Atlas des paysages de La Réunion




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2.1. La fragilisation des paysages agricoles


2.1.1- Une fragilisation par le mitage et l’excessive consommation des terres : raréfaction et dégradation de paysages agricoles attractifs et structurants, risque de mutation incontrôlée du paysage


Le développement urbain : exemple à Saint-Denis en 1957     Le développement urbain : exemple à Saint-Denis en 1984     Le développement urbain : exemple à Saint-Denis en 2006

En 1957, Saint-Denis se cantonne sur sa pointe, entre la rivière Saint-Denis et les trois ravines du Butor, de Patate à Durand et du Chaudron. Elle remonte de façon dispersée sur ses pentes. En 1984, l'urbanisation a spectaculairement gagné vers l'est avec l'endiguement des ravines. En 2006, l'urbanisation a poursuivi son développement vers l'est, dépassant désormais les emprises de l'aéroport, et s'est densifiée sur les pentes. Les espaces agricoles sont désormais rejetés hors de la ville, les premiers se rencontrant à la hauteur de l'aéroport. Sur les pentes hautes, l'urbanisation côtoie les espaces boisés du Brûlé sans transition.

Phagocytage des plaines agricoles : exemple à Saint-Louis cliquez pour agrandir la photo

En 1957, Saint-Louis est à l'articulation de trois grandes plaines agricoles soigneusement quadrillées : celle du Gol, celle du Bois de Nèfles et celle de Pierrefonds. En 2006, les trois plaines apparaissent fragilisées : la plaine du Gol a été coupée par la RN 1 nouvelle, tandis que les quartiers du Gol et de Bel Air ont gagné sur ses franges ; la plaine du Bois de Nèfles a été sacrifiée au développement diffus de l'urbanisation de la Rivière, ne laissant qu'une maigre coupure avec Saint-Louis ; la plaine de Pierrefonds a été réduite par la création de l'aérodrome et le début d'implantation d'activités.

Le développement urbain : exemple à Saint-Leu en 1957   Le développement urbain : exemple à Saint-Leu en 1980  Le développement urbain : exemple à Saint-Leu en 2006

En 1957, les pentes de Saint-Leu sont urbanisées de façon étagée, avec le littoral (Saint-Leu centre), la route RD 13 à 400 m d'altitude, et la route Hubert-Delisle à 850 m d'altitude. Cette urbanisation en ligne souligne la partition des espaces en se calant aux transitions : secs et pâturés de 0 à 400 m d'altitude, cultivés de 400 m à 800 m d'altitude, boisés au-dessus de m d'altitude. En 1980, cette organisation étagée des pentes apparaît encore lisible. En 2006, l'organisation étagée est affaiblie par le mitage, qui se diffuse dans les pentes à partir des lignes d'origine : diffusion dans les pentes raides abandonnées par le pâturage et en friche, du littoral à la RD 13, et amorce de diffusion dans les espaces agricoles entre la RD 13 et la route Hubert-Delisle.

Urbanisation en timbre-poste : pentes de Sainte-Marie / Sainte-Suzannecliquez pour agrandir la photo

En 1950, les bourgs de Sainte-Marie et Sainte-Suzanne sont faiblement constitués. Entre les deux, les grands domaines gèrent l'espace agricole (Grand Hazier par exemple). En 1984, une urbanisation en timbres-poste voit le jour, sous forme d'opérations dispersées dans l'espace agricole : Ravine des Chèvres les Bas, Ravine des Chèvres les Hauts, les Jacques Bel Air, Bagatelle, Ravine des Chèvres. En 2008, les timbres postes ont « achevé » leur constitution et se sont agrandis : Ravine des Chèvres les Bas, les Cafés, Ravine des Chèvres, Bagatelle.

Consommation de la plaine agricole du Gol par l’urbanisation commerciale (Saint-Louis)cliquez pour agrandir la photoProblème d’étalement urbain et de consommation d’espace agricole vers Petite Ilecliquez pour agrandir la photo

Problème de mitage de l’espace agricole, plaine des Cafrescliquez pour agrandir la photoSur les pentes nord-est, contrairement à l’ouest, le foncier de grands domaines conduit à une urbanisation opération par opération plutôt que maison par maison. Il s’ensuit un mitage moindre, mais les « plaques » d’urbanisation monofonctionnelle (résidentcliquez pour agrandir la photo

Problème de pâturage « sauvage » par manque de terres (hauts de l’ouest)cliquez pour agrandir la photo
Le bâti diffus, l'urbanisation hors opérations d'ensemble, en cours depuis plusieurs décennies, ont pu sembler confortables et faciles à gérer pour les communes responsables en matière d'urbanisme : pas d'investissement direct et satisfaction individuelle offerte au nouveau résident-électeur. Mais cet essaimage du bâti conduit à plusieurs problèmes.

