Atlas des paysages de La Réunion |
Les grands caractères paysagers des habitats naturels de La RéunionLes habitats naturels primaires :On retrouve selon les étages les habitats suivants : L’étage de Basse altitude :
L’étage de moyenne altitude :
L’étage montagnard :
L’étage de Haute altitude :
La végétation semi-sèche ou forêt mégatherme semi-xérophile : On estime qu’il ne reste plus qu’1% de cette végétation sur l’Île, principalement réfugiée sous forme de reliques sur les flancs des remparts et des grandes ravines. Cet habitat ne participe donc que très peu à la diversification des paysages naturels. La superficie d’origine est estimée à 30 000 ha et l’aire de cet écosystème devait s’étendre jusqu’à 750m d’alt., exclusivement sur la côte sous le vent et pouvait atteindre des altitudes supérieures dans les cirques de Mafate et de Cilaos. Les reliques les mieux conservées se situent principalement sur le massif de la Montagne entre Saint-Denis et la Possession et ponctuellement sur les remparts des grandes ravines menant aux cirques. Les arbres endémiques caractéristiques de ce type de forêt sont pour la plupart aujourd’hui considérés comme proches de l’extinction. C’est le cas de Poupartia borbonica, Dombeya populnea, Foetidia mauritiana, Zanthoxyllum heterophyllum, ou Gastonia cutispongia. Thérésien Cadet, éminent botaniste réunionnais, considérait également que 11 espèces d’arbustes héliophiles sont rares et certaines parmi elles menacées d’extinction, lesquelles représentent près d’un tiers des espèces menacées présentes dans « Flore en détresse » (DUPONT et al., 1989) : Obetia ficifolia, Ruizia cordata, Clerodendron heterophyllum, Croton mauritianus, Tabernaemontana persicariifolia, Hibiscus columnaris, Carissa xylopicron, Abutilon exstipulare, Eugenia mespiloides, Pyrostria oleoides, Dombeya acutangula. Il en est de même concernant certaines espèces d’orchidées (Oeoniella polystachys, par exemple) et de fougères (Microsorum punctatum) associées à cette série de végétation. La forêt mégatherme hygrophile ou forêt humide de basse et moyenne altitude encore appelée forêt de bois de couleurs des bas : La forêt de bois de couleurs des bas ne couvre que 25 000 ha du territoire contre 75 000 ha à l’origine. La forêt mégatherme hygrophile de la Réunion appartient à la « Tropical rain forest » mais elle a une structure plus simple que les forêts des régions équatoriales, avec notamment un étage dominant inférieur à 15 mètres et une distinction peu marquée entre les strates arborée et arbustive. La canopée dense, presque sans discontinuité, est dépassée ponctuellement de quelques grands arbres pouvant mesurer près de 20 m de haut, sans que l’on puisse réellement parler d’une strate arborée supérieure. La canopée ne laisse filtrer que peu de lumière et l’ambiance lumineuse du sous-bois est assez sombre. Les ligneux des strates arborée et arbustive sont principalement constitués d’arbres au tronc droits et élevés. La strate herbacée est pauvre en espèces, et se compose de jeunes ligneux et de fougères. Contrairement aux autres forêts de La Réunion, on peut y circuler sans trop de difficultés. L’humidité constante et élevée (80 à 100 % pratiquement en permanence) qui règne dans le sous-bois favorise le développement des épiphytes : fougères, lycopodes, Orchidées, Pipéracées. Beaucoup de ces plantes profitent de l’hygrométrie ambiante pour coloniser tous les supports disponibles : troncs et branches, souches et arbres morts, rochers, dalles. Le peuplement forestier présente une grande diversité d’arbres et d’arbustes dont près d’un tiers sont particuliers à cette forêt. Les plus représentatifs sont le Petit natte (Labourdonnaisia callophylloides) qui domine souvent, le Grand natte (Mimusops maxima), le Bois de perroquet (Cordemoya integrifolia), le Bois de pomme rouge (Syzygium cymosum), le Bois de cabri (Casearia coriacea), le Bois de goyave marron (Psiloxylon mauritianum). Les fanjans, des fougères arborescentes atteignant, 10 à 15 mètres de haut lorsque les conditions sont favorables, sont également présentes en sous bois. Ces formations sont surtout localisées à l’est et au sud de l’île. Sur la côte au vent de Sainte Suzanne à Saint Philippe elles sont encore bien représentées de 400 à 900 m d’altitude. La forêt de Mare Longue à