perdus dans la rudesse sauvage des temples de l'érosion que forment les cirques, ils constituent de précieux témoignages de la vie dans des conditions hors du commun de montagne tropicale. Enfin, en milieu urbain, le bourg de L'Entre-Deux est le seul, avec Hell-Bourg, à avoir su préserver un ensemble bâti et végétal à caractère patrimonial. Ailleurs, des quartiers-jardins composent des paysages culturels qui méritent d'être identifiés avant que des opérations de densification ne les fassent totalement disparaître.


2.2.4. La disparition des espaces de respiration (coupures d’urbanisation) et des sites bâtis

Problème de « débordement » de site bâti par l’urbanisation continue : dans les fonds, sur les pentes et en crête (Boucan Canot, photo octobre 2006)
Problème de « débordement » de site bâti par l’urbanisation continue : dans les fonds, sur les pentes et en crête (Boucan Canot, photo octobre 2006)
Problème de débordement de site bâti par urbanisation en crête : Saint-Gilles-les-Bains, ZAC Roquefeuil (photo janvier 2007)
Problème de débordement de site bâti par urbanisation en crête : Saint-Gilles-les-Bains, ZAC Roquefeuil (photo janvier 2007)


Problème de débordement de l’urbanisation à l’amont de la RN2, vers Sainte-Marie
Problème de débordement de l’urbanisation à l’amont de la RN2, vers Sainte-Marie

L'urbanisation est parfois étroitement inféodée à un lieu particulier, constituant alors un site bâti qui, perceptible de loin, contribue à la qualité du paysage : une baie, un piémont, un sommet, un bord de rivière, un replat, …

A La Réunion, ce sont les îlets dans les cirques qui composent les sites bâtis les plus remarquables et spectaculaires. Ailleurs, la relative régularité des pentes ne contribue pas à « caler » le développement urbain dans une topographie particulière.

Aussi l’urbanisation tend-elle insidieusement à effacer les espaces de respiration (ou coupures d’urbanisation), souvent agricoles, qui séparent les bourgs les uns des autres. C’est d’autant plus vrai que la contrainte de la pente incite à urbaniser en linéaire, au fil des routes qui relient les bourgs les uns aux autres. Par ce processus, une conurbation périphérique du pourtour de l’île se met en place. 

Outre les problèmes de consommation d'espace agricole et naturel (voir 2.1. La fragilisation des paysages agricoles), le phénomène de conurbation gomme l'identité de chaque bourg, efface les repères, oblige les habitants à vivre dans des espaces urbains continus, indifférenciés et éloignés des sites de nature ou de loisirs de proximité. Par ailleurs il provoque des conflits d'usage entre urbanisation et infrastructures, baissant à la fois la qualité de vie (autour des voies) et la qualité de circulation (intra-urbaine, sans efficacité inter-urbaine).  Dans ce contexte, les rares sites bâtis intéressants du littoral tendent à être débordés par  l'urbanisation, malgré les dispositions de la Loi Littoral en faveur des coupures d'urbanisation : à Saint-Paul (Grande Fontaine), à Boucan Canot, à Saint-Gilles, par exemple, l'urbanisation remonte du piémont, atteint les pentes et gagne les crêtes de façon continue et indifférenciée.


2.3. L’omnipotence des paysages routiers


2.3.1. La dépendance à la voiture et le coma circulatoire : baisse de la qualité de vie et de l’attractivité de l’île, frein à l’organisation paysagère et urbaine de l’île

Bouchon à Saint-Joseph
Bouchon à Saint-Joseph
La création de grands centres commerciaux hors centres-villes accroît la dépendance à la voiture (Sainte-Suzanne)
La création de grands centres commerciaux hors centres-villes accroît la dépendance à la voiture (Sainte-Suzanne)


L’envahissement de l’espace public par les voitures rend impossible la qualité de vie urbaine (Etang-Salé)
L’envahissement de l’espace public par les voitures rend impossible la qualité de vie urbaine (Etang-Salé)
Cas de centre-ville déqualifié par l’omniprésence de la voiture (Saint-André)
Cas de centre-ville déqualifié par l’omniprésence de la voiture (Saint-André)

La diffusion de l'urbanisation dans l'espace rend les habitants entièrement dépendants de leur voiture pour leurs déplacements. Selon le profil des ménages, il faut un, deux voire trois véhicules par foyer. Cette dépendance a conduit à l'explosion du parc automobile et à la saturation des axes de circulation. Près de 90% des déplacements s'opèrent en voiture individuelle (chiffre Agorah, observatoire des transports et des déplacements 2007).

De gigantesques bouchons engorgent l'île à partir des années 1980. Gilles Lajoie (Université de La Réunion) parle de « coma circulatoire ».
Les investissements routiers pour y faire face ressemblent à une fuite en avant, un puits sans fond. Le cercle vicieux de l'urbanisation et de la route s’est enclenché : l’une et l’autre s'alimentent sans fin de proche en proche. L'urbanisation exige la route qui, une fois créée ou aménagée, favorise l'urbanisation qui exige la route qui, etc. On le mesure à nouveau avec l’ouverture de la Route des Tamarins en 2009, longtemps attendue et vécue comme une libération par tous les habitants victimes des interminables bouchons des dernières années on pressent que cette route peut avoir des conséquences positives en termes de développement économique et urbain structurant pour les paysages à travers le  développement vraisemblable du sud en matière d’activités et d’habitat, notamment du secteur Pierrefonds, offrant des espaces peu pentus et désormais bien desservis, ainsi qu’à travers le développement touristique d’Etang-Salé-les-Bains, par sa meilleure accessibilité pour les populations du nord de l’île.

Problème da la route comme vitrine commerciale : dégradation et banalisation des paysages de La Réunion (entre La Saline-les-Bains et Souris Chaude)
Problème da la route comme vitrine commerciale : dégradation et banalisation des paysages de La Réunion (entre La Saline-les-Bains et Souris Chaude)

Cependant, il y aura également des conséquences négatives  comme la pression sur les abords de la Route des Tamarins, en commençant par les abords des échangeurs, avec le risque de création de vitrine commerciale banalisante, et le développement de l’urbanisation des mi-pentes de l’Ouest dans une situation déjà très conflictuelle entre vocation urbaine et vocation agricole des terres, dont une bonne part mises en irrigation par le Projet ILO. Ainsi, sans même parler de pollution et de réchauffement climatique, la Route des Tamarins risque d’apparaître globalement déstructurante en matière de paysage, favorisant une nouvelle fois la diffusion du bâti et l’usage individuel de la voiture, grâce à l’amélioration des temps de parcours offerts entre domicile et services/lieux de travail Les conséquences de cette facilité des déplacements dans l'Ouest se mesurent déjà : elle provoque désormais des bouchons d'une nouvelle importance à l'entrée de Saint-Denis, sur la route du littoral, qui a vu son trafic bondir de 15% en 2009 ; la Route des Tamarins rend donc plus urgente la création de la nouvelle route du littoral … Le cercle vicieux du tout voiture poursuit son cours.

Le même risque guette le projet de liaison rapide Saint-Pierre/Saint-Benoît par les plaines (nouvelle RN 3) : la belle et fragile plaine des Cafres (laissée hors territoire du Parc National) va se retrouver desservie de façon efficace et ses terres plates, malgré l’austérité du climat, pourront devenir attractives pour le développement de l’urbanisation. De même les pentes hautes du Tampon, déjà marquées par l’urbanisation diffuse.

Quant aux déviations, chacune est une porte ouverte à l’étalement urbain, posant à terme des conflits de vocation et d’usage entre logique routière de transit et logique urbaine de cabotage.


Un problème d’inconfort pour les transports en commun qui les rendent insuffisamment attractifs comparés au confort de la voiture individuelle. Ici arrêt de bus route Hubert-Delisle.
Un problème d’inconfort pour les transports en commun qui les rendent insuffisamment attractifs comparés au confort de la voiture individuelle. Ici arrêt de bus route Hubert-Delisle.
La diffusion du bâti dans l’espace rend très difficile le développement efficace des transports en commun, dont l’exploitation est impossible à équilibrer financièrement faute de poids d’usagers suffisant sur les lignes. Il faudra du courage politique et de la capacité financière pour casser ce cercle vicieux au profit de transports en communs structurants, quels qu’ils soient. Les conflits autour du projet Tram Train en ont témoigné.

2.3.2. L’urbanisation linéaire d’habitat.
De la route ligne de vie à la ville-route : crise culturelle du paysage habité

Saint-André et le passage de la RN 2 dans le tissu construit de la ville
Saint-André et le passage de la RN 2 dans le tissu construit de la ville
Problème d’urbanisation allongée autour de la RN 2 à Bras-Panon
Problème d’urbanisation allongée autour de la RN 2 à Bras-Panon


L’urbanisation linéaire : exemple à Saint-Joseph.
L’urbanisation linéaire : exemple à Saint-Joseph.
En 1950, la RN2 au sud de Saint-Joseph vers la Pointe Langevin est occupée par quelques cases égrenées. En 1984, l’urbanisation est presque continue. En 2008, l’urbanisation est continue, privant l’usager de la route des ouvertures sur le grand paysage des pentes et du littoral, faisant disparaître le paysage rare de la canne descendant jusqu’à la mer. L’épaississement de l’urbanisation est en marche.

La forme linéaire traditionnelle de l’habitat, volontiers greffé sur la route jusqu’à constituer une « ligne de vie », a donné d’heureux résultats tant que la route restait peu passante et sillonnée par des gens ou des engins lents, peu bruyants et peu dangereux : piétons, charrettes à bœufs, premières voitures. Cette forme a perduré jusqu’à récemment dans les écarts ; on peut en prendre la mesure dans les voies traditionnelles encore peu empruntées, dans les îlets, … Ses qualités paysagères et sociales ont été mises au jour dans « Paysage Côte Est » (B. Folléa, CAUE 1990) à propos de la RN2 dans sa partie la moins circulée de Sainte-Rose/Saint-Philippe.