Case après case, l'urbanisation diffuse finit par coûter très cher aux pouvoirs publics. Désormais, les premiers postes budgétaires des collectivités sont ceux des voiries et ceux des services à la parcelle, sur les centaines de kilomètres des réseaux urbanisés :
  • il faut adapter les voiries à une circulation croissante et multiforme (voitures, piétons, deux-roues), opérations qui coûtent très cher et qui banalisent et dégradent le cadre de vie social et culturel des habitants (voir ci-dessous) ;
  • il faut assurer les services à la parcelle (transports scolaires, ramassage des ordures ménagères, alimentation en eau potable, réseaux d'eaux pluviales et d'eaux usées, réseaux d'électricité et de téléphone, distribution du courrier, etc).
L'urbanisation diffuse conduit à la consommation excessive d'un espace habitable et cultivable rare. Les terres aménageables couvrent seulement 100 000 ha, sur les 250 000 que compte l'île. Or l'urbanisation, qui occupe 26 000 ha, a consommé 9 000 ha d'espace supplémentaire rien qu'entre 1990 et 1999. 500 ha s'urbanisent chaque année actuellement, avec une densité faible de 5 logements à l'ha (chiffres projet SAR -Schéma d’Aménagement Régional- 2009).
Sur les dernières décennies, la surface cannière a fortement diminué, passant de 37 860 hectares cultivés en 1987 à 30 900 en 1993, et à 25/26 000 ha aujourd'hui ; Elle serait pour l'heure globalement stabilisée grâce notamment à la vaste opération de remise en culture de terres en friche, orchestrée par la Chambre d'Agriculture, la SAFER, la DAF et certaines communes. Mais les marges de manœuvre sont désormais très faibles, comme en témoignent les tensions mises au jour au cours des débats liés au SAR 2010, entre vocation naturelle et vocation agricole de terres : l'intention étant de mettre en vocation agricole des terres aujourd’hui à valeur naturelle, identifiées comme ZNIEFF de type II.
La filière canne dépend de la transformation de la canne en sucre, alcool et énergie (bagasse), assurée par les deux usines sucrières de Bois Rouge et du Gol. Le maintien de ces usines est directement dépendant de la capacité à préserver la quantité de canne nécessaire à leur fonctionnement. C'est pourquoi, malgré la progression du rendement moyen de canne à l'hectare (+ 30% en 20 ans), la consommation des terres cannières par l'urbanisation met en péril toute la filière. Or l'activité canne à sucre est la principale source d'emplois de l'agriculture réunionnaise. Elle reste une culture d'exportation et est considérée comme une production « pilier », incontournable pour la solidité financière des exploitations. Près de 4 700 planteurs cultivent les 26 000 ha de canne, les exploitations de taille moyenne (5 à 20 ha) étant majoritaires dans l'île.
Cette surface représente plus de la moitié de la surface agricole réunionnaise. La fermeture des usines faute d'alimentation suffisante en canne mettrait brutalement en friche toute cette surface. De telles friches géantes constitueraient d'irrésistibles appels à une urbanisation extensive plus galopante encore qu'aujourd'hui. C'est un des scénario à risque du devenir de l'île et de ses paysages, à l'image, toutes proportions gardées, de ce que vivent certaines régions comme le Languedoc-Roussillon avec l'effondrement de la filière viticole.


Des grands paysages agricoles préservés la Plaine du Gol à Saint Louis en 1992cliquez pour agrandir la photoMitage diffus apparaissant sur les pentes agricoles, la Plaine du Gol à Saint Louis en 2010cliquez pour agrandir la photo

2.1.2- Une fragilisation par l’évolution des pratiques agricoles : simplification et floutage des paysages, morcellement des terres

Problème de simplification du paysage par disparition des structures végétales (murs, chemins, arbres, haies), plaine des Cafrescliquez pour agrandir la photoLe patrimoine des allées de cocotiers, vieillissant et menacé de disparition (Gillot)cliquez pour agrandir la photo

Durcissement et floutage de l’espace agricole par la construction de la maison individuelle de l’agriculteur isolée dans les terres (hauts du Tampon)cliquez pour agrandir la photoDurcissement et floutage de l’espace agricole par la construction de la maison individuelle de l’agriculteur isolée dans les terres (hauts du Tampon)cliquez pour agrandir la photo

Durcissement et floutage de l’espace agricole par la construction de la maison individuelle de l’agriculteur isolée dans les terres (hauts du Tampon)cliquez pour agrandir la photoFragilisation des espaces agricoles et affaiblissement du paysage par construction de maisons d’agriculteurs isolées dans les terres (côte sud)cliquez pour agrandir la photo

Problème de construction « agricole » isolée dans les parcelles cultivées : fragilisation de la vocation agricole des terres, dégradation du paysage agricole (photo avril 2005)cliquez pour agrandir la photoAbsence de lisières agro-urbaines pour organiser le développement du Plate et préserver les espaces agricolescliquez pour agrandir la photo

Des lisières urbaines sont à constituer pour clarifier et stabiliser la répartition entre urbanisation et espaces agricoles. (Ici à Le Plate)cliquez pour agrandir la photoProblème de bâtiment agricole trop blanccliquez pour agrandir la photo
Outre l’urbanisation diffuse, l’évolution des pratiques agricoles elles-mêmes fragilise le paysage : le développement des serres, des silos, des bâtiments d’élevage intensif hors sol, des clôtures (pour l’élevage, voire pour des productions spécialisées), s’ajoutent aux constructions des maisons des sièges d’exploitations isolées dans leurs terres et à la disparition de structures paysagères par intensification ; il faudrait encore ajouter le risque d’un développement d’équipements agricoles comme supports de panneaux photovoltaïques : hangars ou serres (projet IRRSOL qui permet l'expérimentation de la production agricole sous ombrières photovoltaïques). L’ensemble de ces éléments contribue à durcir le paysage agricole, à rendre plus rares encore les quelques secteurs cultivés vierges de toute construction. Par ailleurs, ce processus rend floue la différenciation entre espaces urbains ou à vocation urbaine, et espaces ruraux à vocation agricole.  Ce flou devient lui-même générateur de la fragilité des terres agricoles face à la pression d’urbanisation : il est en effet plus facile d’ouvrir à l’urbanisation des terres agricoles morcelées et construites de façon éparse, que des terres purement agricoles. Ainsi, la qualité paysagère de l’espace agricole est facteur de sa protection et de sa pérennité. Inversement, sa dégradation est facteur de sa disparition.

2.1.3- L’érosion des terres et la pollution des eaux :


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