Saint-Philippe, une des trois réserves naturelles de l’île est une des forêts mégathermes hygrophiles la mieux préservée. Dans l’Est, il n’en subsiste aujourd’hui que quelques centaines d’hectares, plus ou moins bien conservés, installés sur des coulées volcaniques relativement récentes de la région de Saint Philippe. Les vestiges les mieux préservés constituent la Réserve Naturelle de Mare Longue. Sur la côte sous le vent (Saint Denis, la Possession, Saint Paul et Saint Louis), ces formations s’étagent de 600 à 1100 m mais ont considérablement diminué pour laisser place à l’agriculture. Il s’agit de formations plus basses (6-10 m), la strate arbustive étant plus dense. Remarque : De par son activité volcanique régulière, le Piton de la Fournaise offre des conditions favorables à l’étude des successions végétales (successions primaires) qui, à partir de lave nue et totalement refroidie, donnent la forêt de bois de couleurs du type de Mare Longue. Cette évolution ne demande que 300 à 400 ans. De nombreuses coulées d’âges différents permettent de retracer l’histoire de l’installation de la forêt. On assiste ainsi le long de la route du Brûlé à une succession de formations naturelles d’évolution différentes selon les dates des coulées. Les reliques de végétations littorales indigènes La végétation littorale Il ne reste que quelques témoins de ces formations indigènes, sous forme de mosaïques d’habitats étouffés par de la végétation secondaire, contenant plusieurs espèces menacées. Ces milieux installés sur les falaises et les côtes rocheuses de bord de mer abritent une végétation soumise à l’action des embruns combinée aux vents et à une humidité constante. Ces conditions drastiques ont permis d'y maintenir une flore halophile caractéristique encore présente sur la côte Est et notamment entre Sainte-Rose et Saint-Philippe. Tous ces habitats ont subi de plein fouet et très tôt, le développement démographique et économique de l’Île ayant abouti à leur dégradation et leur fragmentation progressives. Peu de sites littoraux ont échappé à cette tendance. On distingue au sein de cette formation, différentes séquences de végétations selon leur position vis-à-vis du trait de côte : Les groupements herbacés des rochers (trottoirs rocheux) et éboulis soumis aux embruns : Sur les trottoirs rocheux littoraux fortement soumis aux embruns marins, sont présents au sein de fissures, une végétation littorale haline composée par : la fougère indigène rare, Ctenitis maritima, le Cochléaria du pays (Centella asiatica), espèce pantropicale, le Fimbristylis cymosa, cypéracée indigène de la Réunion, la lavangère (Delosperma napiforme) endémique de la Réunion et protégée et le Lysimachia mauritiana espèce indigène rare… Les pelouses aérohalines à graminées : Sur le front de mer dans les secteurs également directement soumis aux embruns, des végétations rases et discontinues colonisent les substrats rocheux ou s’accumule une faible couche humifère. L’espèce principale à fort recouvrement qui s’implante à ce niveau est, le Gazon bord de mer ou Herbe pique-fesses (Zoysia tenuifolia). Toute la frange côtière comprise entre le Grand Brûlé et Basse Vallée est constituée de trottoirs rocheux colonisés par cette pelouse aérohaline. En arrière de la zone soumise aux embruns, l’Herbe bourrique (Stenotaphrum dimidiatum) concurrence activement cette dernière jusqu'à la remplacer. Les fourrés bas arbustifs halophiles : La Salière ou Saliette (Psiadia retusa), endémique de l’Île est un petit arbrisseau d’1 mètre de hauteur, à feuilles charnues que l’on ne rencontre qu’en quelques endroits du littoral de Bois Blanc et de Saint-Joseph. Il est accompagné par le Manioc marron bord de mer (Scaveola taccada) et le Lycium mascarenense et plus rarement par le Bois de matelot (Pemphis acidula). Les fourrés arrières littoraux à Vacoas : En arrière de ces fourrés halophiles, des communautés arborescentes à Vacoas (Pandanus utilis) pour la plupart plantés irrégulièrement étaient certainement un élément floristique de ces communautés côtières où il devait côtoyer le Latanier rouge (Latania lontaroides). Les fourrés perhumides à Pandanus ou pandanaies : Cette formation végétale sur sols gorgés d’eau est unique au monde, elle se rencontre dans les secteurs très arrosés de l’île surtout