Pour ne pas que les traditionnelles routes « lignes de vie » deviennent des lignes de mort : des routes à réhabiliter au bénéfice des piétons.
Pour ne pas que les traditionnelles routes « lignes de vie » deviennent des lignes de mort : des routes à réhabiliter au bénéfice des piétons.
Saint-André, difficile passage piéton sous la RN 2 …
Saint-André, difficile passage piéton sous la RN 2 …


Durcissement du paysage lié à la route : minéralisation complète des espaces
Durcissement du paysage lié à la route : minéralisation complète des espaces
Problème de durcissement de l’espace de vie par la route « fonctionnalisée » : minéralisation complète des sols, absence de végétal, absence d’ombrage (lycée à Saint-Louis)
Problème de durcissement de l’espace de vie par la route « fonctionnalisée » : minéralisation complète des sols, absence de végétal, absence d’ombrage (lycée à Saint-Louis)


Des aménagements purement techniques qui dégradent le paysage quotidien du bord de route
Des aménagements purement techniques qui dégradent le paysage quotidien du bord de route
Des aménagements purement techniques qui dégradent le paysage quotidien du bord de route
Des aménagements purement techniques qui dégradent le paysage quotidien du bord de route

Le paradoxe du développement récent vient de ce que la route est devenue de moins en moins vivable (bruit, danger, pollution avec l’accroissement du trafic et des vitesses de circulation)  tout en étant de plus en plus construite, par la commodité des réseaux en place. Le phénomène d’urbanisation linéaire a atteint de telles proportions qu’il est possible aujourd’hui de parcourir des dizaines de kilomètres de route en restant pris dans un manchon construit, sans échappée visuelle pour respirer ou pour se repérer.  L’exemple de la route Hubert-Delisle dans les hauts de l’Ouest est à ce titre significatif et bien connu.

Les problèmes engendrés sont nombreux :
  • une perte de qualité de vie pour les habitants, riverains de voies routières, dangereuses, bruyantes et polluantes ;
  • une perte d'efficacité et de sécurité de la voie, balançant entre sa vocation de transit et sa vocation de desserte locale ;
  • un coût renforcé d'entretien des voiries et de services à la parcelle pour la collectivité, sur de longues étendues ;
  • une perte d'identité pour les bourgs, noyés dans un continuum bâti anonyme ;
  • un durcissement du paysage habité et circulé (voir ci-dessus) ;
  • une disparition des espaces de respiration et coupures d'urbanisation, qui ouvrent des vues sur le grand paysage, structurent l'urbanisme et jouent le rôle de corridors écologiques pour la circulation des espèces ;
  • une perte de centralité des bourgs (dévitalisation), étirés à l'excès et ne pouvant fédérer leur développement autour d'un lieu de vie constitué ;
  • une aggravation de la dépendance à la voiture pour les habitants riverains des routes, dépourvus de services de proximité accessibles à pied.

2.3.3. L’urbanisation linéaire d’activités.
De la route-paysage au boulevard commercial : la disparition des grands paysages

Débordement de Saint-Louis dans la plaine du Gol par les activités commerciales le long de la route d’entrée/sortie de ville
Débordement de Saint-Louis dans la plaine du Gol par les activités commerciales le long de la route d’entrée/sortie de ville
Exemple de route paysage : montée de Saint-Louis vers Les Makes par la RD 20
Exemple de route paysage : montée de Saint-Louis vers Les Makes par la RD 20


Route paysage ouverte sur l’échancrure spectaculaire de Cilaos, pentes basses du Tampon/Saint-Pierre
Route paysage ouverte sur l’échancrure spectaculaire de Cilaos, pentes basses du Tampon/Saint-Pierre
La route du littoral entre Saint-Denis et La Possession
La route du littoral entre Saint-Denis et La Possession


Ouverture vers Cilaos depuis la RN3 entre Le Tampon et Saint-Pierre
Ouverture vers Cilaos depuis la RN3 entre Le Tampon et Saint-Pierre
Route-paysage sur la côte sud, entre Grande Anse et Manapany
Route-paysage sur la côte sud, entre Grande Anse et Manapany


Développement commercial autour de la RN1 à Saint-Louis
Développement commercial autour de la RN1 à Saint-Louis
Piton Saint-Leu avant la Route des Tamarins, juin 2000
Piton Saint-Leu avant la Route des Tamarins, juin 2000


Problème d’entrée de ville (Saint-Joseph)
Problème d’entrée de ville (Saint-Joseph)
L’ouverture de Mafate depuis la RN 1, parasitée par l’urbanisation commerciale en bord de route
L’ouverture de Mafate depuis la RN 1, parasitée par l’urbanisation commerciale en bord de route


Problème de collage d’activité commerciale le long de la route RN 1, occultant les grandes perspectives paysagères sur les pentes des Makes et du Dimitile
Problème de collage d’activité commerciale le long de la route RN 1, occultant les grandes perspectives paysagères sur les pentes des Makes et du Dimitile
Linéaire de publicité, entrée nord de Saint-Leu (photo octobre 2006)
Linéaire de publicité, entrée nord de Saint-Leu (photo octobre 2006)


Problème de surenchère commerciale au bord de la RN 1 (Le Port/La Possession)
Problème de surenchère commerciale au bord de la RN 1 (Le Port/La Possession)
Problème surenchère commerciale au bord de la RN 2, côte nord-est
Problème surenchère commerciale au bord de la RN 2, côte nord-est


Curiosité géologique sur la route de l’Entre-Deux, dégradée par des parcelles privatives médiocrement clôturées
Curiosité géologique sur la route de l’Entre-Deux, dégradée par des parcelles privatives médiocrement clôturées
Les grandes infrastructures, RN1, RN2 notamment, jouent un rôle essentiel pour la perception des grands paysages des pentes de l'île. Or l'urbanisation d'activités a eu tendance, au cours des 15 dernières années, à se développer autour de ces infrastructures, en recherchant à la fois la commodité de desserte et l'effet de vitrine. C'est ainsi que les ouvertures visuelles vers les grandes échancrures de l'intérieur de l'île, majeures en termes de paysage, se dégradent ou disparaissent :
  • Mafate et la rivière des Galets vers Le Port/La Possession,
  • Piton Defaud et Savanna vers Saint-Paul,
  • Cilaos et la rivière Saint-Etienne vers Saint-Louis,
  • la rivière des Pluies vers Saint-Denis/Sainte-Marie,
  • Salazie et la rivière du Mât vers Saint-André/Bras Panon,
  • ...
Le même phénomène guette la Route des Tamarins, notamment autour des échangeurs, si des mesures fortes d’inconstructibilité et de reculs d'implantations ne sont pas prises.

Le Portail à Piton Saint Leu en 1994, avant la construction de l’échangeur de la route des Tamarins
Le Portail à Piton Saint Leu en 1994, avant la construction de l’échangeur de la route des Tamarins
La ZAC du Portail à Piton Saint Leu depuis la mise en service de la route des Tamarins en 2010
La ZAC du Portail à Piton Saint Leu depuis la mise en service de la route des Tamarins en 2010


2.4. L’appauvrissement des paysages de nature


2.4.1. L’envahissement des milieux par les espèces exotiques

Envahissement par la vigne marronne (le Tévelave)
Envahissement par la vigne marronne (le Tévelave)
Les masses d’acacias héritées des anciennes plantations de géranium, dans les hauts de l’ouest : un appauvrissement biologique et paysager.
Les masses d’acacias héritées des anciennes plantations de géranium, dans les hauts de l’ouest : un appauvrissement biologique et paysager.


Envahissement de la Pointe des Châteaux par les « kékés » (photo avril 2005)
Envahissement de la Pointe des Châteaux par les « kékés » (photo avril 2005)

Les espèces exotiques envahissantes, introduites au fil des trois derniers siècles (voir le chapitre « les paysages et les espaces naturels » dans la partie « les fondements des paysages » du présent atlas), posent aujourd'hui problème ; elles sont responsables de la diminution de la diversité floristique, de la disparition d'espèces et de milieux indigènes, de l'uniformisation des milieux et de la banalisation des paysages. Certaines couvrent même de grandes surfaces impénétrables, inaptes à tout usage de loisir (promenade, …) ; c'est le cas des fourrés épineux composés, selon les secteurs,  du Cassie blanc (Leucaena leucocephala), de l'Avocat marron (Litsea glutinosa), du choca vert (Furcraea foetida), du Zépinard (Dicranopteris cinerea).

De l'ouest à l'est, du nord au sud et des Hauts aux Bas, il n'y a pas d'espaces qui échappent aujourd'hui à cette dynamique en cours. Outre la savane et les fourrés secs de l'ouest, citons :

  • la liane papillon (Hyptage benghalensis) qui occupe de très larges surfaces notamment sur les remparts des grandes ravines du Nord Ouest (Ravine de la Chaloupe, Ravine à Malheur,…) ;
  • le Bois de chapelet (Bohemeria penduliflora) et le Filaos (Casuarina equisetifolia), qui, à l'est, dominent aujourd'hui la végétation pionnière de coulées de lave récentes ;
  • le Faux poivrier (Schinus terebinthifolius) qui occupe les ravines hygrophiles dans l'aire de la forêt chaude et humide descendant également dans l'aire de la forêt sèche ;
  • le Jamrosa (Sysygium jambos) et le Goyavier (Psidium cattleianum) qui constituent les fourrés secondaires les plus étendues, tant sur la côte est qu'ouest. Le jamrosa ne devient réellement dominant que dans les ravines très humides de la côte « au vent ». Le goyavier pénètre aussi dans l'étage mésotherme des forêts pluviales et également, mais discrètement, dans les ravines fraîches de l'étage semi-xérophile ;
  • le Fuchsia (Fuchsia magellanica), le longose (Hedychium gardnerianum) qui ont envahi d'importantes surfaces en sous-bois des forêts de montagne ;
  • le raisin marron ou vigne marronne (Rubus alceifolius), partout où des trouées sont opérées dans le couvert boisé des forêts humides ;
  • La liane chouchou (Sechium edule) très présente sur les remparts de la rivière du Mât en montant à Salazie ;
  • l'Ajonc d'Europe (Ulex europeaus) dans les étages de végétation les plus élevés, notamment sur le Maïdo ;
  • la Corbeille d'or ou Galabert (Lantana camara), le grain noël (Ardisia crenata), etc.

Cette dynamique de plantes exotiques apparaît à peu près impossible à stopper et de plus en plus sensible dans le paysage au fil des années, au fur et à mesure que les plantes gagnent du terrain. De coûteux efforts de réduction de leur présence portent sur des points précis, comme le rabattage manuel des ajoncs autour du point de vue du Maïdo. Quant à la lutte biologique, elle fait l'objet de virulents conflits, notamment depuis l'introduction de la « mouche bleue » pour lutter contre la vigne marronne, accusée d'occuper la niche écologique des abeilles. Et l'éradication d'une peste végétale dans un endroit donné laisse entier le problème du devenir et de la gestion de l'espace en question.


