Atlas des paysages de La Réunion




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CONCLUSION

(début XXIe siècle)


    On peut résumer, à ce terme, les étonnantes variations de l'intérêt porté au paysage de La Réunion depuis que les hommes l'habitent.
La beauté de la campagne, on l'a vu, a été largement appréciée au cours du XVIIIe et du début du XIXe siècle, avec le développement des cultures très diversifiées et  l'ère prospère ouverte par le développement des cafféteries.
La côte Nord-Est, on s'en souvient, est particulièrement remarquée par tous les voyageurs, qui s'extasient de sa richesse, de sa diversité et s'émeuvent d'y retrouver l'image de paysages de France.
Les pentes entre Saint-Paul et la Grande Ravine, sur la côte Ouest, semblent également avoir été des paysages remarquables aux yeux de certains voyageurs, grâce notamment à la beauté des cafféteries, avant que celles-ci ne disparaissent.

Dans le même temps, l'exploration des hauts entamée au tout début du XVIIIe siècle ne laisse aucunement transparaître une sensibilité quelconque aux paysages de montagnes. On ne voit dans les hauts que du pays affreux.
Au cours du XVIIIe siècle, cette exploration de l'intérieur est en outre ralentie par le développement du marronage des esclaves qui fuient la servitude dans les montagnes et constituent pour les explorateurs un danger dissuasif.
L'attrait pour la montagne mettra ainsi longtemps à se concrétiser, puisqu'il faudra attendre les productions picturales et littéraires de Patu de Rosemont et de Bory de Saint Vincent au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle, à la suite des premières explorations scientifiques notamment vers le Volcan, pour que les paysages de la montagne soient enfin inventés sous leur regard.
Au XIXe siècle, cet attrait pour la montagne devient presque exclusif, au point de faire disparaître des descriptions et des représentations picturales les paysages de la campagne. Le phénomène est d'autant plus important que la canne à sucre ne cesse de s'étendre au dépens de toutes les autres cultures qui s'étaient multipliées au cours du XVIIIe siècle. Cette monoculture de la canne, à une époque où la variété est appréciée, ne favorise pas l'attrait pour les paysages de la campagne et contribue à accentuer leur éclipse derrière ceux de la montagne. D'autant qu'avec le développement des théories hygiénistes sur la fraîcheur et la pureté de l'air de la montagne, auquel s'ajoute le développement du thermalisme puis du tourisme, l'intérieur de l'île n'est plus réservé aux seuls explorateurs téméraires.
L'attrait des paysages marins se développe également au cours du XIXe siècle, d'autant que, là aussi, les bains de mer sont réputés pour soigner des maladies et entretenir la santé.
Progressivement, avec le nombre croissant de personnes qui découvrent la montagne et l'apprécient, avec le développement du tourisme, les représentations des hauts vont passer du registre du sublime qui fait frissonner à celui du pittoresque qui charme.

Au cours de notre siècle, la sensibilité aux grands sites pittoresques cède la place à celle attentive à notre cadre de vie en général, qui inclue à la fois les grands paysages touristiques et les "petits" paysages du quotidien. N'est-ce pas d'ailleurs cette sensibilité que traduit la récente Loi Paysage de 1993 qui, pour la première fois, ne s'intéresse plus seulement aux "monuments naturels" (1906), aux "sites" (1930), aux abords des monuments historiques (1943), à la protection de la nature (1976), à la protection du patrimoine architectural et urbain (1983) mais au paysage quotidien, au cadre de vie en général, qu'il soit riche ou non en "patrimoine" naturel ou culturel?

Dans cette attention au cadre de vie, l'enjeu est éminemment social : on sait aujourd'hui à quel point la qualité de ce cadre compte et influe sur la qualité du climat social qui règne dans les quartiers d'habitations. C'est pour avoir saisi les manques de prise en compte de cette qualité de cadre de vie dans les années d'après-guerre tout imprégnées du mouvement moderniste que notre époque est celle des coûteuses réhabilitations à coup parfois de spectaculaires destructions de barres dans les banlieues.
 
A La Réunion, l'enjeu est d'autant plus fort qu'une partie de son développement tient au tourisme. Or on sait aujourd'hui que le seul tourisme qui continue de progresser aujourd'hui est le tourisme de qualité, pour lequel l'attention à l'environnement en général, et à ce qui se voit en particulier c'est-à-dire le paysage, est pris en compte. On sait aujourd'hui que le tourisme de masse qui a conduit à urbaniser les côtes espagnoles contribue aujourd'hui à la baisse de la fréquentation touristique. De même les Canaries connaissent des friches touristiques, de même que les Antilles françaises. En revanche le tourisme "vert" sous ses différentes formes est en progression constante.

Le paysage finalement est ainsi non plus une préoccupation d'esthètes, mais un enjeu social sur l'aménagement du cadre de vie et un enjeu économique pour le développement de l'île.

Dans cette histoire de l'invention des paysages de l'île, on s'aperçoit que, en glissant des sites et monuments naturels au paysage cadre de vie, l'attention s'est ainsi portée vers un paysage beaucoup moins stable dans le temps.

Ce glissement de la sensibilité vers un cadre de vie qui, par définition, évolue tous les jours, nécessite aujourd'hui la maîtrise de cette évolution.
La sensibilité au paysage doit se traduire non seulement par la protection ou préservation mais par la prise en compte du paysage dans toutes les opérations d'aménagement. Prise en compte globale à l'échelle du territoire, et en cela le paysage devient un enjeu de politique d'aménagement, de programmation et de planification, et prise en compte locale et de détail, où le paysage devient un enjeu d'action, de projet et de mise en œuvre.
 

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