sur les pentes du massif de la Fournaise, jusqu’à la Plaine des Palmistes et sur les contreforts du Mazerin. On distingue 2 strates : une de 4 à 7 m de haut (Palmiste rouge des Hauts et Fanjan femelle) et une inférieure à 3 m dominée par le Pimpin des Hauts (Pandanus montanus) aux nombreuses branches tortueuses. Les racines échasses des Pandanus émergent d’un épais tapis de débris végétaux non décomposés qui s’accumulent en formant un horizon spongieux rendant ce milieu impénétrable. La strate basse enchevêtrée à Pimpin renferme aussi des arbustes comme le Bois de tabac, le Velours blanc… Le Pimpin développe une canopée basse aux reflets bleutés, haute de 3-5 m, formée par l’enchevêtrement de ses branches tortueuses. Ici et là émergent quelques fougères arborescentes, surtout le Fanjan roux, (Cyathea glauca) et, plus rare le Palmiste des hauts (Acanthophoenix rubra). Les Pimpins portent une flore épiphyte exceptionnellement riche et diversifiée d’orchidées et de fougères, alors que dans les formations denses à Pimpin, la strate épiphyte est habituellement peu développée. La forêt de montagne, ou forêt mésotherme hygrophile ou forêt de bois de couleurs des hauts ou encore forêt des nuages : Ces formations demeurent aujourd’hui l’un des écosystèmes les mieux conservés avec 50 000 ha contre 100 000 à l’origine. À partir de 800 – 900 m sur le versant au vent, et de 1 000 – 1 100 m sur le versant sous le vent, commence la ceinture presque continue de forêts tropicales humides de montagne qui marque l’étage mésotherme de La Réunion. C’est la zone fraîche et pluvieuse des brouillards et des nuages qui s’accrochent au relief, un monde ou règne une humidité constante propice à l’exubérance des mousses, des fougères et des épiphytes. C’est le domaine de la forêt de nuages ou «forêt néphéléphile» (du grec néphélê : le nuage), encore appelée «forêt de brouillards» (Nebelwald). L’ambiance de cette formation est caractéristique des milieux tropicaux, rappelant les paysages préhistoriques. À La Réunion, on lui donne le nom de «forêt de bois de couleurs des Hauts», parfois de «forêt à Sterculiacées» ou de «forêt à mahots», en raison de la présence de nombreuses espèces de Mahots (Dombeya sp.). Du fait de ses conditions hygrométriques, de très nombreuses espèces de mousses, de fougères, et d’orchidées épiphytes composent ce milieu. La canopée haute de 5-10 m, parfois plus dans des conditions abritées (vallonnements, petites ravines) est généralement dominée par les Mahots, les Mapous, et les Fanjans. Contrairement à la forêt mégatherme hygrophile, les fanjans émergent de la canopée comme autant de petits parasols perchés au-dessus de la forêt hygrophile de Montagne profitant de l’humidité permanente de l’air. Son caractère sempervirent et globalement luisant varie peu au cours de l’année. Les floraisons sont plutôt ternes ou peu visibles, à l’exception de celles des mahots qui, par l’abondance de leurs inflorescences, avivent de blanc, de rose et de rouge la nappe verte et luisante du feuillage de la forêt. À l’intérieur de la forêt, règne une exubérance et un fouillis végétal sans ordre apparent. Dans une atmosphère constamment saturée d’humidité, mousses, lichens, plantes épiphytes ont envahi tous les supports disponibles. Dans cet univers enchevêtré, la stratification de la forêt est souvent peu lisible. La forêt de Tamarins des hauts Cette forêt qui ceinture la presque totalité de l’île entre 1500 et 1900 m est claire, homogène, souvent baignée par les brumes et les nuages. Elle est dominée par le Tamarin des Hauts, endémique de La Réunion. Cet arbre qui peut atteindre 20 à 25 m possède une ramure puissante, un feuillage de teinte claire qui donne une ombre peu dense. Malgré sa puissance, il se déracine facilement sous l’effet des cyclones, la croissance reprend sur la plupart des arbres couchés, si bien que la strate dépasse rarement 6 à 8 m. On distingue quatre principaux faciès de la forêt à tamarin appelés tamarinaies. Les tamarinaies ont en commun la dominance d’une même essence, le Tamarin des hauts qui, par son port incliné et tortueux, par son feuillage clair, imprime au sous-bois un aspect et une ambiance lumineuse caractéristiques. Ce phénomène donne à ces formations un caractère unique. Le Tamarin des Hauts est souvent associé