Littoral sauvage de Saint Leu, dans les années 1990
Littoral sauvage de Saint Leu, dans les années 1990
Littoral sauvage de Saint Leu, fermeture visuelle par les plantes envahissantes se développant sur les abords en 2010
Littoral sauvage de Saint Leu, fermeture visuelle par les plantes envahissantes se développant sur les abords en 2010


2.4.2. Le fractionnement des paysages en micro-sites résiduels

Réduction des coupures d’urbanisation littorales : exemple à Sainte-Marie / Sainte-Suzanne
Réduction des coupures d’urbanisation littorales : exemple à Sainte-Marie / Sainte-Suzanne

En 1950, la route du littoral de Sainte-Marie à Sainte-Suzanne s'ouvre en continu sur l'océan. En 1984 (à la veille de la Loi Littoral qui date de 1986), cette ouverture est encore offerte en continu.

En 2008, l'espace de respiration a été divisé par 2, suite à l'urbanisation des confins de Sainte-Marie et du quartier Ravine des Chèvres les Bas.


La « création » d’un paysage naturel urbain : exemple de l’étang de Saint-Paul.
La « création » d’un paysage naturel urbain : exemple de l’étang de Saint-Paul.

En 1950, l'étang de Saint-Paul prend place dans un vaste territoire « naturel » de littoral et de pentes non bâtis. En 1984, la ville de Saint-Paul a colonisé sa flèche sableuse, la coupure avec l'étang étant renforcée par le doublement de la Chaussée Royale par la RN 1. En 2008, l'étang et son coteau sont désormais pris dans l'urbanisation : celle du littoral de Saint-Paul à l'ouest, celle des pentes au sud et à l'est, celle de la zone d'activités de Savannah au nord. La Réserve naturelle de l'étang, créée en janvier 2008, est désormais urbaine par son positionnement.


Le fractionnement des espaces : exemple à Saint-Louis / étang du Gol
Le fractionnement des espaces : exemple à Saint-Louis / étang du Gol

En 1984, l'étang du Gol est à la fois en communication avec le littoral et avec la plaine agricole du Gol. En 2008, la création de la nouvelle RN 1 a généré des espaces résiduels partis en friches autour de l'étang. La ravine du Gol passe dans les friches et est en partie bordée par l'urbanisation de Bel Air.


Développement de l’urbanisation à Rivière des Galets
Développement de l’urbanisation à Rivière des Galets

Le bord de la rivière des Galets est à peu près inhabité en 1950. En 1984, des quartiers bidonvilles se sont créés en marge de la plaine au bord de la rivière, qui donne son nom au quartier. L'urbanisation commence à s'étendre sur les pentes et dans la plaine. En 2008, l'urbanisation a gagné tous les bords de la rivière, réduisant l'ouverture naturelle vers Mafate depuis le littoral au seul lit de la rivière. Ailleurs les opérations se juxtaposent dans la plaine (commune du Port) comme sur les pentes (commune de La Possession).


Le chapitre « Aperçu général, les grands ensembles de paysages de La Réunion », dans la partie « Connaître et comprendre » du présent Atlas, a rappelé à quel point l'échelle des paysages Réunionnais est trompeuse. Les fractures verticales étant spectaculaires, avec des remparts dépassant 1000 m de hauteur, on parle de grands paysages et même de paysages grandioses. Mais, hormis ces profondeurs verticales, les étendues horizontales apparaissent infiniment plus modestes. Beaucoup de ces paysages paraissent grands alors qu'il restent objectivement petits : on peut rappeler comme exemple la Plaine des Sables, la Plaine des Remparts, la savane du Cap La Houssaye et celle de Pointe au Sel, la plaine des Cafres, la plupart des paysages littoraux …


Des paysages qui semblent grands… mais qui ne le sont pas. De gauche à droite : la pointe au sel, la plaine des sables, le souffleur (Saint-Leu), la plaine des Cafres.
Des paysages qui semblent grands… mais qui ne le sont pas. De gauche à droite : la pointe au sel, la plaine des sables, le souffleur (Saint-Leu), la plaine des Cafres.

Cette dimension réduite des paysages de l'île les fragilise doublement :

  • elle les rend sensibles à toute « intrusion » d'aménagement, équipement, construction, de quelque nature qu'il soit, qui « casse » l'échelle et leur fait perdre leur fausse grandeur ;
  • elle les rend sensibles à la présence du public qui, en se concentrant sur un espace modeste, provoque les problèmes de surfréquentation évoqués ci-dessus.

La fragilité intrinsèque de ces petits « grands paysages » est aggravée par les dispositions d'aménagement, qui les fragmentent et les réduisent. Aujourd'hui, beaucoup de paysages ne peuvent s'afficher et se vendre que comme des photographies étroitement cadrées :

  • cadre serré sur le cocotier ou le filao alangui au bord du lagon de l'Ermitage-les-Bains, pour échapper aux équipements touristiques ;
  • cadre serré sur la côte sauvage des souffleurs de Piton Saint-Leu battue par les flots, pour échapper à la route nationale rasant ce même trait de côte ;
  • cadre serré sur la « forêt » de vacoas en bord de mer de Vincendo, réduite dans la réalité à un maigre bosquet ;
  • cadre serré sur le champ de canne vert tombant dans la mer bleue à Sainte-Marie, pour oublier l'urbanisation qui le grignote de part et d'autre ;
  • cadre serré sur les étendues d'eau sereines de l'étang du Gol, pour échapper à son contexte routier et périurbain ;
  • cadre serré sur l'échancrure profonde et sauvage de Bernica, en tournant le dos à la Route des Tamarins ;
  • cadre serré et plongeant sur Grand Bassin, en ignorant les étendues de parkings qui bordent le point de vue ;
  • cadre serré sur la gracieuse case et son jardin charmant, pour ôter du regard les cubes de béton sans âme qui la dominent de part et d'autre ;
  • cadre serré sur l'alignement de palmiers de Savanna, pour ignorer la zone d'activités attenante ;
  • etc : les exemples sont innombrables.

Ainsi aujourd'hui, beaucoup de ces fragiles paysages sont réduits à des décors exigus, à des clichés, à voir et à prendre d'un point précis, mais impossibles à vivre et non créateurs d'ambiances authentiques.

Les paysages de La Réunion ont besoin d'une politique qui aille bien au-delà des « sites », capable de remettre en scène et de réhabiliter non seulement le site mais ses relations et ses transitions avec le contexte dans lequel il prend place.


2.4.3. L’urbanisation des rebords de ravines

Problème d’urbanisation des champs en rebord de ravine : dégradation du paysage, aggravation des risques liés aux glissements et à la pollution (pentes de Saint-Paul/Bellemène)
Problème d’urbanisation des champs en rebord de ravine : dégradation du paysage, aggravation des risques liés aux glissements et à la pollution (pentes de Saint-Paul/Bellemène)
Problème d’urbanisation trop proche du rebord de la ravine.
Problème d’urbanisation trop proche du rebord de la ravine.


Urbanisation en bord de ravine, générant des risques de glissement et de pollution, ainsi que des problèmes de paysage.
Urbanisation en bord de ravine, générant des risques de glissement et de pollution, ainsi que des problèmes de paysage.
Problème d’urbanisation trop proche du rebord de ravine (Saint-Paul)
Problème d’urbanisation trop proche du rebord de ravine (Saint-Paul)


Problème de déversement d’ordures en ravine (ravine de Trois-Bassins)
Problème de déversement d’ordures en ravine (ravine de Trois-Bassins)
L’absence de recul de l’urbanisation par rapport à la ravine aggrave les risques d’inondation et empêche l’appropriation publique des bords de ravine (Etang-Salé)
L’absence de recul de l’urbanisation par rapport à la ravine aggrave les risques d’inondation et empêche l’appropriation publique des bords de ravine (Etang-Salé)


Problème d’urbanisation excessivement collée à la ravine, qui aggrave les risques d’inondation et empêche l’appropriation publique des bords de ravine (Etang-Salé)
Problème d’urbanisation excessivement collée à la ravine, qui aggrave les risques d’inondation et empêche l’appropriation publique des bords de ravine (Etang-Salé)
Problème de manque de place réservée en bord de ravine, conduisant à des murs de protection peu avenants et sans possibilité de cheminement doux (Boucan Canot)
Problème de manque de place réservée en bord de ravine, conduisant à des murs de protection peu avenants et sans possibilité de cheminement doux (Boucan Canot)


Problème de parking en remblai dans la ravine, sans espace public de transition en bord de ravine (Boucan Canot, photo octobre 2006)
Problème de parking en remblai dans la ravine, sans espace public de transition en bord de ravine (Boucan Canot, photo octobre 2006)

Sur les pentes extérieures de La Réunion, les ravines, profondes et difficiles d'accès, sont souvent les seuls espaces de refuge de la faune et de la flore indigènes ou endémiques de l'île. Elles sont généralement identifiées et préservées à ce titre. La pression de l'urbanisation conduit malheureusement à urbaniser les rebords de ces ravines jusqu'au ras des remparts. Ce processus pose plusieurs problèmes écologiques et paysagers :

  • il aggrave le problème de dérangement des espèces et de pollution des ravines (bennage des ordures domestiques, ruissellement des eaux des surfaces imperméabilisées, chargées de polluants) ;
  • par endroits il aggrave les risques liés aux glissements et aux inondations ;
  • il privatise définitivement des espaces attractifs pour la population, offrant des vues et constituant des sites de pique-nique, promenade ou loisirs appréciés ;
  • il rend impossibles les liaisons douces continues amont-aval au fil des ravines ;
  • il contribue à dégrader les paysages et les milieux liés aux ravines par les murs de soutènement des maisons en béton ou parpaing brut au ras des rebords de ravines, très visibles depuis la rive opposée.