à une fougère pionnière en sous bois, la fougère bleue (Histiopteris incisa), à un bambou endémique le Calumet (Nastus borbonicus), à une bruyère, le Branle vert (Erica montana), ou à certaines espèces de la forêt de Bois de Couleurs. Cette formation s’observe sur un substrat géologique récent ou colonise des zones régulièrement soumises aux incendies. Le bois de tamarin est très apprécié pour faire les toitures, les planchers et les meubles des maisons. Il est cultivé à Bélouve et dans les Hauts de l’Ouest par l’ONF. Les fourrés à Sophora denudata Le « Petit Tamarin de Hauts », est un petit arbre qui peut atteindre 7 à 10 m de hauteur, au port variable, en « parapluie » ou en « V ». Le houppier des Sophora prend une couleur claire et grisâtre ou sombre. Il se couvre de fleurs jaune vif en grappes au mois de juillet/août, qui se transforment en gousses, « chapelet » à la fin de l’hiver austral. Les divers groupements à Sophora ont une répartition spatiale éclatée et se présentent sous la forme d’îlots dont la superficie est bien souvent inférieure à un hectare. On les retrouve principalement sur les planèzes du Grand Bénare, les remparts des Cirques, la Planèze de la Roche Ecrite et sur le massif de la Fournaise. En fourrés ou petits groupes d’arbres insérés dans d’autres formations plus ou moins dominantes, le Sophora accompagne les espèces altimontaines entre 1800 et 2400 mètres d’altitude. (Jauze, 2003). La végétation altimontaine Émergeant de la « mer de nuages » qui ceinture l’île au-dessus de 2000 m, la végétation des sommets de La Réunion est le domaine des formations éricoïdes d’altitude (éricoïde : qui ressemble aux bruyères), marquées par l’absence d’arbres et le développement d’arbrisseaux à petites feuilles. A partir de 1800-1900 m, Cette végétation caractérise l’étage oligotherme (ou microtherme) aux conditions climatiques sévères et froides. Il y a des domaines de création récente où elle n’a pas eu le temps de s’installer (Plaine des Sables, Enclos Fouqué, dans le massif de la Fournaise). Ailleurs, le « bed-rock » est souvent affleurant. C’est le cas sur les dernières pentes de la planèze de la Roche Ecrite, avec la présence de belles dalles polygonales, taillées dans les ignimbrites récentes du Piton des Neiges. En ce qui concerne la flore, les traits floristiques sont une faible diversité, environ 60 espèces, mais une très grande originalité et un taux élevé d’endémisme dépassant les 90 %, avec des familles dominantes communes (Ericaceae, Asteraceae, Poaceae, Cyperaceae), de nombreux genres communs (Erica, Helichrysum, Stoebe, Carpha, Festuca, Poa, Panicum, Helictotrichon). D’aspect assez homogène au premier abord, les végétations altimontaines présentent pourtant une organisation altitudinale, dynamique et géomorphologique bien tranchée. Ainsi, depuis les sommets de l’île (Piton des Neiges 3070 m et Gros Morne, 3019 m, Grand Bénare 2898 m, Piton de la Fournaise 2631 m), il est possible de suivre le passage progressif des végétations éricoïdes prostrées à Branle blanc (Stoebe passerinoides), Asteraceae, endémique de La Réunion aux forêts mésothermes à Tamarin des hauts (Acacia heterophylla, Fabaceae, endémique Réunion). Les pelouses altimontaines La séquence de végétation éricoïde, typique des affleurements rocheux des planèzes altimontaines, est fréquemment associée dans les dépressions et couloirs d’érosion à des pelouses et tomillars (ou garrigues) altimontains. Selon la granulométrie de ces accumulations sédimentaires, deux types de végétation peuvent être distingués :
Milieux azonauxLes milieux humides Les milieux humides de basse altitude : Les étangs et les marécages de basse altitude sont représentés principalement par trois étangs situés à proximité immédiate de la zone littorale : Saint-Paul, Le Gol et Bois Rouge. Ces étangs sont caractérisés par des formations végétales spécifiques comprenant une végétation aquatique, subaquatique (les roselières) et hygrophile qui se développe en ceintures concentriques caractéristiques en fonction de la profondeur de l’eau. Ces Etangs abritent et accueillent une faune à forte valeur patrimoniale dont la Papangue, la Poule d’eau, le Héron vert et des insectes d’intérêts. Les milieux humides de moyenne altitude : Les milieux humides de moyenne altitude sont