2.4.4. La fragilité du tourisme

Parking sans qualité pour la plage de Grand Fond. Cas de site d’accueil touristique à requalifier.
Parking sans qualité pour la plage de Grand Fond. Cas de site d’accueil touristique à requalifier.
Problème d’accueil du public à Bourg-Murat (route du Volcan)
Problème d’accueil du public à Bourg-Murat (route du Volcan)


Réseaux aériens problématiques au Tévelave (Village Créole)
Réseaux aériens problématiques au Tévelave (Village Créole)
Réseaux aériens problématiques au Tévelave (Village Créole)
Réseaux aériens problématiques au Tévelave (Village Créole)


Insuffisante attractivité des centres-bourgs (ici Le Plate)
Insuffisante attractivité des centres-bourgs (ici Le Plate)
Manque de confort pour le fonctionnement doux et piéton. Ici à Boucan Canot (photo octobre 2006)
Manque de confort pour le fonctionnement doux et piéton. Ici à Boucan Canot (photo octobre 2006)

L'activité touristique, première source de richesse de l'île, reste fragile. Elle est notamment largement dépendante du coût du transport aérien, même si le tourisme intérieur produit plus de la moitié de la richesse. Mais elle est aussi dépendante de la qualité paysagère de l'île : comment attirer un tourisme haut de gamme et rémunérateur dans une situation mondiale très concurrentielle (nombreuses îles tropicales à coût de main d'œuvre peu élevé), sur une destination lointaine et isolée, si la qualité n'est pas au rendez-vous ?

Les évolutions récentes peuvent apparaître comme des signaux avertisseurs : raccourcissement des séjours, diminution des dépenses, augmentation de la dépendance à la métropole (les touristes métropolitains représentent plus de 8 clients sur 10), augmentation du tourisme affinitaire moins rémunérateur (plus de la moitié des touristes viennent à La Réunion voir leurs amis ou leur famille), baisse du nombre de touristes étrangers (-10 % entre 2008 et 2009) et du nombre de touristes d'affaires  (-18%).

Certes les appellations prestigieuses sont des sources d'attractivité touristique très importantes : le Parc National, l'inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO, vont à l'évidence jouer en faveur de l'attractivité de l'île dans les années à venir.

Mais au-delà des appellations, qui concernent uniquement les Hauts, l'activité touristique est confrontée à de nouveaux défis : comment développer le tourisme sans détruire le fond de commerce, à savoir paysages et culture locale ?

Comment préserver ou développer l'attractivité des bas (littoral et pentes agricoles - où l'on séjourne -) complémentaires au sanctuaire que forment les Hauts (- où l'on se promène et pratique des activités sportives ou de loisirs -), dans un contexte de développement urbain puissant et mal maîtrisé ? Comment mieux répartir les fréquentations dans l'espace et dans le temps pour limiter les problèmes grandissants de surfréquentation et de fragilisation de sites ?

Dans tous les cas, il est urgent de mettre en adéquation la réalité du paysage avec celles des autres appellations, moins mondiales ou nationales, et plus locales : « villages créoles », par exemple, qui s'applique par endroits à des bourgs dont l'attractivité paysagère reste faible ; le même enjeu concerne plus globalement les centres-bourgs ainsi que, ponctuellement, de nombreuses adresses de location de gîtes, de chambres et tables d'hôte, etc.


2.5. La fragilisation des paysages littoraux


2.5.1. L’excessive attractivité des sites littoraux

Jour d’affluence sur la plage de l’Hermitage-les-Bains
Jour d’affluence sur la plage de l’Hermitage-les-Bains
Le lagon à La Saline-les-Bains, sillonné par les kitesurfeurs
Le lagon à La Saline-les-Bains, sillonné par les kitesurfeurs

Il a fallu l'invention du tourisme balnéaire pour que les paysages littoraux prennent toute leur attractivité. Né au XIXe siècle, il s'agit au départ d'un tourisme réservé à quelques favorisés qui viennent en villégiature à Saint-Gilles, jusqu'alors modeste village de pêcheurs sur la grande concession Desbassyns, et coupé de Saint-Paul par les falaises littorales du Cap Champagne et du Cap La Houssaye. C'est la route qui change la physionomie de Saint-Gilles, commencée par l'ingénieur Bonnin en 1863, à la fois depuis Saint-Paul et depuis Saint-Leu. Elle est suivie par le train, dont un premier tronçon est inauguré en 1882.

Aujourd'hui, le tourisme et les loisirs liés à la mer ont élargi leur spectre d'intérêt : baignade, mais aussi marche et vélo sur la côte, plongée et snorkeling, pêche à la ligne et pêche au gros, bateaux à fond de verre, surf, planche à voile et kite surf, sans oublier le rituel pique-nique. Le littoral attire non seulement les touristes mais l'ensemble de la population de l'île. Cet attrait se concentre principalement sur les plages baignables, rares dans l'île. L'attractivité est devenue telle que la côte, notamment la côte ouest balnéaire, est victime de surfréquentation. Cela se traduit par des problèmes multiples de circulation et de stationnement des véhicules, de dégradation et de banalisation des espaces d'accueil, d'érosion des plages, de dégradation des fonds marins et lagonaires, de pollution. Le Conservatoire du Littoral et la Loi Littoral sont des outils mis en place à peu près à temps pour éviter une urbanisation massive des côtes.

Le Conservatoire est propriétaire d'une dizaine de sites qui couvrent environ 800 ha : Chaudron, Grande Chaloupe, Rocher des Colimaçons, Pointe au Sel, Etang du Gol, Terre Rouge, Grande Anse, Anse des Cascades et Bois-Blanc. Quant à la Loi Littoral, elle a efficacement freiné le développement urbain littoral des vingt dernières années, qui s'est reporté plus à l'intérieur des terres sur les pentes.


La côte des Souffleurs, sauvage mais parasitée par l’excessive proximité au rivage de la RN1
La côte des Souffleurs, sauvage mais parasitée par l’excessive proximité au rivage de la RN1
Problème de mitage du littoral de Trois-Bassins (photo février 2005)
Problème de mitage du littoral de Trois-Bassins (photo février 2005)

Néanmoins les paysages littoraux s'abstraient difficilement de la présence du bâti, les pentes des planèzes étant propices à de vastes covisibilités.

Aussi les espaces littoraux proprement sauvages sont-ils rares et précieux sur une côte très densément habitée. Parmi les plages coralliennes, les plus fréquentées, seule celle de Grande Anse échappe à l'omniprésence du bâti ; le long du lagon de l'Ermitage-les-Bains, les filaos peuvent faire illusion et constituent de précieux espaces tampons entre le rivage et l'urbanisation balnéaire ; la plage noire de l'Etang-Salé-les-Bains, de belle ampleur, bénéficie de vrais espaces sauvages grâce à la forêt à laquelle elle s'adosse ; parmi les côtes rocheuses, seule celle de l'est échappe à la présence continue du bâti dans le paysage ; au nord-est, les champs de canne parviennent encore à descendre jusqu'au rivage, constituant des coupures d'urbanisation indispensables ; enfin la savane du Cap La Houssaye, bien que coupée par la Route des Tamarins et mangée partiellement par des projets d'aménagement, offre de vastes espaces de respiration sur un littoral en partie déchargé du trafic de transit lié à la RN1.

Cas d’un bord de mer à revaloriser en réduisant la place de la voiture : le littoral du Cap La Houssaye
Cas d’un bord de mer à revaloriser en réduisant la place de la voiture : le littoral du Cap La Houssaye
Cas d’un bord de mer à revaloriser en réduisant la place de la voiture : le littoral de Piton Saint-Leu (côte des « souffleurs »), où la RN1 est trop proche du trait de côte (photo octobre 2006).
Cas d’un bord de mer à revaloriser en réduisant la place de la voiture : le littoral de Piton Saint-Leu (côte des « souffleurs »), où la RN1 est trop proche du trait de côte (photo octobre 2006).


Cas de site à réaménager dans des dispositions moins routières et plus urbaines : la RN 1 à Boucan Canot (photo octobre 2006)
Cas de site à réaménager dans des dispositions moins routières et plus urbaines : la RN 1 à Boucan Canot (photo octobre 2006)
Accès confidentiel et peu valorisé au littoral de Souris Chaude
Accès confidentiel et peu valorisé au littoral de Souris Chaude


Problème d’accès à la plage rare, confidentiel et peu valorisé (littoral de Trois-Bassins)
Problème d’accès à la plage rare, confidentiel et peu valorisé (littoral de Trois-Bassins)
Problème d’accès à la mer peu avenant (La Possession)
Problème d’accès à la mer peu avenant (La Possession)

Outre l'urbanisation, les paysages littoraux souffrent en certains points de privatisation, et presque partout de l'intense circulation des véhicules concentrés sur les routes littorales historiques que sont les RN 1 et RN2. Sur l'Ouest, les élus sauront-ils profiter de la Route des Tamarins pour rendre la côte aux circulations douces, piétonnes et cyclables ? Des propositions ont été faites en ce sens dans le cadre de la charte paysagère du tco (2008).


2.5.2. L’érosion des plages coralliennes, l’érosion des terres et la pollution des étangs et lagons : dilapidation d’un capital vital en termes social et culturel, environnemental et économique


Le phénomène d’érosion des plages, dessins de  Roland Troadec
Le phénomène d’érosion des plages, dessins de Roland Troadec
Filao déchaussé, témoignant de l’érosion (plage de l’Ermitage-les-Bains)
Filao déchaussé, témoignant de l’érosion (plage de l’Ermitage-les-Bains)

L'érosion des plages coralliennes

Les récifs coralliens, localisés à l'ouest de l'île, couvrent au total à peine 8 % du périmètre de l'île : 25 km répartis du Cap La Houssaye à Souris Chaude, à Saint-Leu, à Saint-Pierre, à Grande Anse et à Grand Bois. La destruction naturelle de ces paléo-récifs coralliens donne les plages de sable blanc. Ce sont de petits espaces naturels fragiles qui, en concentrant aujourd'hui l'essentiel des pratiques touristiques et de loisirs du littoral, subissent une forte pression anthropique. Cette pression se traduit par une érosion de la plage, liée à plusieurs phénomènes : surfréquentation, construction de murs de protection au bord des plages, urbanisation balnéaire, pollution chimique du lagon, vieillissement des plantations de fixation des sables…

  • Le problème de surfréquentation est récent. Il est dû à l'augmentation du tourisme, mais aussi à l'évolution culturelle des Réunionnais, désormais attirés par le bord de mer et beaucoup plus nombreux à fréquenter le littoral qu'il y a une trentaine d'années. La fréquentation excessive de la plage fragilise le tapis végétal servant de couverture quand il est en place et provoque également le déplacement du sable repris plus facilement par le vent. Elle empêche donc la stabilisation de la plage.
  • L'extraction du sable aujourd'hui interdite a évidemment une action directe sur le dégraissement des plages. Cette action, courante dans le passé, a quasiment disparu aujourd'hui. Plus récemment, le nettoyage mécanique des plages a consisté à retirer les blocs de coraux des plages pour ne laisser que le sable fin, aggravant l'érosion. 

Problème de murs en haut de plage : dégradation du paysage balnéaire et aggravation de l’érosion
Problème de murs en haut de plage : dégradation du paysage balnéaire et aggravation de l’érosion
Destruction par érosion littorale (l’Ermitage-les-Bains photo janvier 2007)
Destruction par érosion littorale (l’Ermitage-les-Bains photo janvier 2007)

  • Les murets construits en haut de plage, par leur pouvoir de réflexion, renforcent la turbulence des vagues. Le ressac transfert ainsi le sable démobilisé vers le large. Par ailleurs ces murets perturbent et empêchent les échanges de sables réguliers entre le haut de plage et le bas de plage : après une forte houle agressive, le haut de plage ne peut plus jouer son rôle de réserve pour réalimenter le bas de plage dégraissé.

L’aspect excessivement minéral du littoral de Saint-Denis
L’aspect excessivement minéral du littoral de Saint-Denis
L’urbanisation du trait de côte à Saint-Leu
L’urbanisation du trait de côte à Saint-Leu

  • L’urbanisation côtière de La Réunion a été partiellement réalisée directement sur les plages. La loi stipulant que « la plage relève du domaine public sur 80,20m de largeur » (les fameux 50 Pas géométriques) n’a que rarement été respectée. Cet empiètement de l’urbanisation sur le domaine côtier constitue un piège pour les stocks sableux qui n’entrent plus dans les échanges sédimentaires indispensables au maintien des estrans.

Erosion du trait de côte sur le littoral de galets de Saint-Louis
Erosion du trait de côte sur le littoral de galets de Saint-Louis
  • La mise en place d’ouvrages portuaires et d’équipements littoraux  peut interrompre gravement la dérive littorale. Le transit des sédiments et l’hydrodynamique sont modifiés de manière significative.
  • La pollution d’origine chimique du lagon, la surexploitation des richesses du récif et son piétinement excessif dégradent rapidement le récif corallien qui n’est plus en mesure de tenir son rôle nourricier en sédiments pour les plages.

Appréciées pour l’ombrage qu’elles offrent, les plantations de filaos, réalisées au XIXe siècle, sont aujourd’hui vieillissantes
Appréciées pour l’ombrage qu’elles offrent, les plantations de filaos, réalisées au XIXe siècle, sont aujourd’hui vieillissantes
  • Les plantations de fixation des sables, notamment des filaos au XIXe siècle, à l'Ermitage-les-Bains, la Saline-les-Bains, Saint-Leu, l'Etang-Salé-les-Bains, sont aujourd'hui vieillissantes. Les arbres aujourd'hui hauts perchés sur leur faisceau de racines à nu témoignent de façon spectaculaire de l'érosion des plages. Des dispositions plus adaptées de replantations anti-érosives voient le jour, faisant appel aux essences endémiques ou indigènes, réparties progressivement depuis les herbacées ou rampantes jusqu'aux ligneux

L'érosion des terres et la pollution des étangs et lagons

Les terres arables de La Réunion (terres labourables en culture ou en jachère), qui occupent 35 000 hectares, sont soumises au risque d'érosion. Sur ces 35 000 ha, 26 000 sont occupés par la canne à sucre, considérée comme une culture heureusement peu érosive. L'érosion affecte les terres agricoles elles-mêmes, mais aussi les milieux naturels à l'aval.
Par ailleurs l'imperméabilisation grandissante des pentes par l'urbanisation et les infrastructures, couplée à la faiblesse des dispositifs de retenue et de traitement des eaux, aggravent l'érosion et la pollution.
Entre 1989 et 2003, la part de la surface urbanisée a été multipliée par 2 dans les bas, par 3 dans les mi-pentes et par 5,5 dans les hauts Par une imperméabilisation importante des sols, cette urbanisation a elle-même contribué à augmenter l'aléa inondation (source SDAGE –Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux- 2009).

  • Les pollutions d'origine agricole ne sont pas aussi importantes que sur certains bassins métropolitains mais leur augmentation est constante depuis quelques années.
  • Les eaux pluviales, par ruissellement sur les zones imperméabilisées urbaines, industrielles, portuaires, routières ou sur des décharges sauvages, se chargent en polluants, notamment en matières en suspension. Cette pollution n'a jamais été précisément caractérisée dans le contexte réunionnais où elle est considérée comme un facteur direct de dégradation des milieux sensibles comme les zones récifales.
  • Les stations d'épuration, même récentes, sont déjà saturées ou obsolètes vis-à-vis des traitements nécessaires. Cette situation a conduit à une dégradation de la qualité de l'ensemble des milieux aquatiques qui devrait s'aggraver avec l'accroissement important de la population urbaine.
  • De surcroît, les rejets industriels, rarement pré-traités avant rejet, contribuent à la saturation des stations d'épuration et à la pollution des milieux.
  • L’assainissement non collectif majoritaire actuellement (60%) est rarement conforme aux normes réglementaires. De par la structure en habitat diffus, l’assainissement non collectif restera, à terme, à un niveau important : 40% de la population de l’île. Sa contribution aux pollutions diffuses est jugée importante. (source : SDAGE 2009).
Sont particulièrement menacés les rares zones humides (notamment étangs de Saint-Paul et du Gol) et le fragile milieu récifal – les « lagons » : pollution par les nitrates, les phosphates et les pesticides, eutrophisation des étangs, baisse de salinité des lagons et baisse de la luminosité par les matières en suspension (MES) qui déséquilibrent l’écosystème récifal aux dépens des coraux. Entre 1978 et 1994, une diminution de la richesse corallienne de 25% a été constatée ainsi qu’une régression de 73% du taux de recouvrement en corail vivant.

Le scénario tendanciel décrit par le SAGE Ouest (2006) est :
  • Une poursuite de l'érosion littorale avec réduction des plages et arrière plages et surcoûts de travaux de confortement
  • Une augmentation des populations algales
  • Une régression de la population piscicole
  • Et au final un récif de moins en moins attractif pour la baignade, la plongée et les activités de découverte du milieu marin.
Des mesures récentes ont heureusement été prises, qui bonifient le paysage littoral :
  • Création de la Réserve naturelle marine en 2007, qui s'étend sur 40 km de côtes du Cap La Houssaye à Saint-Paul, à la Roche aux oiseaux à l'Etang Salé. La réserve a une surface de 35 km2 et s'articule autour de trois types de zones : périmètre général, protection renforcée (45%) et protection intégrale (5%) ;
  • Création de la Réserve naturelle nationale de l'étang de Saint-Paul en 2008 (400 ha)
  • Acquisition du Gol par le Conservatoire du Littoral en 1987 (30 ha)
  • Etang de Bois Rouge (38 ha de zone humide sur 54 ha de site, propriété privée, réserve naturelle volontaire, espace littoral remarquable à préserver au titre du SAR)
  • Mise en œuvre du SDAGE (2001 révisé 2009) et des SAGE -Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux- (les trois quarts de La Réunion sont couverts par des procédures de SAGE), outils de planification créés par la loi sur l'eau de 1992 pour contribuer à l'objectif de gestion équilibrée de la ressource en eau. Les objectifs sont renforcés par la loi de transposition de la directive cadre européenne sur l'eau (loi n°2004-338) : aboutir à un bon état de l'ensemble des masses d'eau (eaux douce de surface, eaux côtières et eaux souterraines) au plus tard le 22 décembre 2015
  • Aménagements de hauts de plage dans des dispositions non érosives (plage de Saint-Pierre en particulier).

2.5.3. La dépréciation des paysages secs de l’ouest

La savane de Pointe au Sel, juin 2000
La savane de Pointe au Sel, juin 2000
La savane arborée vers Stella Matutina, juin 2000
La savane arborée vers Stella Matutina, juin 2000


Les pentes sèches de La Saline-les-Bains, juin 2000
Les pentes sèches de La Saline-les-Bains, juin 2000
Les pentes sèches de la Saline les Bains en 2010
Les pentes sèches de la Saline les Bains en 2010


La savane vers Stella/Pointe au Sel, juin 2000
La savane vers Stella/Pointe au Sel, juin 2000

La savane de Stella / Pointe au Sel, juin 2000
La savane de Stella / Pointe au Sel, juin 2000
La savane de Stella / Pointe au Sel, juin 2000
La savane de Stella / Pointe au Sel, juin 2000


La savane de Stella en 2010, avec le passage de la route des Tamarins.
La savane de Stella en 2010, avec le passage de la route des Tamarins.

Les paysages agricoles de canne, de vergers ou de maraîchage ne sont pas les seuls à pâtir du développement mal maîtrisé de l'île. Sur le littoral ouest, les paysages secs de savane tendent à disparaître, sous le triple phénomène de l'urbanisation, de l'irrigation et de l'abandon du pâturage. Si la forêt sèche à lataniers et à benjoin a disparu depuis longtemps, les étendues de savane, entretenues par le parcours des cabris ou des bœufs Moka et par le feu, sont en train de disparaître. Elles ont d'ores et déjà laissé place à de vastes étendues de fourrés épineux peu attractifs sur le littoral (entre la Grande Ravine et Saint-Leu). Depuis les dernières décennies, l'urbanisation grignote le reste des étendues de savane, qui, ainsi fragmentées, se transforment en friches résiduelles peu avenantes et guère capables « d'absorber » le bâti nouveau. Le pâturage, contraint par les ruptures de continuités (qu'aggrave la route des Tamarins localement), abandonne les espaces trop difficiles à gérer. L'irrigation en cours conduit à substituer de façon spectaculaire de vertes étendues de canne aux fauves ondulations de savane. Celle-ci devrait se maintenir partiellement sur le Cap La Houssaye, où la route des Tamarins a été dessinée et plantée dans cette perspective, aménagée en « route de savane » : chaussées décalées et séparées pour ouvrir les vues, terrassements morphologiques reprenant les modelés naturels de la savane, création d'ouvrages d'art supplémentaires pour favoriser la perméabilité de la route et le passage des troupeaux, choix de palette végétale adaptée au contexte. Un morceau de savane est également protégé sur la Pointe au Sel.