essentiellement représentés par le Grand Etang. Les milieux humides de haute altitude : Les milieux humides des hauts sont essentiellement représentés par des « mares » à végétation marécageuse (riche en Sphaignes et en espèces rares et endémiques). A ce titre on peut citer, la mare à jonc à Cilaos, la mare à Poule d’eau à Salazie, la mare du plateau du Kerval à Mafate, la mare à Boue dans les hauts de la Plaine des Cafres, de même que les petites mares d’altitude de la région du volcan de la fournaise, Piton de l’eau, mare Argamasse,…. Les ravines : Les ravines et leurs remparts relativement nombreuses sur l’île constituent des trames vertes et bleues dans lesquelles s’étagent différentes formations ou reliques de formations indigènes plus ou moins continues du battant des lames au sommet des montagnes. Elles constituent à ce titre des réservoirs uniques de biodiversité. Par ailleurs, les ravines sont également des zones de refuge, de nidification et de migration pour de nombreuses espèces animales patrimoniales dont les oiseaux marins. Ces différentes formations naturelles décrites ci-dessus recèlent bien entendu une faune endémique et indigène remarquable qui pour la plupart constituent de bons indicateurs biologiques car caractéristiques et spécifiques de ces milieux. A ce titre certains oiseaux ne se retrouvent que dans des formations naturelles primaires bien conservées comme le merle Pays ou le rarissime Tuit-tuit. Des espaces naturels longtemps considérés comme dénués d’intérêt et aujourd’hui vecteurs et supports d’une « économie verte » : Ces différents milieux naturels et espèces qui les constituent ont longtemps été considérés comme dénués d’intérêts car sans valeur réelle (économique), de même que les espèces présentes dans ces milieux dits non nobles. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles de grandes superficies ont été défrichées et des espèces introduites pour remplacer et recréer des boisements « nobles » (cf. partie sur l’agriculture, sylviculture). De même, le peu de connaissances sur ces milieux et leur fragilité et en particulier la conscience écologique parue seulement dans les années 70 n’a pas aidé à la préservation de ces milieux et paysages naturels. Certaines essences ont tout de même, à leurs dépends pour certaines, été longtemps utilisées en tisanerie ou en délimitation de parcelles comme le Bois de chandelle (Dracaena reflexa). De même, des essences locales ont donné leur nom à certains quartiers de la Réunion, à l’instar de Bois de Nèfle dans les hauts de Saint-Denis et de Saint-Paul, de Bois rouge à Saint-André, de Bois blanc à Sainte-Rose,…. Aujourd’hui ces milieux naturels sont des espaces de découverte, de pique nique, de respiration, d’études scientifiques et d’activités de nature comme la randonnée, le cannyoning, l’escalade,… et sont le support publicitaire du tourisme de nature. Les habitats naturels secondaires :
Depuis la colonisation de l'Île, les milieux naturels n'ont cessé de régresser au profit de l'agriculture et de l'urbanisation, changeant quasi irréversiblement l'occupation des sols et donc les grands paysages naturels de l'Île. C'est ainsi que les plus grandes superficies de milieux naturels ne subsistent aujourd'hui que dans les hauts de l'île ou occasionnellement dans les bas sous forme de reliques. La destruction directe des habitats naturels n'est hélas pas la seule cause de disparition de ces milieux. En effet, l'introduction volontaire ou accidentelle d'un nombre important d'espèces exotiques pour les besoins de l'Homme (agriculture, Ornement, lutte contre l'érosion des sols, production) et la prolifération de certaines d'entre elles ont participé et participe encore à la disparition d'espèces et de milieux indigènes, offrant ainsi de nouveaux paysages naturels non sans conséquence sur les milieux /paysages naturels d'origine. Les invasions par les espèces exotiques constituent la seconde menace de mise en danger et d'extinction d'espèces endémiques et indigènes (Lowe et al., 2001 ; Strahm, 1999), après la destruction directe des habitats par l'Homme. Ces espèces exotiques transforment par leur compétitivité et leur dominance les paysages naturels de l'Île et sont à ce titre responsables de l'uniformisation des milieux et donc de la banalisation des paysages.