La quasi-disparition de la savane est une perte pour l'île dans son ensemble. La savane contribue en effet à la diversité et aux contrastes des paysages, valeur première de La Réunion. Elle a été identifiée comme précieuse dès 1992 (Etude des espaces naturels et culturels remarquables du littoral de La Réunion, DDE/Folléa-Gautier) et le Cap La Houssaye protégé de ce fait dans le SAR 1994. Au-delà, elle mérite aujourd'hui une réhabilitation et un réaménagement en « parcs de savane », en faisant une place à la recréation de forêt sèche et savane arborée, d'autant que la population s'y avère sensible, fréquentant de plus en plus densément la savane du Cap La Houssaye depuis l'ouverture du chantier de la Route des Tamarins au milieu des années 2000.


La savane du Cap La Houssaye vue depuis la route des Tamarins
La savane du Cap La Houssaye vue depuis la route des Tamarins

2.6. La dévalorisation des paysages de l’eau douce


2.6.1. Une gestion excessivement technique de l’eau

Détentrice de records mondiaux en matière de pluviométrie, l’île de La Réunion bénéficie annuellement d’un volume de pluie suffisant, à première vue, pour couvrir les besoins de la population, de l’agriculture et de l’industrie.  Les ressources annuelles sont estimées entre 3 et 5 milliards de m3, et les besoins actuels à 200 millions de m3. Mais la gestion de l’eau s’avère délicate du fait d’une répartition très irrégulière entre Est et Ouest (pluviométrie moyenne : est : 4 900 mm ; ouest : 1 300 mm), entre les Hauts et les Bas (une eau de surface intermittente dans les Hauts et des nappes littorales pérennes dans les Bas) et dans le temps (alternance entre saison sèche et saison des pluies).

A ces handicaps naturels, s’ajoute l’évolution prévisible et à court terme des besoins en eau pour répondre à l’accroissement de la population, entraînant le risque de surexploitation et de pollution des nappes et des rivières. Et un fort enjeu éducatif pour être moins dispendieux : aujourd’hui, La Réunion consomme 300 litres d’eau par jour et par habitant, contre 190 litres en moyenne nationale.

La prise de conscience des enjeux liés à l’eau, tant au niveau économique que social, a trouvé expression dans la mise en place d’une politique de Gestion Globale de l'Eau. Initiée par le Département, en partenariat avec l’Etat et les collectivités locales, la gestion globale de l’eau définit un ensemble d’actions complémentaires destinées à sécuriser l’avenir de l’eau à La Réunion… pour le bien être de tous les Réunionnais. Elle se traduit par :

  • l'élaboration d'un cadre juridique et administratif approprié : le SDAGE (Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux),
  • la recherche de nouvelles ressources,
  • des investissements techniques en faveur d'une meilleure gestion qualitative et quantitative de l'eau (lutte contre le gaspillage, amélioration des équipements…),
  • le suivi des ressources (Observatoire Réunionnais de l'Eau),
  • la sensibilisation de tous les publics…

Cette prise en compte de l'eau dans sa gestion globale, en termes de risque, de ressource et d'assainissement, devrait être un puissant facteur de préservation et de structuration des paysages, notamment en maintenant des espaces inconstructibles et en intégrant des dispositions paysagères aux aménagements techniques entrepris. Pourtant, beaucoup reste à faire dans ce domaine.

En termes de risques, les inondations à La Réunion sont aléatoires et particulièrement dévastatrices. Toutes les communes sont concernées par ces phénomènes de crues torrentielles liées fréquemment aux perturbations cycloniques, mais dues aussi à des mouvements de terrains de grande ampleur (Salazie) ou localisés (érosion, glissements). Or l'urbanisation des zones inondables et plus généralement des zones à risques est un phénomène constant, que ce soit dans le cadre d'une urbanisation légale, qui n'intègre pas le risque (de nombreux POS ou PLU ne répertorient pas toutes les ravines), ou sous la forme d'une urbanisation spontanée. Le problème est d'autant plus choquant que les constructions sans permis liées à la pression démographique et aux faibles revenus d'une partie de la population se révèlent nombreuses et souvent réalisées dans les zones à risques.

Dans ce contexte, et conformément à la circulaire du 19 juillet 1994, un programme pluriannuel d'études, de cartographie réglementaire et de couverture de l'île par des plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPR) relatifs aux risques d'inondations et/ou de mouvements de terrain, a été élaboré pour La Réunion. Ces études et procédures sont pilotées par la DDE et doivent aboutir à des arrêtés préfectoraux d'approbation des PPR.

En termes de travaux liés aux risques, les endiguements de ravines ont certes protégé des zones urbaines (ou à vocation urbaine), mais beaucoup ont totalement négligé l'énorme enjeu de paysage que représentent les ravines en milieu urbain. Cela s'est traduit selon les cas par la création de caniveaux bétonnés géants ou par des enrochements liés, sans attraits : des zones de relégation.
Aujourd’hui, à l’initiative de la DDE, la totalité du territoire est couverte par des schémas techniques de protection contre les crues (STPC) qui dimensionnent et évaluent les coûts des dispositifs de protection des zones urbaines.
Chaque année, en fonction des demandes des communes (maîtres d'ouvrages), un programme d'endiguement est retenu, qui bénéficie de subventions dans le cadre du contrat de plan et du plan de développement régional. La DDE est gestionnaire de ce programme baptisé PPER (Programme Pluriannuel d'Endiguement des Ravines).

En matière de ressource, la population réunionnaise est alimentée par plus de 194 captages dont au moins la moitié sont jugés vulnérables aux risques de pollutions. Or, il n'existe à l'heure actuelle que 47 périmètres de protection réglementairement instaurés (chiffres 2006 ; il y en avait seulement 8 en 1998, et les procédures sont en cours pour la plupart des communes). La rétention d'eau pluviale à la parcelle, encore peu mise en pratique dans les projets d'urbanisme, de paysage et d'architecture, pourrait être un puissant facteur d'amélioration de la situation, et de responsabilisation des habitants.


Le Palais Longchamp à Marseille, construit pour fêter l’arrivée des eaux canalisées de la Durance dans la ville, au XIXe siècle
Le Palais Longchamp à Marseille, construit pour fêter l’arrivée des eaux canalisées de la Durance dans la ville, au XIXe siècle
En termes de travaux liés à la ressource, des efforts sont faits ponctuellement pour « intégrer » dans le paysage certains éléments techniques, par exemple la canalisation de transfert des eaux dans sa traversée du site classé de Bernica (Saint-Paul). Mais cette intégration se confond souvent avec le masquage. Les bassins de stockage du projet ILO, par exemple, sont restés des équipements purement techniques, talutés, bâchés et grillagés, alors qu’ils devraient célébrer avec faste l’arrivée bienfaitrice de l’eau en provenance de l’Est. On est loin des palais édifiés pour fêter l’arrivée de l’eau d’irrigation, comme le Palais Longchamp à Marseille par exemple, ou comme l’Esplanade du Peyrou à Montpellier. On est là face à un problème culturel majeur, aujourd’hui négligé par la puissance fonctionnaliste de l’aménagement.

En matière d'assainissement, les deux tiers des logements de la population Réunionnaise ne sont pas équipés de tout-à-l'égout ; et parmi eux, la moitié seulement dispose d'une fosse septique. Le manque de système collectif freine la densité nécessaire de l'urbanisation et aggrave le mitage et la surconsommation de l'espace. Par ailleurs, la pollution véhiculée par les eaux usées et les eaux pluviales est un facteur de dégradation très important de la qualité des ressources en eaux des milieux aquatiques continentaux et des lagons.
Or la priorité donnée depuis longtemps à l'adduction d'eau nécessite encore à l'heure actuelle des financements conséquents. Ce contexte n'a pas permis à l'assainissement de bénéficier de l'attention nécessaire, comme le prouve le constat de sa mauvaise qualité. La mise en conformité réglementaire et la protection des milieux entraîneront des investissements considérables (plus de 800 M€ à l'horizon 2020) et auront une répercussion importante mais inévitable sur le prix de l'eau.

En termes de travaux liés à l'assainissement, peu de réalisations concrétisent des dispositifs de lagunage et de traitement par la phytoépuration, pourtant potentiellement créateurs de paysages. On leur reproche un besoin d'espace important, mais, judicieusement placés dans le territoire (interface entre espaces agricoles et espaces urbains par exemple), ils pourraient participer à la structuration du territoire, dans des dispositions plus douces et complémentaires aux stations d'épuration.

2.6.2. L’érosion des terres et la pollution des eaux


2.7. L’évolution des paysages de l’énergie


2.7.1. Un passif à effacer

Réseau aérien envahissant (Les Avirons)
Réseau aérien envahissant (Les Avirons)
Réseau aérien problématique, les Makes
Réseau aérien problématique, les Makes


Réseau électrique envahissant (rue Lambert, Saint-Louis)
Réseau électrique envahissant (rue Lambert, Saint-Louis)
Réseau aérien envahissant sur la route Hubert-Delisle vers le Plate
Réseau aérien envahissant sur la route Hubert-Delisle vers le Plate


Problème de réseau aérien sur la plaine des Cafres
Problème de réseau aérien sur la plaine des Cafres
Problème de réseau aérien, pentes de Notre-Dame-de-la-Paix
Problème de réseau aérien, pentes de Notre-Dame-de-la-Paix


Problème de réseau aérien envahissant (Etang Salé)
Problème de réseau aérien envahissant (Etang Salé)
Réseau aérien envahissant (hauts des Avirons)
Réseau aérien envahissant (hauts des Avirons)

En termes de paysage, la production et la distribution de l'énergie posent surtout problème à l'échelle locale, par la prolifération des lignes électriques basse-tension qui s'ajoutent aux réseaux téléphoniques dans l'espace public des routes et des rues. Un grand travail reste à faire pour enterrer ou passer en façades les réseaux aériens. Cette amélioration paysagère, si importante pour une île appelée à jouer la carte de la qualité d'accueil, se doublerait d'une amélioration de la sécurité en approvisionnement, en soustrayant ces réseaux au risque cyclonique.


2.7.2. Un défi à relever

La Réunion, à travers GERRI, doit parvenir à atteindre l'autonomie énergétique. Cet objectif nécessite le développement de l'électricité photovoltaïque, seule énergie renouvelable de masse à ce stade sur l'île, et la mise en chantier rapide d'expérimentations sur les micro-turbines hydrauliques, l'énergie de la houle, l'énergie thermique de la mer, l'éolien off-shore ou l'exploration de la ressource en géothermie. Parallèlement les actions entreprises au titre de la maîtrise de l'énergie (MDE) sont poursuivies et amplifiées.