A la Réunion, la flore des Mascareignes (Bosser et al., 1978) décrivait prés de 1100 espèces introduites dont 460 se seraient naturalisées. Une trentaine d'entre elles sont particulièrement envahissantes et ont un effet destructeur vis-à-vis des milieux naturels. Au XIXème siècle, 2217 espèces de plantes à fleurs officiellement introduites sur l'Île ont été dénombrées (Bréon, 1825 ; Richard, 1856). Si 70% de ces espèces ne se sont pas acclimatées et ont disparu, 628 d'entre elles se sont naturalisées (Lavergne, 2000). Et aujourd'hui des espèces végétales exotiques restent encore à inventorier. Les plantes envahissantes sont celles qui ont trouvé sur l'Île des conditions favorables à leur expansion. Les espèces animales n’ont pas échappés à ces introductions massives volontaires ou involontaires dont des mollusques, des crustacés, des papillons, des fourmis, des araignées, des lézards, des tortues, des serpents, des poissons, des oiseaux, … Parmi celles-ci certaines se sont naturalisées et sont devenues des concurrentes très agressives des espèces indigènes et contribuent également à la dissémination des espèces végétales envahissantes. A noter notamment le cas de Bulbul orphée (Pycnonotus jocosus), originaire des Indes et du Sud-est asiatiques, introduit sur l’Île en 1972. Cette espèce qui occupe un vaste territoire à La Réunion, est en compétition avec plusieurs espèces endémiques et participe activement à la propagation de nombreuses espèces végétales envahissantes dont le Goyavier et le Raisin marron pour ne citer qu’eux. Ces invasions ont dans certaines régions de l'île complètement transformé les paysages. Ainsi, dans les bas de l’Ouest, les milieux naturels de type savane de l’Ouest, sont en grande partie secondarisés par des espèces exotiques dont certaines sont dominantes. Les savanes herbeuses ont totalement remplacé la végétation originelle. Elles dominent les secteurs les plus secs de l’Île recouvrant ainsi une superficie d’environ 7500 ha. Les vastes cônes de déjection de la côte Ouest (Rivière des galets, Rivière Saint-Etienne) offrent des biotopes particulièrement secs ou la savane occupe des surfaces parfois importantes. L’aspect monotone de la savane herbeuse de teinte fauve, ocre et jaunâtre en hiver, reverdit rapidement avec les premières pluies de l’été, offrant un contraste saisonnier fort du paysage dans ces secteurs de l’Île. La sécheresse, les incendies réguliers et le pâturage itinérant entraînent une sélection drastique des espèces les mieux adaptées. Les plantes indigènes n’ont pratiquement plus leur place. Les familles qui dominent sont les graminées et les légumineuses. La savane à herbe esquine (Themeda quadrivalvis), originaire d’Asie, s’installe comme pionnière sur les sols squelettiques ou sur d’anciennes cultures abandonnées. Cette espèce est parfois accompagnée par Hyparhenia rufa légèrement plus hygrophile. La savane à fataque (Panicum maximum) s’installe parfois directement sur les anciennes cultures et jachères ou finit par supplanter les colonies d’herbe esquine lorsque la savane est épargnée par les incendies ou le surpâturage. Ces différents groupements plutôt pionniers sont assez rapidement remplacés par une savane herbacée dominée par l’Herbe polisson (Heteropogon contortus). C’est cette savane bien présente au niveau du Cap La Houssaye qui domine souvent le paysage. Les fourrés d'épineux souvent impénétrables se développent dans les anciennes jachères et les savanes et peuvent coloniser les reliques de formations indigènes encore présentes. Les espèces formant ces fourrés appartiennent au groupe des Mimosacées (Légumineuses). Deux espèces exotiques dominent souvent ces fourrés arbustifs denses : le Cassie blanc (Leucaena leucocephala) originaire d'Amérique centrale et l'Avocat marron (Litsea glutinosa) introduite de Sud-Est asiatique.
Dans ces zones on retrouve également en sous bois le choca vert (Furcraea foetida) aloes originaire d’Amérique tropicale qui ponctue les savanes sèches de l’Ouest et forme des fourrés denses impénétrables. Dans l'Ouest on peut également citer une espèce de légumineuse, le Zépinard (Dicranopteris cinerea) qui a entièrement colonisé des espaces bouleversés de la pointe des Châteaux à Saint-Leu formant ainsi des fourrés monospécifiques et impénétrables. Dans les bas de l’Île et notamment sur le massif de la Montagne et particulièrement à la Grande Chaloupe où subsistent des reliques non négligeables de forêt semi-sèche, c’est la liane papillon (Hyptage benghalensis) qui se montre très préoccupante tant son invasion est rapide. Il s’agit d’un arbuste lianescent formant des fourrés impénétrables, étouffant la végétation indigène et exotique et la remplaçant très rapidement. Il occupe de très larges surfaces notamment sur les remparts des grandes ravines du Nord Ouest (Ravine de la Chaloupe, Ravine à Malheur,…). Dans les bas de l’Est, les espèces végétales pionnières des coulées volcaniques, telle le Bois de rempart (Agarista salicifolia), sont en compétition avec des espèces exotiques envahissantes, bouleversant ainsi la dynamique de recolonisation des coulées de lave et donc le paysage naturel de l’Île. Désormais, des espèces comme le Bois de chapelet (Bohemeria penduliflora) et le Filaos (Casuarina equisetifolia), dominent la végétation pionnière des coulées récentes, appauvrissant ainsi les chances d’obtenir à terme les forêts climaciques telles que nous les observons aujourd’hui (Strasberg, 1994). Sur la côte sous le vent, le fourré à Faux poivrier (Schnius terebinthifolius) occupe les ravines hygrophiles dans l’aire de la forêt chaude et humide descendant également dans l’aire de la forêt sèche. Cette espèce forme ainsi dans l’Ouest des coulées sombres arbustives et denses souvent de couleur verte au milieu de la savane sèche. Sur la côte au vent, le Faux poivrier résistant dans une certaine mesure aux embruns salés, se limite à la frange littorale, trop fortement concurrencé par une espèce mieux adaptée, le Jamrosa (Sysygium jambos). Cette dernière espèce, souvent associées au Goyavier (Psidium cattleianum), constitue les fourrés secondaires les plus étendus, tant sur la côte Est quela côte Ouest. Le Goyavier possède cependant une amplitude écologique plus large. Il pénètre ainsi dans l’étage mésotherme des forêts pluviales et également, mais discrètement, dans les ravines fraîches de l’étage semi-xérophile. Le jamrosa ne devient réellement dominant que dans les ravines très humides de la côte « au vent ». Il forme d’ailleurs au sein de ces ravines des « voûtes » arborées très sombres en sous bois (exemple la rivière Sainte-Suzanne). Au début de la saison des pluies cette espèce débourre ces nouvelles feuilles parant ainsi les formations envahies d’une couleur bordeaux. Au sein des forêts de montagne, les invasions végétales, bien que généralement moins spectaculaires qu’à basse altitude, constituent une véritable menace. Certaines espèces dont le Fuchsia (Fuchsia boliviana), l'herbe chiffon ou Jouvence (Ageratina riparia), le Longose (Hedychium gardnerianum) ont envahi d’importantes surfaces en sous-bois. Dans la forêt de Bébour et Bélouve l’on peut notamment faire ce constat. De même, le raisin marron (Rubus alceifolius), originaire de java et introduit comme curiosité horticole vers 1840, colonise efficacement les ouvertures forestières (chablis). Cette espèce lianescente prolifère sur les remparts et dans les zones d'éboulis, le rempart de la rivière des Marsouins bien visibles du point de vue de Takamaka est un bel exemple. La liane chouchou (Sechium edule), considérée comme potentiellement envahissante, s’est bien dispersée en marge des cultures. Elle est ainsi très présente sur les remparts de la rivière du Mât en montant à Salazie. Les invasions biologiques n’épargnent hélas pas la végétation d’altitude, même si l’on dénombre beaucoup moins d’espèces invasives qu’à basse altitude. L’espèce exotique la plus menaçante est l’Ajonc d’Europe (Ulex europeaus) qui forme des fourrés mono spécifiques très denses, de couleur ocre s’étalant parfois sur de grandes distances. L’Ajonc est une espèce pyrophile, elle est donc particulièrement envahissante sur les zones incendiées. Le Maïdo est un des sites touristiques très touchés par cette espèce. Par ailleurs, un petit nombre de Composées et de Graminées est déjà largement naturalisé dans la végétation éricoïde.