Les sources d'énergies renouvelables sont les énergies éolienne, solaire, géothermique, houlomotrice, marémotrice et hydraulique ainsi que l'énergie issue de la biomasse, du gaz de décharge, du gaz de stations d'épuration d'eaux usées et du biogaz (Loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, les Energies Renouvelables, article 29).

Le défi pour La Réunion va être de réussir ce développement de façon harmonieuse dans le paysage, afin qu'il n'obère ni la qualité du cadre de vie quotidien ni celle du cadre touristique, pour une île qui doit parier à l'avenir sur un tourisme haut de gamme, porté par son inscription récente sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.

Les enjeux portent sur deux échelles bien distinctes :
1. L'échelle de la parcelle et du paysage habité de proximité
2. L'échelle du territoire et du grand paysage


2.7.3. L’échelle de la parcelle et du paysage habité de proximité

Jusqu'à une période récente, le contexte géographique de l'île de La Réunion a favorisé le déploiement de  systèmes de petites dimensions, à la parcelle : systèmes photovoltaïques dits en site isolé, qui ont permis notamment l'électrification des habitations enclavées de Mafate et des habitations en fin de réseau électrique ; chauffe-eau solaires individuels (près de 100 000 installés).



Problème de chauffe-eau solaire non intégré à l’architecture de la case
Problème de chauffe-eau solaire non intégré à l’architecture de la case

Ces installations posent parfois un problème d'intégration architecturale, lorsqu'elles se surajoutent comme un équipement à une structure architecturale récente. C'est particulièrement vrai pour une maison individuelle. Mais c'est nettement moins problématique pour les bâtiments d'activités dont les toitures plates apparaissent relativement peu dans le paysage, dont l'aspect industriel s'accorde avec l'équipement photovoltaïque lui-même industriel, et dont les grandes dimensions permettent d'efficaces productions.

L'intégration à l'architecture de ces dispositifs dès le stade de la conception facilite grandement leur inscription harmonieuse dans le paysage  construit. C'est ce qu'il faut encourager.

Exemples de grandes installations photovoltaïques en toitures :

  • Installations photovoltaïques du groupe Casino
    Couverture de ses bâtiments (5 grandes surfaces concernées sur l'île) et des parkings en ombrières photovoltaïques représentants près de 15 MW de production d'électricité.

Installation photovoltaïque en toiture (CILAM) - Saint-Pierre (photo GERRI)
Installation photovoltaïque en toiture (CILAM) - Saint-Pierre (photo GERRI)
  • Installation photovoltaïque en toiture (CILAM) - Saint-Pierre
    Centrale en toiture mise en service en janvier 2009.
15 000 m2 de toitures, la plus grosse installation en toiture de la Réunion.
    Production d'électricité de 2 MW, soit l'équivalent de la consommation de 1130 foyers.

Installation photovoltaïque en toiture (SITAR) - Saint-Pierre (photo GERRI)
Installation photovoltaïque en toiture (SITAR) - Saint-Pierre (photo GERRI)
  • Installation photovoltaïque en toiture (SITAR) - Saint-Pierre
    Centrale en toiture mise en service le 20 novembre 2007.
10.000 m²
    Production d'électricité de 1.4 MW, soit l'équivalent de la consommation de 750 foyers.
    Projet lauréat du prix Regio Stars 2009 dans la catégorie « adaptation aux changements climatiques ».

Lycée Mahatma Gandhi, Saint-André (photo GERRI)
Lycée Mahatma Gandhi, Saint-André (photo GERRI)
  • Les lycées Haute Qualité Environnementale (HQE) réalisés par le Conseil Régional

2.7.4. L’échelle du territoire et du grand paysage

Avec le renforcement de la politique en énergie renouvelable, le risque principal est la multiplication de sites de production de grandes dimensions, qui porteraient atteinte à des sites remarquables (projet abandonné de géothermie dans la plaine de Sables …) ou plus vraisemblablement qui concurrenceraient les rares espaces agricoles et de nature des pentes hors Parc National, qui fragmenteraient des espaces non bâtis déjà réduits, et qui satureraient à terme un espace de vie insulaire rare et précieux.

Il s'agit en particulier de fermes photovoltaïques au sol, des fermes éoliennes, …

Ces grandes implantations méritent d'occuper quelques rares espaces peu perceptibles (c'est le cas des pentes de Sainte-Rose qui ont commencé à être investies), mais la rareté des terres milite pour éviter leur développement au sol.

Par ailleurs, l'abondance excessive des surfaces urbanisées et des bâtiments déjà existants à La Réunion milite pour éviter la création de nouveaux bâtiments ou installations dans les paysages agricoles et naturels, qui seraient spécifiquement dédiés au support de panneaux photovoltaïques : hangars, serres, etc.

Principales installations photovoltaïques au sol (2010) :


Installation photovoltaïque AKUO (Pierrefonds) - Saint-Pierre – 2010 (photo GERRI)
Installation photovoltaïque AKUO (Pierrefonds) - Saint-Pierre – 2010 (photo GERRI)
  • Installation photovoltaïque AKUO (Pierrefonds) - Saint-Pierre - 2010
    Superficie 4ha.
    Puissance de la centrale : 2.1 Mw soit l'équivalent de 2 800 personnes (hors chauffage & hors eau chaude sanitaire).

Ferme photovoltaïque EDF EN - Sainte-Rose - 2010 (photo GERRI)
Ferme photovoltaïque EDF EN - Sainte-Rose - 2010 (photo GERRI)
  • Ferme photovoltaïque EDF EN - Sainte-Rose - 2010 :
2 centrales réalisées.
- Capacité totale : 15 MWc.
- Environ 100.000 modules photovoltaïques.
- Équivalent à la consommation électrique de 23.700 habitants.
- 13.000 tonnes de CO² évitées par an, soit l'équivalent du rejet de plus de 5 000 véhicules.
Cette ferme photovoltaïque est la première connectée au réseau de France (Prix Marianne d'Or 2008 de l'environnement et du développement durable). Le projet a également fait l'objet d'un dispositif exemplaire et pionnier de compensation des terres agricoles visant à préserver les plantés de cannes sur la commune (avec le concours de la SAFER).

Principales installations éoliennes (2010)


Les éoliennes de Sainte-Suzanne vues depuis la RN 2 : positionnées dans l’axe d’une belle perspective paysagère vers les hauts
Les éoliennes de Sainte-Suzanne vues depuis la RN 2 : positionnées dans l’axe d’une belle perspective paysagère vers les hauts

Les 37 aérogénérateurs de Sainte-Suzanne (photo GERRI)
Les 37 aérogénérateurs de Sainte-Suzanne (photo GERRI)
Les 23 aérogénérateurs de Sainte-Rose (photo GERRI)
Les 23 aérogénérateurs de Sainte-Rose (photo GERRI)

  • Eoliennes de Sainte-Suzanne (37 aérogénérateurs)
  • Eoliennes de Sainte-Rose (23 aérogénérateurs

Si la ferme éolienne de Sainte-Rose apparaît relativement peu dans le grand paysage, on ne peut en dire autant de celle de Sainte-Suzanne, qui déroule une longue succession de mâts dans l'axe d'une belle perspective paysagère des bas vers les hauts.


2.7.5. L’espoir des énergies marines

Face à la petitesse de l'île, l'immensité de l'océan semble plus accueillante pour le développement de projets d'énergie renouvelables. Mais ces projets restent à l'heure actuelle à l'état de recherche : énergie houlomotrice, énergie thermique des mers (ETM), hydroliennes, …


2.8. Les tendances positives et les opportunités


Sur les dernières années, plusieurs expériences témoignent de la prise en compte croissante de l'enjeu qualitatif dans les opérations locales d'aménagement du territoire insulaire. A l'échelle de l'île, elles ne représentent encore que des piqûres d'épingle. Mais elles sont le reflet de plusieurs dispositions globales d'aménagement qui ont aussi émergé récemment : la création du Parc National (2007), l'inscription sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO (2010), la révision du SAR, la recherche de transports en commun structurants, la mise en place des intercommunalités et des SCOT, la réalisation de chartes paysagères et architecturales, etc. L'ensemble traduit une progressive prise de conscience d'un nécessaire aménagement durable de l'île, à la fois viable, vivable et équitable.


2.8.1. Une amélioration du paysage urbain

Le paysage urbain évolue dans des dispositions plus douces où le tout-voiture n'impose plus sa logique de façon exclusive.

A Saint-Denis par exemple, la rue du Maréchal Leclerc est partiellement piétonnisée, des voies en site propre sont mises en place pour les bus, le boulevard sud est heureusement aménagé dans des dispositions plus urbaines et moins routières.

A Saint-Leu l'aménagement de la place met en valeur les beaux bâtiments patrimoniaux de la mairie.


2.8.2. Une amélioration des relations des villes à leur environnement

Les relations des villes à leur environnement s'améliorent.

A Saint-Pierre, le bord de mer est aménagé en promenade, les plantations généreuses d'essences diverses et en partie indigènes offrant des ambiances et un ombrage agréables tout en jouant leur rôle de lutte contre l'érosion de façon à la fois douce et efficace.

A Saint-Paul, la Chaussée Royale a été transformée en avenue plantée, avec trottoirs élargis, circulation douce et remise en valeur du canal, tandis qu'une grande Promenade relie désormais Saint-Paul au site classé de la ravine Bernica. Fait remarquable et trop rare, ce vaste projet urbain s'est réalisé concomitamment à la réalisation d'un projet d'infrastructure (la Route des Tamarins) dont on craignait les effets sur un site urbain et naturel fragile (ville, réserve naturelle de l'étang, site classé de la ravine Bernica, …). Inscrit dans un projet de paysage global, le projet routier a pu être initiateur de revalorisation du site de Saint-Paul.

A Saint-Paul toujours, le réaménagement du bord de mer est à l'étude (2010) et un appontement a déjà été créé pour favoriser les usages maritimes.

Au Port l'opération « la Ville est Port » vise à renouer les liens entre la ville et son littoral.


2.8.3. Un accueil du public plus valorisant

Le site de la Pointe de Trois-Bassins est réaménagé de façon simple et efficace en reculant les voitures du littoral et en créant des cheminements piétonniers.

Le site de la Pointe-au-Sel, outre la réhabilitation des salines, bénéficie d'un accueil mieux maîtrisé.