Il faudrait malheureusement citer d’autres espèces exotiques envahissantes qui forment par endroits des fourrés quasi-monospécifiques : la Corbeille d’or ou Galabert (Lantana camara), le grain noël (Ardisia crenata) et de nombreuses espèces naturalisées au comportement envahissant encore limité dans l’espace. Les espèces exotiques envahissantes sont responsables de la diminution de la diversité floristique, de la disparition d'espèces et de milieux indigènes, de l'uniformisation des milieux et donc de la banalisation des paysages. L'histoire est hélas riche en exemples d'introduction biologiques désastreuses ayant conduit à l'extinction de nombreuses espèces indigènes et endémiques, voire de milieux naturels. Malgré ces constats, force est de constater que de telles introductions potentiellement dangereuses pour les milieux naturels ne cessent de perdurer de nos jours. La pénurie de bois du XIXème siècle se faisant sentir, l’exploitation des forêts pour fournir des bois de charpente, de sciage, de fente, de charronnage et d’ébénisterie s’épuise, tandis que les surfaces boisées régressent devant l’extension des terres cultivables et les défrichements. Ces derniers sont encore opérés à grande échelle pour produire du bois de chauffe réclamé par la population et les usines à sucre. Vers 1850, on commence à parler de ruine des forêts du pays. Pour faire face à la pénurie de bois, les reboisements sont encouragés dés la fin du XVIIIème siècle. Pour ce faire, le Filaos est dans un premier temps planté sur les pas géométrique de Saint-Paul, de Saint-Leu, puis sur les dunes de l’Etang Salé et le littoral de Saint-Philippe créant ainsi les paysages boisés des côtes de La Réunion que l’on connaît aujourd’hui. Ces plantations atteignent au moins 1900 ha en 1900, tandis que le Filao se répand spontanément sur les coulées de lave de Sainte-Rose et de Saint-Philippe. Dans cette frénésie de reboisement souvent associée à des préoccupations de fixation des sols et de lutte contre l’érosion, notamment au niveau de zones laissées en friches en altitudes suite à des essais économiquement infructueux de pâturage ou de culture de géranium, de nombreuses essences sont testées avec plus ou moins de succès. Le Bois noir des bas (Albizia lebbeck), le Lilas d’Inde (Melia azedarach) et le Tamarinier (Tamarindus indica) sont plantés dans les parties sèches de l’Île. Le filao de la Nouvelle-Hollande (Casuarina cunninghamania) et divers acacias dont (Acacia dealbata) sont testés dans les cirques, ainsi que diverses essences susceptibles de fournir du bois d’œuvre : Eucalyptus (Eucalyptus sp.), Pins (Pinus sp.), Araucarias (Araucaria sp.), Grevillaire (Grevillea robusta), Camphrier (Cinanomum camphora)… C’est ainsi que l’on retrouve par endroit encore des formations dominées par l’une de ces espèces. Par exemple : les formations dominées par le camphrier le long de la route forestière de l’Eden dans les hauts de Bras-Panon ou de la route départementale menant au Barrage de Takamaka I, ainsi que les formations arrière-littorales de l’Etang-Salé plantées en Eucalyptus ou en Lilas de l’Inde. Parmi ces essais de plantation, c’est le Cryptoméria du japon (Cryptomeria japonica), résineux introduit en 1880, qui fera réellement l’objet d’une culture intensive, favorisée par une succession de programmes de reboisement qui concerneront environ 2 600 ha. Les principaux secteurs d’implantation encore visibles aujourd’hui sont situés entre 900 et 1600 mètres dans les Hauts de l’Ouest, le Brûlé de Saint-Denis, la Petite Plaine des Palmistes et le Plateau de Bébour. Constituées de peuplements monospécifiques denses, sensibles aux cyclones, les forêts artificielles de Cryptomeria revêtent une diversité d’autant plus réduite que les plantations succèdent à des terres à Géranium. Les pestes végétales y trouvent un terrain favorable à leur prolifération, notamment le Longose de Gardner (Hedychium gardneranum), au point d’inventer un nouveau paysage forestier aux allures asiatiques. Ces forêts résineuses à Longose et Cryptomeria en forme de coton tige occupent une bonne part des Hauts du Tévelave et ne sont certes pas sans attrait visuel et odorant quand explose la floraison jaune et spectaculaire du Longose. Les peuplements de Cryptomeria couvrent aujourd’hui une superficie de 1 880 ha, parmi lesquels 1300 ha associent une fonction première de production de bois d’œuvre à des fonctions de protection des sols et souvent d’accueil du public ; seuls 580 ha sont assignées à un objectif unique de protection des sols. |
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