Le sentier littoral devient progressivement une réalité, permettant enfin aux visiteurs d'apprécier le trait de côte de La Réunion, merveilleusement diversifié.

Certains bourgs réussissent à valoriser leur patrimoine architectural jusqu'à composer des paysages urbains remarquables, notamment l'Entre-Deux et Hell-Bourg.

D'autres bourgs améliorent l'accueil au travers de leurs espaces publics (Cilaos rue principale).

Certains îlets des cirques réussissent à maîtriser leur architecture et leur environnement jusqu'à offrir des ambiances de grande qualité : Ilet-à-Bourse, Cayenne.

Des sites densément fréquentés parviennent à préserver et à mettre en scène la qualité du cadre d'accueil : le gîte du volcan, la plage de Grande Anse.


L’entrée de ville de Saint-Paul par la RD 6, en 1994
L’entrée de ville de Saint-Paul par la RD 6, en 1994
L'entrée de ville de Saint-Paul par la RD 6 après travaux d'aménagement liés à la Route des Tamarins et à la Promenade de Bernica (2011)
L'entrée de ville de Saint-Paul par la RD 6 après travaux d'aménagement liés à la Route des Tamarins et à la Promenade de Bernica (2011)


2.8.4. Des opérations d’urbanisme et d’architecture durables

Quelques opérations marquent une progression dans le paysage bâti contemporain, en termes d’urbanisme, d’architecture et, au final, de paysage : le parc de la Poudrière à l’Etang Saint-Paul, (CBO territoria) par exemple présente un quartier paysagé et aéré proche de la forêt de l’étang  par la qualité environnementale et architecturale des opérations de collectifs.

Depuis quelques années, une structure d’accompagnement des acteurs du cadre bâti s’est mise en place, sous l’impulsion de professionnels régionaux œuvrant dans la promotion de la construction durable.

Le Centre de Ressources Qualité Environnementale du Cadre Bâti, enviroBAT-Réunion, dont la gestion et l’animation en ont été confiées au CAUE de la Réunion, a pour objectif de sensibiliser, d’informer et d’accompagner les acteurs concernés par les préoccupations environnementales et le développement de la qualité environnementale dans les opérations concernant le cadre bâti (construction, réhabilitation, opération d’aménagement, d’infrastructure, …). Il favorise la sensibilisation et les échanges entre les différents acteurs afin de partager recherches, retours d’expériences et propositions de solutions intégrant les notions de développement durable.

Les opérations ainsi référencées participent à l’avancement des recherches, constituent une base de référence en architecture tropical et prennent une place grandissante dans le paysage réunionnais.


ZAC Poudrière
ZAC Poudrière
Ecole primaire de Roquefeuil (architecte : Atelier Grouard)
Ecole primaire de Roquefeuil (architecte : Atelier Grouard)


Opération «Ilet du Centre», Saint-Pierre (architecte : 2APMR ; photo M. Reynaud)
Opération «Ilet du Centre», Saint-Pierre (architecte : 2APMR ; photo M. Reynaud)
Ecole de Bras Fusil à Saint-Benoit, (architecte : O.Braban ; illustration : O. Braban)
Ecole de Bras Fusil à Saint-Benoit, (architecte : O.Braban ; illustration : O. Braban)


Opération « YOSHITO », ZAC Avenir, Saint Louis (architecte : T&T architecture ; photo : envirobat)
Opération « YOSHITO », ZAC Avenir, Saint Louis (architecte : T&T architecture ; photo : envirobat)
Toiture végétalisée, Opération «LYCEE POLYVALENT SAINT-PAUL IV» (architectes :Jean-François DELCOURT et T&T architecture)
Toiture végétalisée, Opération «LYCEE POLYVALENT SAINT-PAUL IV» (architectes :Jean-François DELCOURT et T&T architecture)


Opération «LYCEE POLYVALENT SAINT-PAUL IV» (architectes : Jean-François DELCOURT et T&T architecture)
Opération «LYCEE POLYVALENT SAINT-PAUL IV» (architectes : Jean-François DELCOURT et T&T architecture)
Bâtiment de la DEAL (ex Diren)
Bâtiment de la DEAL (ex Diren)


Nouveau bâtiment agrandissant les locaux de la DEAL (ex Diren).
Nouveau bâtiment agrandissant les locaux de la DEAL (ex Diren).

2.9. Synthèse sur les enjeux

Le contraste grandissant entre Hauts naturels sanctuarisés et Bas artificiels urbanisés : fracture paysagère et environnementale, menace sur les paysages agricoles.


Remontée d’urbanisation sur les pentes de La Plaine Saint-Paul
Remontée d’urbanisation sur les pentes de La Plaine Saint-Paul
Imbrication de l’agricole et de l’urbain, côte nord-est, vue d’avion
Imbrication de l’agricole et de l’urbain, côte nord-est, vue d’avion

Une forte opposition se dégage aujourd’hui à l'échelle de l'île entre les pentes basses et intermédiaires, largement gagnées par l'urbanisation, et les pentes hautes et reliefs intérieurs, presque inhabités. Aujourd’hui, 85% de la population occupe 1/3 de la superficie de l’île. 80 % de la population habite dans une bande littorale de 5 km de large ; 47% vivent à moins de 100 m d'altitude.

Le schéma grossier de l'île est celui d'une ceinture littorale urbanisée encerclant un coeur vert de nature. « Nous sommes dans une île où le centre est la périphérie et la périphérie le centre », comme l'explique le géographe JM Jauze (Université de La Réunion) à ses étudiants.

Spatialement, le scénario tendanciel qui se dessine pour l’île au regard des dynamiques des dernières décennies est celui d’une ceinture d’urbanisation continue, courant de Sainte-Rose/Saint-Benoît à Saint-Joseph/Saint-Philippe en n’épargnant que le secteur des pentes du volcan actif. Cette ceinture se développe essentiellement sur les pentes basses et les mi-pentes habitables ; l’espace littoral est préservé tant bien que mal par la Loi Littoral, les acquisitions du Conservatoire du Littoral, les coupures d’urbanisation, les espaces naturels sensibles et les réserves créées ; les Hauts restent de fait stables, pris pour une grande majorité dans le Parc National, et dévolus à un tourisme de nature fondé sur l’équilibre délicat entre la fréquentation pour les usages de loisirs et la préservation de la biodiversité.

Ce scénario, dans son radicalisme simple, n'est pas sans poser problème. Il offre une vision planificatrice du territoire qui, poussée à l'extrême, constitue un risque de fracture environnementale et paysagère préjudiciable au développement durable de l'île : les dimensions viable, vivable et équitable du développement de l'île sont en jeu.


Offrir des espaces de nature de proximité, une nécessité pour une population de plus en plus urbaine. Quel rôle peuvent jouer les espaces agricoles dans ce contexte ? (Vers Sainte-Marie)
Offrir des espaces de nature de proximité, une nécessité pour une population de plus en plus urbaine. Quel rôle peuvent jouer les espaces agricoles dans ce contexte ? (Vers Sainte-Marie)
Offrir des espaces de nature de proximité, une nécessité pour une population de plus en plus urbaine. Quel rôle peuvent jouer les espaces agricoles dans ce contexte ?
Offrir des espaces de nature de proximité, une nécessité pour une population de plus en plus urbaine. Quel rôle peuvent jouer les espaces agricoles dans ce contexte ?

  • Le viable : les espaces agricoles productifs se situent en pentes basses et mi-pentes ; souffrant de la pression du développement, ils méritent protection ; de même, des espaces naturels vitaux, notamment le récif corallien et son lagon, sont directement dépendants des protections et des principes d'aménagement durables à porter sur eux-mêmes et sur les pentes ; les espèces animales et végétales ont besoin  de continuités biologiques entre hauts et bas qu'assurent les ravines, également sous la menace d'une urbanisation insuffisamment respectueuse de leurs abords, et les autres espaces non bâtis mis en réseau. Pour le tourisme, la qualité de l'accueil sur le littoral est également dépendante de la capacité que l'on aura à le préserver du tout béton. Enfin stratégiquement, il est dans l'intérêt général de pouvoir offrir des espaces de nature multiples et répartis afin de limiter les problèmes et les risques de surfréquentation.
  • Le vivable : dans un contexte de plus en plus urbanisé et appelé à se densifier, les habitants doivent impérativement pouvoir bénéficier d'espaces « verts » de proximité : pour la détente, les loisirs, le sport, la promenade, les déplacements doux ; or cette nature de proximité manque déjà cruellement aujourd'hui. Avant son ouverture à la circulation, la dense fréquentation de la Route des Tamarins par les promeneurs, cyclistes, rollers et patinettes, a révélé ce besoin d'espaces de proximité. Bien des habitants des pentes ne disposent pas de tels espaces ; ils sont contraints d'utiliser leur voiture et de descendre sur la côte pour pratiquer leur jogging ou tout simplement pour promener leurs enfants.
  • L'équitable : pour l’ensemble des habitants, le littoral doit pouvoir rester un espace de liberté et de respiration d'autant plus précieux et nécessaire que la plupart des Réunionnais ne quittent jamais l'île qui reste objectivement petite, close sur elle-même. Par ailleurs, les habitants des mi-pentes et pentes hautes, ne disposant ni de la proximité de la mer ni du dynamisme touristique des cirques ni des transports en commun efficaces, pourraient pâtir d’un environnement immédiat non maîtrisé et dégradé, aggravant une fracture sociale liée à l’altitude, déjà sensible aujourd’hui.
En termes d'aménagement, le secteur clef de l'île est donc celui des pentes basses et des mi-pentes, où l'urbanisation est en concurrence directe avec l'espace agricole cultivé, occupé aujourd'hui majoritairement par la canne.
Ces pentes méritent des dispositions de protections au moins aussi fortes que dans les hauts, articulées avec le développement dans un schéma d'ensemble ; c'est l'objet du SAR. Le Parc National met en place une charte contractuelle pour l'aire d'adhésion qui entoure coeur. Les politiques foncières et réglementaires, nerf de la guerre pour des protections efficaces et sur le long terme, sont menées pour certains espaces de nature (acquisitions par le Conservatoire du Littoral, acquisitions au titre des Espaces naturels sensibles par le Conseil Général, réserves naturelles, sites classés). Ces politiques portent peu voire pas du tout sur les espaces agricoles, pourtant les plus exposés. Ces derniers restent donc considérés comme des variables d’ajustements, tributaires des révisions des documents d’urbanisme incessantes.